Un LIEU d’asile
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En cette période de Noël, pensons aux vrais démunis
Texte proposé par Jean-François Coudret, militant des droits de l'Homme
À une époque de l’année où même dans les pays dits civilisés, des exclus vont mourir de froid dans les rues, certains avec de jeunes enfants, nous n’avons pas trop de difficulté à imaginer quelle est la situation des exclus du reste du monde.
C’est parfois à la sortie de magasins, où se bousculent des nantis à la recherche de l’ivresse de leurs yeux et de leur cœur pour les fêtes de fin d’année, que s’installent ces demandeurs d’asile, ou pas loin car un certain ordre établi les a chassés de la proximité de ces temples de la société de consommation, d’abondance et de gâchis.
S’ils en ont encore la force physique, certains n’ont plus la force morale de tendre la main pour recevoir l’obole du reste de ces agapes consommatrices.
Leurs couvertures et leurs doudounes de fortune font horreur. Elles ne sentent pas car elles sont en plein courant d’air de nos rues illuminées et scintillant de toutes les lumières de nos Noël païens où l’origine de cette fête et de ces coutumes est de moins en moins rappelée.
Chez nous, ils sont encore l’exception même si beaucoup d’entre eux se cachent de honte ou simplement pour trouver un meilleur abri provisoire du froid parce qu’ils sont les premiers à l’avoir trouvé et qu’ils n’en sont pas exclus, là encore par leurs semblables un peu plus fortunés qui l’ont découvert avant eux et qui se le réservent.
Oh, bien sûr, il y a des foyers dits d’accueil et des camps entiers de tentes où le froid sera moins mordant mais où l’exclusion est à peine moins perceptible malgré les efforts dévoués de quelques bénévoles empreints de véritable humanité. Mais le vrai froid qui nous glace tous, celui qui reste et prend pouvoir n’est-il pas celui du cœur ?
Des hivers terribles comme celui de 1954, où l’Occident et le monde entier sortaient d’une guerre effroyable, ont été l’occasion de voir se manifester quelques esprits supérieurement généreux.
Mais maintenant où, grâce aux médias, les images de guerres et d’horreur sont présentes presque chaque jour dans tous les foyers, un refroidissement certain emplit nos cœurs lassés de ces gâche-plaisirs qui perturberaient nos festivités et nos festoiements. Oh certes on a encore la « force » d’oublier et de rire mais si le vin et les alcools coulent en abondance dans nos fêtes, les « agapes » ont perdu leur signification d’origine de réunions des anciens démunis tyranisés et même martyrisés de la terre.
Oui, les démunis sont à nos portes et à nos frontières qu’ils ont parfois l’énergie du désespoir de franchir illégalement pour se protéger d’une exclusion encore pire dans leurs pays plus récemment « sortis » de guerre ou encore en pleins processus d’anéantissement.
Mais ne retrouvent-ils pas un peu la même chose à leur arrivée : la violence placide de la lenteur de nos services sociaux d’accueil où ils grossissent les files d’attente de certains de nos concitoyens pas beaucoup moins démunis qu’eux. Si leur nombre les transforme en masse apparemment menaçante, ils font la connaissance de l’accueil musclé de nos services d’ordre.
Mais les assurances qui, elles, ne prennent pas beaucoup de risques avec les deniers que, pleins d’espoir, nous leur confions nous protégeront-elles si nous commettons « l’erreur » de devenir foyer d’asile pour accueillir certains de ces démunis ? Existe-t-il des modalités et des procédures pour protéger ces « bons Samaritains » plus âgés restant seuls dans leur vaste demeure où ils ont élevés une génération d’enfants devenus citoyens actifs et payeurs d’impôts, s’ils cherchaient à faire bénéficier les démunis de leurs surplus ?
Le monde est un peu dans la même situation que nos sociétés d’abondance. Le flot de richesses ne se répartit pas équitablement, et ce sans complexe, même si certains systèmes de production cherchent à être plus équitable et à moins enrichir les non-producteurs entre les mains de qui les biens de consommation ne font que passer. La richesse des pays dit démunis est gérée sans trop de scrupules par des économistes internationaux. Et certains pays en nourrissent d’autres, mais pas toujours ceux que l’on croit.
En cette période de Noël, pensons aux vrais démunis, aux populations que l’on peut tuer sans vergogne. À celles qu’on laisse exposées aux caprices de tyrans destructeurs en déplaçant les murailles protectrices qu’elles avaient dû se construire avec les moyens du bord. Pensons aux personnes qui meurent, non pas seulement directement de la guerre mais aussi faute de soins possibles si elles étaient libres de se déplacer de leur faux camp de réfugiés.