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Un cadeau empoisonné ?

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Simon Loubris

La Chine cherche-t-elle à diviser l’Union européenne pour mieux régner sur le commerce avec ses membres ? Interview avec Peter Nightingale, Président de l’Euro-China Business Association.

Le mot « commerce » induit une certaine équité dans l’échange. Mais lorsqu’il est utilisé dans le contexte de la politique commerciale de l'UE envers la Chine, de quelle équité parle-t-on ? Quand la Chine a déclaré, à l’occasion du sommet UE - Chine de Pékin du 30 octobre dernier, son intention de faire passer l'UE du troisième au premier rang de ses partenaires commerciaux, elle pouvait avoir le sentiment d’être magnanime. Pourtant, les soupçons pèsent sur cette volonté.

Il suffit de penser aux relations commerciales que la Chine entretient avec les Etats-Unis, qui génèrent un excédent commercial estimé à 125 milliards de dollars en faveur de la Chine, et aux allégations américaines de « commerce injuste », pour deviner d’où ces craintes peuvent provenir. Ces inquiétudes sont-elles justifiées : sous les concessions apparentes de la Chine dans son « document stratégique », n’y a-t-il pas un désir d'exploiter la concurrence entre Etats membres ?

Café babel a rencontré Peter Nightingale, Président de l’Euro-China Business Association et directeur du China-Britain Business Council.

Café babel : Quelles sont les concessions les plus significatives faites par la Chine et l'UE pendant le sommet en matière de relations commerciales ?

Peter Nightingale : L’élément le plus significatif, bien qu’hors sujet, a été l’accord facilitant l'octroi de visas touristiques aux voyageurs chinois de la part des pays de la zone Schengen de l’UE. Cet accord a des implications énormes pour le secteur du tourisme dans l’Union et en Chine. La décision de la Chine de participer au programme spatial européen Galileo est importante, notamment du fait de la participation financière chinoise. En outre, l'UE et la Chine vont développer un dialogue sur certains sujets relatifs aux secteurs industriels et sur la protection des droits de propriété intellectuelle. C’est d’un intérêt essentiel pour pratiquement n’importe quel investisseur étranger en Chine. Je pense qu’au moins dans le cas de l’accord sur les visas, c’est à l’avantage de l’UE.

Deux semaines avant le sommet, la Chine a édité son premier projet d'orientation sur l’UE, un « document stratégique », dans lequel Pékin déclare son intention de faire de l'Europe son premier partenaire commercial ? Quelle devrait être la réaction de l’UE au regard de ces intentions ?

Depuis que la Chine a adhéré à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), elle s’est rendue compte que l'UE est un acteur important sur la scène internationale. L'UE est en charge de toutes les questions de politique commerciale pour ses Etats membres. La Chine sait donc qu'elle doit négocier et coopérer avec l'UE dans le secteur-clé des questions commerciales.

Naturellement, l'UE elle-même vient également de publier un document stratégique sur la Chine. Les deux entités veulent se faire contrepoids. Évidemment, le créateur d’une stratégie met en avant les éléments qu’il tient à voir apparaître. Mais il est bon que les deux côtés s'engagent dans la négociation et le dialogue d'une manière sérieuse.

Il y a actuellement beaucoup de concurrence entre Etats Membres sur le marché chinois. Par exemple, entre l'Allemagne et la France en qui concerne la construction du chemin de fer de Pékin à Shanghai. Pensez-vous que les ambitions contenues dans le document stratégique chinois visent à tirer profit de cette concurrence ?

Il faut vraiment analyser ceci à un double niveau. Au niveau européen, je suis sûr que la Chine souhaite équilibrer ses intérêts et avantages entre l'Asie, les Etats-Unis et l'Europe. Elle encouragera donc évidemment la concurrence entre les principaux blocs commerciaux afin de faire la meilleure affaire possible sur l’objet de la négociation. Ce que quiconque ferait. Je pense qu'elle fait la même chose au niveau des Etats membres. Être en pourparlers avec différents Etats membres pour obtenir le meilleur prix est une décision économique que n'importe quel pays ou homme d’affaires pratiquerait. C’est tout à fait normal.

Quelles mesures politiques doivent être prises pour mener une politique commerciale commune envers la Chine ?

Puisque l'UE négocie la politique commerciale au nom de tous les états membres avec la Chine, il y a une politique commune. Donc je ne pense pas que ce soit un problème. Ce qui est plus problématique, c’est que quelques Etats membres sont plus forts que d'autres dans certains secteurs. Les objectifs en termes de politique commerciale avec la Chine diffèrent donc selon les états. Cependant, la réalisation de ces objectifs passe par l'UE. C’est pourquoi les états membres poussent l'Union à négocier avec la Chine, afin d'atteindre certains objectifs commerciaux qui satisferont un ou plusieurs états membres, et également, en général, les secteurs industriels à travers l'Europe entière.

Croyez-vous que l’amélioration des relations commerciales entre l'UE et la Chine conduira à une amélioration des droits de l'homme en Chine, comme de nombreux euro-fonctionnaires le pensent ? Comment les entreprises occidentales pourraient-elles influencer la politique chinoise dans ce domaine ?

D'une manière générale, c’est aux politiciens et aux gouvernements d’essayer d’avoir des influences réciproques sur des sujets comme les droits de l’homme. Mais je crois qu'il ne fait absolument aucun doute que les Chinois ont bénéficié énormément du très grand nombre d’entreprises étrangères responsables qui ont investit en Chine, apportant avec elles ce qu’elles considéraient comme de « bonnes pratiques » dans leur secteur. Ce qui a énormément amélioré [les droits de l’homme dans] des secteurs en Chine. Il y a des dizaines d'exemples de très bonnes pratiques établies en Chine qui résulte de cela. Ca a vraiment dopé la question des droits de l'homme en Chine. C'est le genre d’influence que le monde des affaires peut avoir sur le système politique chinois. Un système qui n'aurait pas fait les grands bons en avant de ces 25 dernières années, sans l’impact d'investissement productif étranger.

Translated from Chinas EU trade policy: A Gift Horse or a Trojan Horse?