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Un (non) pays nommé Transnistrie

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StrasbourgSociété

Le Bulli Tour continue! Découvrez désormais le périple de nos deux jeunes Strasbourgeois en Transnistrie, partis en Combi VW, à la découverte de ce (non) pays!

Transni...comment?

Drôle de pays que celui qui n’existe pas. La Transnistrie est la patrie de 550 000 citoyens qui ont un passeport, un président, une armée, une monnaie et un Parlement. Mais pour voyager en dehors de leurs frontières, ils doivent se munir d’un autre passeport, généralement russe ou moldave. « Mon passeport transnistrien ne fonctionne que dans notre territoire de 4 200 km carrés. Si je sors d’ici, je dois prendre mon passeport moldave », explique avec logique Alexander Tikkun, jeune mathématicien vivant à Tiraspol et qui rêve de partir à Moscou.

À l’origine, la Transnitrie est une région de Moldavie. À majorité russophone, les habitants de l’Est ont craint, en 1990, d’être rattachés à la Roumanie — dont ils n’ont jamais fait partie, contrairement à la Moldavie occidentale. Après l’effondrement du bloc soviétique, ils se sont alors auto-proclamés « République moldave du Dniestr ». Les négociations n’ont pas pu aboutir entre Moldaves de l’est et Moldaves de l’ouest et finalement la guerre civile a éclaté en 1992, causant la mort de 2 000 personnes et de nombreux disparus.

Sous influence russe

Un cessez-le-feu a permis de mettre fin aux combats mais depuis, aucun traité n’a été ratifié : c’est le statu quo. Les frontières de ce petit territoire sécessionniste sont tenues par des soldats transnistriens, mais aussi par des unités russes. Moscou y aurait toujours 1 500 hommes sur place. En réalité, Vladimir Poutine contrôle de facto cette région, sans l’avoir annexée. Cela lui permet aussi de contrer les éventuels rapprochements entre l’Union européenne et la Moldavie. Composée d’un tiers de Moldaves, d’un tiers de Russes et d’un tiers d’Ukrainiens, la Transnistrie actuelle vit dans le giron russe.

La Moldavie quant à elle est tenue éloignée de l’Union européenne grâce au chantage moscovite. Les menaces émanant de l’administration du Kremlin sont claires : la Moldavie perdrait définitivement la Transnistrie si elle venait à se rapprocher davantage de Bruxelles. Chisinau, la capitale moldave, se trouve ainsi dans une impasse car elle ne peut survivre sans approfondir de relations ni avec l’est ni avec l’ouest.

Difficile reconnaissance

Seuls quelques autres territoires séparatistes reconnaissent la légitimité et l’existence de la Transnistrie. Ses alliées sont des régions largement non reconnues internationalement telles que l’Ossétie du Sud, l’Abkhazie et la « République populaire de Donetsk ». Ces territoires qui se voudraient des nations sont tous nées de guerre civile après l’effondrement de l’Union soviétique. Même Moscou ne reconnaît pas la Transnistrie, mais entretient volontiers sa russophilie et en joue. La région autonomiste quant à elle s’entête et a demandé plusieurs fois son attachement à la Russie. En 2006, un référendum non reconnu par l’UE indiquait que 97% des Transnistriens voulaient officiellement faire partie de la Fédération, devenant ainsi, comme Kaliningrad, une enclave russe.

Un conflit bien actuel

Les tensions entre les deux entités moldaves restent palpables. Lors du cessez-le-feu de 1992, les troupes de Chisinau contrôlaient deux enclaves à l’est du Dniestr. Depuis avril 2014, les agriculteurs de l’enclave de Cocieri n’ont plus le droit de moissoner leurs champs de blé. 95% de leurs terres se trouvent pourtant de l’autre côté de la frontière mais leur accès est désormais totalement interdit par l’armée : une situation inédite. Jusqu’ici, les interdictions n’étaient que temporaires. Aujourd’hui, les agriculteurs risquent la faillite : « C’est le chômage technique pour nos 60 employés depuis des mois. On va perdre des millions de lei et nos champs seront abîmés car la terre n’aura pas été retournée », explique Piotr Ciracenko, le comptable de la société agricole moldave Victoria Cocieri.

Le dénouement du conflit en Ukraine pourrait avoir un impact sur l’avenir des Moldaves de part et d’autre du Dniestr. Certains observateurs évoquent une « deuxième Crimée ». En réalité, l’enclavement géographique de cette région la rend très dépendante des décisions et du bon vouloir de ses voisins.

Cet ar­ticle fait par­tie d'une série de re­por­tages réa­li­sés dans le cadre du pro­jet "Bulli Tour Eu­ropa" dont Ca­fe­ba­bel Stras­bourg est par­te­naire. Pour dé­cou­vrir d'autres ar­ticles ren­dez-vous sur (www.​bul­li­tour.​eu). Cré­dit photo : "Bulli Tour Eu­ropa"