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UN "NOYAU DUR" POUR CONSTRUIRE UNE UNION POLITIQUE EUROPENNE

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L'Europe à table

L’Union par le sommet de Nice a commencé son élargissement à partir de 2003 aux pays pouvant satisfaire les conditions d’adhésion. Avec les négociations sur l’adhésion de la Turquie et de certains pays des Balkans, l’Union Européenne a ouvert la porte à beaucoup d’autres Etats.

Il faut bien se poser la question des limites de l’UE et ouvrir un débat avec nos voisins des frontières orientales.

Nous avons déjà mis en place des accords de partenariat, de coopération, d’association qui ouvrent la voie à la candidature.

Si nous ne pensons pas à l’élaboration d’un « noyau dur » , comme avant-garde de l’Union politique et locomotive de l’intégration, nous aurons à déplorer la dilution de l’Union Européenne dans une simple Union élargie.

L’échec de la ratification du Traité Constitutionnel et les difficultés de la ratification du Traité de Lisbonne conjugués à la pression de l’élargissement doit faire faire à l’Union Européenne un saut qualitatif qui lui permettra d’intégrer toutes les nouvelles vagues d’adhésions dans un cadre institutionnel remanié par un renforcement des politiques communes. Cette « avant-garde » doit être la première étape d’un processus amenant l’Union Européenne à mieux construire une Union pour la Méditerranée et à mieux intégrer les nouveaux Etats candidats.

Par une profonde rénovation institutionnelle apportée par l’élaboration d’une Constitution, par la formation d’un noyau dur, nous éviterions les blocages accumulés depuis la signature du Traité de Maastricht et nous cesserions de condamner l’Europe à l’impuissance. Nous nous donnerions les moyens d’échapper à une crise possible qui, révélant nos faiblesses pourrait déboucher sur une régression et peut être même sur une dislocation de la construction édifiée depuis 1957.

Il faudrait enfin préparer le passage de la Commission actuelle à un gouvernement européen avec un président, un vice-président et des ministres. Le président élu au suffrage universel direct serait le véritable chef de l’exécutif, avec le pouvoir de dissoudre l’Assemblée.

Pour le parlement, deux chambres sont nécessaires, l’une doit représenter les citoyens, l’autre les Etats.

La première « La Chambre des citoyens » se rapprocherait de l’actuelle Assemblée de Strasbourg.

La seconde est une « Chambre des nations » qui représenterait les Etats à raison de quelques représentants par pays membres avec un nombre de représentants égal quel que soit la taille de l’état. Dans le cas d’un vote à la majorité simple , un Etat = une voix. Dans le cas d’un vote à l’unanimité, la décision est prise quand il y a accord entre tous les participants. On peut se poser la question de la repondération des poids décisionnels des Etats dans la procédure de vote à la majorité qualifiée, en déterminant le nombre de voix que chacun obtiendrai à l’avenir. On peut mettre en avant les critères démographiques (déjà présents dans le calcul actuel) qui au passage lèse donc les petits états comme le Luxembourg, la Belgique, etc… Pour ne pas faire des « petits états » des acteurs de seconde zone en réduisant leurs poids décisionnels, il faut revenir aux principes de base des relations internationales, à savoir : un Etat = une voix. Par cette simple équation on ne fait que respecter les lois élémentaires de la démocratie.

Cette Constitution comme le traité constitutionnel doit être mis en forme par un « conseil des sages » indépendants qui grâce au réseau internet ferait participer l’ensemble des citoyens à la réflexion. Ce travail de fond et ce formidable défi qu’est l’élaboration d’une constitution mettrait l’Europe dans la vie quotidienne. La participation de chacun pourrait déboucher sur les débuts d’un civisme européen. Cela suppose des réformes difficiles au niveau de l’Union Européenne comme au niveau des pays membres, avec pour ces derniers, comme conséquence, des réflexions à engager sur une nouvelle répartition territoriale des pouvoirs. Les moyens, pour nous autres européens, de compter dans le jeu géopolitique mondial, passent d’abord par une réorganisation de nos institutions. Deux objectifs se montrent à nous : la redéfinition du fonctionnement de la Commission Européenne et la recherche d’un nouveau processus de prise de décisions au Conseil des Ministres ou Conseil de l’Union Européenne. Le Traité de Lisbonne va dans ce sens.

Cette rénovation d’un cadre politique de l’Union ne sera pas une tâche facile. A l’intérieur même de l’Europe des 27, comme nous l’a montré l’échec de la ratification du Traité Constitutionnel et comme le souligne aujourd’hui les difficultés de la ratification du Traité de Lisbonne, les adversaires ne manquent pas. De plus, l’élaboration d’un noyau dur ne sera pas bien accueilli par les pays candidats, ils se sentiront en effet devant un obstacle supplémentaires. Parallèlement certains pays d’Europe Centrale et Orientale montreront des réticences à intégrer une Union trop fédérale alors qu’ils ont été sous la domination de l’URSS et qu’ils manifestent donc un souci légitime de garder une indépendance récemment retrouvée.

Nous devons donc, là aussi, initier un véritable débat politique autour de l’Union, débat qui doit viser à expliquer et faire participer tous les Etats comme l’ensemble des citoyens pour ne pas les exclure. Nous pourrions proposer, grâce aux principes exposés plus haut dans les idées d’une Constitution, aux états candidats une place de membre associé à la Chambre des Nations. Nous pourrions ainsi grâce à une constitution mettre en place des aménagements qui pourraient tourner autour de différentes formules allant de membres associés à membre à part entière.

Devant les enjeux stratégiques du XXIème siècle, une construction politique de l’Europe est nécessaire, les nouveaux défis ne peuvent être simplement gérés par des Etats isolés, ni par un système de coopération inter-gouvernementale.

Au centre le « Noyau Dur », régi par une Constitution dont les membres font partie de l’Union Européenne et qui participent aux politiques communes de sécurité interne (Schengen) et externe (Défense) ainsi qu’à la zone Euro. A la première périphérie, les pays membres de l’Union Européenne mais qui ne souhaitent pas adhérer à l’Union Politique. Enfin, un dernier groupe correspondrait aux pays candidats et/ou membres associés.

Ce « Noyau Dur » serait le moteur de l’ensemble. Cette intégration à géométrie variable a le mérite de proposer une construction pragmatique de l’Union Européenne. Chacun des Etats peut ainsi s’adapter à son rythme aux exigences de l’admission dans l’organisation politique ou décider de ne pas y adhérer. Par l’élaboration de ces 3 « familles », on va de l’intégration totale à l’influence soutenue.

Olivier VEDRINE