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Un Etat-nation est-il plus légitime qu'une Europe unie?

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L'unification de l'Europe vue par la lorgnette tchèque

Juste avant les fêtes de Noël, une nouvelle affaire a fait trembler la scène politique tchèque.

Le président de l'Assemblée nationale a prononcé un discours à Bruxelles (la capitale européenne) pour dénoncer l'évolution de l'Union européenne au courant des dix dernières années.

Il a indiqué qu'un processus comme celui de l'intégration lente mais progressive induit une captation des droits par l'Union européenne aux dépens des Etats-nations. Ce processus enraciné dans le traité de Maastricht est dangereux. Non seulement pour les Etats-nations, mais aussi pour le libéralisme basé sur l'Etat-nation et surtout pour la démocratie et la liberté qui est enracinée -selon l'interprétation de Václav Klaus (président de l'Assemblée nationale tchèque)- dans l'Etat-nation justement.

Si on prend du recul face à cette formulation très radicale (sans doute due aux échéances législatives de juin 2002, et par conséquent à la volonté de se faire remarquer); il reste une question : " L'Europe se dirige-t-elle réellement vers la création d'un Etat supranational et ce processus est-il souhaitable ? "

Pendant le dernier demi-siècle, la construction de l'Union européenne a été envisagée sous deux angles : fédéraliste et internationaliste, les deux étant soutenus par des groupes importants de partisans. Mais quel est le but réel pour l'Europe dans son évolution actuelle ?

Je considère qu'à long terme, le but de l'Europe unie est la fédération. Cela nous montre la création des liens étroits entre les Etats-membres. Depuis la mise en place des organes communs dans le domaine de l'industrie lourde, l'unification a progressé jusqu'à la mise en place de la monnaie unique et même jusqu'à la coopération la plus étroite dans le domaine de la défense. Par là, l'unification a touché ces domaines qui sortent d'habitude des compétences étatiques.

Sur cette question n'existe pas bien sûr un accord unanime entre tous les Etats-membres, personnellement je n'ai pas d'indice évocateur pour soutenir mon hypothèse, mais cette possibilité existe et d'après moi, elle est même très probable.

L'idée de l'unification des secteurs individuels va mener à l'unification politique qui est apparu déjà tout au début du processus de l'unification. Cependant, auprès de beaucoup de gens cette vision de l'Europe politiquement unie provoque des craintes.

La création d'un Etat supranational, je pense ici à la fédération européenne, est-il souhaitable ? Est-ce qu'il est justifié et légitime ? Est-il vraiment possible ?

A la dernière question ne peut répondre que le futur. Je vais d'avantage m'intéresser à la question de la légitimité et des justifications de l'Etat supranational par rapport à l'Etat-nation d'aujourd'hui.

En effet, les Etats-nations sont souvent perçus comme des concepts historiques immuables et on ne met pas en cause leur légitimité.

Leur durée de vie, sous la forme actuelle, est en général assez courte et de plus leur légitimité ne découle que du simple constat (pas des plus satisfaisants) que c'est comme cela, cela fonctionne et donc c'est nécessairement bien, ces arguments sont plus fragiles que ce qu'il pourrait paraître.

Cependant, il est évident que prendre la partie de l'Etat-nation recèle un avantage. D'une part, il a un vécu historique beaucoup plus long et de l'autre, il y a une quantité impressionnante de penseurs qui se sont préoccupés de la justification de l'Etat-nation.

Je ne peux pas contester que certains y sont parfaitement bien arrivés, mais tout de même la position de l'Etat-nation reste un vaste chantier. L'Etat supranational n'a pas l'appui de grands théoriciens et de leurs idées, d'ailleurs dans ce contexte le terme " Etat " n'est pas employé. Si l'objectif n'est pas suffisament précisé, il est très difficile de le défendre. Si on se met d'accord sur l'objectif-Etat, l'argumentation deviendra tout de suite plus facile. Ensuite, il est possible de partir des idées antérieures à l'époque glorieuse de l'Etat-nation et y chercher une base solide, pour construire une nouvelle théorie justificative.

Après on peut discuter des deux théories : celle de l'Etat-nation et celle de l'Etat supranational. Ce qui manque à la conception théorique de l'Etat supranational est l'existence d'un tel Etat, même vaguement fédéral.

Les "Etats-Unis de l'Europe", le but désiré de l'Europe unie, pourraient y trouver un appui et surtout sa légitimité.

La discussion entre eurosceptiques et anti-fédéralistes serait beaucoup plus facile, au moins plus claire et plus ouverte, et leurs arguments ne resteraient pas sans réponse. En attendant, la discussion est réduite aux arguments utilitaires, il faut souligner, souvent des deux côtés.

Je serais très content, s'il s'avérait que mes doutes sur la justification théorique de la meilleure forme d'unification étaient dus à mon enracinement dans la province tchèque où les idées de l'Ouest ne pénètrent pas.