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Un petit tour à Chypre…

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Lorelei

Presse à la grecque

Ce n’est pas exactement la Grèce, et pourtant… L’île de Chypre est à l’honneur cette semaine de certains quotidiens grecs qui réaffirment le soutien de la République de Grèce au président grécochypriote Dimitris Christofias dans les pourparlers qui ont débuté jeudi 11 septembre pour régler un problème vieux de 34 ans. L’occasion pour nous d’aller voir là-bas ce qu’il se passe.

drapeau chypre Les négociations sont en cours. Partant, peu de conclusions peuvent être tirées à ce jour. Rappelons simplement que six grands thèmes de discussion ont été dégagés lors d’un travail préparatoire: la répartition des pouvoirs, la question de l’intégration européenne, la sécurité, les questions territoriales, celles des biens des particuliers, et les problèmes économiques seront donc étudiés l’un après l’autre (voir ''Kathimerini''). Seul le premier de ces thèmes a été abordé pour l’instant.

Mais un petit détour par les journaux chypriotes donnent un aperçu de l’ambiance qui règne sur la partie grecque de l’île d’Aphrodite en cette rentrée scolaire qui a provoqué une polémique dont l’ampleur n’est pas étrangère à la tenue simultanée desdites négociations. En effet, le gouvernement grécochypriote a annoncé un projet de refonte des programmes pour “cultiver davantage un esprit de paix propice à une vie commune avec les Turcochypriotes, un respect partagé et une collaboration des deux populations, le but restant la fin de l’occupation de notre pays et la réunification de notre patrie”. D’après l’édition du 3 septembre du journal chypriote ''Simerini'' ce projet a été annoncé peu de jours avant la rentrée scolaire aux équipes pédagogiques chypriotes. Le communiqué qui leur a été transmis par le ministère de l’Éducation incite à la mise en place d’activités pédagogiques que l’on qualifie, en jargon enseignant, d’interculturelles: organisations d’expositions sur des thèmes communs aux deux communautés, de débats sur les problèmes liés à la cohabitation des deux communautés, activités de comparaisons entre les deux langues – turque et grecque… Tout cela s’inscrit merveilleusement bien dans le contexte actuel d’un espoir de réglement du conflit, et semble faire montre d’une volonté politique de rendre la vie à deux – à deux communautés, ici s’entend – plus harmonieuse et respectueuse de l’Autre.

Pourtant, les réactions vont de la perplexité des enseignants à l’hostilité – peu convaincante – de l’Eglise. Selon le journal local ''Phileleftheros'', les manuels d’Histoire seraient aussi concernés par le projet de réforme; cela a surtout fait enrager l’Eglise qui a exprimé sa désapprobation par la voix de son Archiépiscope: “Tout changement de l’Histoire est une provocation envers les professeurs qui ont enseigné ces connaissances pendant des centaines d’années, et envers nous-mêmes, qui les avons apprises’, s’est-il emporté. Visiblement, la notion de relativité de l’Histoire n’a pas été enseignée à ce haut responsable religieux. Pris dans son élan conservateur, il a ajouté que “l’éducation grecque chrétienne de notre pays et nos idéaux ont 2000 ans d’expérience derrière eux.” Le président n’a pas tardé à répondre que “tout ce que l’Eglise peut dire sur l’anti-hellénisme et la réécriture de l’Histoire est sans fondement et pure fiction”. Les relations entre le chef de l’Eglise chypriote et le président du pays n’ont jamais été bonnes; cet incident n’en est qu’une illustration de plus. Mais ce qui est plus troublant, c’est que les réactions négatives à cette réforme des programmes ont touché également les milieux enseignants.

Ceux-ci sont plus retenus dans leurs réactions, exposées dans ''Simerini''. Toutefois, ils soulignent certaines difficultés à mettre en place cet idyllique programme de ‘réconciliation nationale’: “Que doit faire le directeur d’une école si un collège situé en ‘zone occupée’ invite une école de ‘zone libre’ pour la tenue d’un séminaire ou d’une manifestation commune? Il devra répondre positivement ? Ensuite, si des élèves ou des enseignants refusent de se rendre dans les territoires qui sont occupés, y aura-t-il des sanctions prises par le ministère de l’Education?” Ces questions pratiques appellent effectivement des éclaircissements sur le fonctionnement de ces nouveaux axes d’enseignement. La dernière question soulevée par les syndicats enseignants est sous forme d’assertion: il ne faut pas sous-estimer le problème de l’occupation. “L’invasion et l’occupation sont des données factuelles et nous ne devons pas les effacer de notre mémoire”, insistent-ils.

Cette affaire soulève beaucoup de questions, du rôle de l’école dans le changement des mentalités d’un peuple blessé, à l’objectivité toujours démentie de l’Histoire. Ces problèmes trouveront-ils des éléments de réponse dans les négociations en cours ? Affaire à suivre…

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