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Une décennie de psychoses alimentaires

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PolitiqueStyle de vie

De Lisbonne à Varsovie, on boude le rayon volaille. La scène prend des airs de déjà-vu. Pour cause, la décennie écoulée en Europe a été rythmée par les crises alimentaires.

Au commencement était la « vache folle ». Si la maladie s'est propagée en Europe c’est parce qu’une partie des farines animales nourrissant le bétail, fabriquées en Grande-Bretagne, ont été exportées d'un bout à l'autre du continent, à un moment où personne ne soupçonnait encore leur contamination.

La psychose de la vache folle

En 1996, Londres annonce que la « tremblante du mouton » est susceptible de se transmettre à l’homme sous le nom de maladie de Creutzfeld-Jakob. La maladie, désignée scientifiquement comme l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), se caractérise par une dégénérescence progressive du cerveau, entraînant troubles de comportement et dysfonctionnements moteurs. La nouvelle agit comme une traînée de poudre et a des répercussions immédiates, engendrant une véritable psychose chez les consommateurs. La pression politique est telle que l’UE n’a plus d’autre choix que d’accepter l’embargo sur la viande bovine britannique en mars 96, ce qu’elle avait jusqu’alors refusé en raison des enjeux économiques. La mesure semble pour autant tardive : l’épizootie, déclenchée en 1985 en Grande-Bretagne, a atteint son point culminant entre 1990 et 1994. L’embargo quant à lui ne sera levé qu’en 1999, 2002 pour la France.

Haro sur le bœuf aux hormones

Depuis 1988, les Européens disent « non » au bœuf américain aux hormones, au nom du sacro-saint principe de précaution, arguant du fait que les risques d'un lien entre la viande traitée aux hormones et diverses maladies, notamment le cancer, n'ont jamais été réfutés. Devant l'interdiction européenne d'importer du bœuf traité aux stéroïdes et autres hormones de croissance, les Américains ont déposé un recours et pris des mesures de rétorsions commerciales autorisées en 1999 par l’OMC et toujours en vigueur.

Le « chickengate »

En 1999, certains pays des 25 dont la Belgique et la France sont touchés par l’affaire des volailles nourries avec des aliments industriels contaminés. Les gouvernements doivent faire face au « belgian chickengate » ou « poulet à la dioxine ». Le danger cette fois est venu des graisses animales, qui entrent dans la fabrication d'aliments de bétail, empoisonnées par une importante quantité de dioxine, une substance toxique. Volailles, porc, beurre, oeufs et lait sont alors retirés de la vente en Belgique. Les critiques se multiplient contre les élevages industriels de poulets bon marché. Les scandales ultra-médiatisés du Coca-cola contaminé et du camembert « Le Petit » à la listériose complètent le tableau de cette paranoïa alimentaire très fin de siècle.

De fièvre aphteuse en peste porcine

Nouveau rebondissement en 2001, lorsqu'une épizootie de fièvre aphteuse venue d’Asie touche de plein fouet les élevages de Grande-Bretagne, d’Irlande, de France et des Pays-Bas. La Commission européenne prend des mesures drastiques pour empêcher la propagation du virus, ordonnant notamment l’abattage de 4 millions d’ovins. Quelques mois plus tard, en 2002, c’est la peste porcine qui inquiète l’Allemagne, la France et le Luxembourg. Les enjeux, comme pour la fièvre aphteuse, sont essentiellement économiques puisque la maladie ne présente aucun danger pour l’homme. Surveillance des frontières, activation du réseau d’alerte, isolement des foyers, destruction des cheptels présents puis désinfection rigoureuse sont de rigueur. De nouveau, « la méthode UE » fait ses preuves : l'épidémie est contenue.

Sus à la grippe aviaire

Aujourd’hui nouveau vent de panique dans les supermarchés. La raison ? La grippe du poulet est arrivée. Depuis 2003, le virus a fait une soixantaine de morts en Asie du Sud-est et des millions d’oiseaux ont été abattus. Le risque de survenue d'une pandémie chez l'homme est lié au risque de mutation du virus d’influenza aviaire au contact de celui de la grippe humaine, créant un gène inconnu et très dangereux. L’Europe retient son souffle, plusieurs foyers ont été signalés en Roumanie, en Bulgarie et en Russie. En Turquie, 4 personnes, des enfants en majorité, sont décédées en janvier de cette grippe aviaire. L’UE, forte des crises précédentes, s’est efforcée de prendre des mesures préventives. Mais jusqu’à quand?