UE versus USA : la face cachée du soleil
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Philippe-Alexandre SaulnierHormis le soleil, la Floride et l'Espagne partagent un autre point commun. Favorisées par des taux de crédits faibles et une activité économique florissante, elles ont connu un énorme boom immobilier. Cependant, l'éclatement de la bulle générée par cette fiévreuse spéculation n'a pas tardé à plonger ces terres bénies des dieux dans un profond marasme.
Or, tandis que lentement mais sûrement la Floride se relève, l'Espagne s'enlise dans une crise qui persiste. Pour quelle raison ? C'est le thème du quatrième volet de notre observation transatlantique sur la crise.
Dès son entrée dans l'euro, l'Espagne s'est imposée comme l'un des rares pays de la zone euro à ne pas avoir dépassé la barre des 3% autorisés de déficit annuel fixée par le traité de Maastricht. Ce ne fut pas là le moindre de ses mérites. Dans ses années les plus fastes, Madrid pouvait ainsi se flatter d'afficher un bel excédent budgétaire. Malgré ce comportement exemplaire, les entreprises, le secteur privé et les ménages, contractèrent dans le même temps à l'étranger des emprunts excessifs. Bien qu'au regard des règles communautaires l'Espagne faisait figure de bon élève, le dette massive accumulée à l'extérieur menaçait de faire exploser la bulle qui gonflait inexorablement dans tout le pays.
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Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique se jouait une partie tout aussi endiablée. En Floride, chacun aspirait à une place au soleil. Autant dire que la demande immobilière se montra insatiable. Lorsque la colossale bulle qui ne cessait de gonfler finit par éclater, les deux pays se retrouvèrent face aux mêmes douloureux problèmes qu'il fallait bien combattre. En chute libre, les prix de l'immobilier sombrèrent et les activités économiques accusèrent une baisse brutale. Il en a résulté une hausse du chômage et un déficit débridé. En Espagne, le taux des gens sans emploi avoisina soudain le seuil critique et préoccupant des 25%. En dépit de l'austérité requise, les mesures s'imposèrent lentement alors que les banques manifestaient de sérieux signes d'essoufflement. L'État étant dans l'impossibilité de leur prêter son soutien effectif, l'UE dut mettre en place son propre système d'assistance bancaire au pays. Malgré cette manne, le pouvoir financier groggy laisse pourtant à l'abandon l'économie ibérique réelle.
La Floride verse aussi des larmes
Selon les normes américaines, 8,8% de chômeurs représente un seuil très élevé. Sans compter que le marché de l'immobilier se remet encore mal de sa « gueule de bois ». Néanmoins, la situation des deux pays diffère énormément. Tandis que l'Espagne subit des plans d'austérité à répétition, et que les masses descendent dans la rue pour protester contre des mesures jugées trop drastiques, la Floride se relève lentement mais sûrement. Faut-il y voir la récompense d'une vertu précoce ou les effets salvateurs d'une saine parcimonie ? En aucune façon.
L'ardent débat fiscal en vue de juguler la crise constitue l'une des disparités majeures de ces deux situations. Durant les années du boom, la Floride enregistrait le taux de chômage le plus bas des États-Unis. De plus, elle bénéficiait d'une croissance économique forte et de solides recettes fiscales. Cet afflux d'argent représentant un apport appréciable pour le gouvernement fédéral permit à Washington d'en redistribuer alors une partie à des États plus nécessiteux. Un des effets secondaires de ce phénomène fut de calmer légèrement une économie en surchauffe.
Au sein de l'Union européenne dans les années 2000, un tel transfert aurait permis par exemple à l'Allemagne, forte du soutien d'une Espagne en plein boom, de voir ses contributions communautaires pour le moins allégées. Aux USA, lorsque la crise a éclaté, le rapport de forces s'est inversé et la Floride est devenue l'un des États les plus durement touchés par la récession dont les effets négatifs ont toutefois pu être atténués. Le gouvernement américain a assuré les prestations sociales et versé des allocations chômage en les prélevant sur le budget fédéral, prenant également en charge le déficit de la branche financière. Le temps était alors venu pour la Floride de restructurer son économie. En Espagne, c'est loin d'être le cas. Les répercutions de la crise frappent toutes simultanément et les aides extérieures n'arrivent pas. Résultat : la confiance générale se délite. On se méfie de tout : des banques, de l'État, de l'économie... On remet même en question le bien-fondé de l'affiliation du pays à la zone euro.
La confiance générale se délite. On se méfie de tout : des banques, de l'État, de l'économie... On remet même en question le bien-fondé de l'affiliation du pays à la zone euro.
Pourtant, la mise en place d'un mécanisme de sécurité collective minimale pourrait clairement débloquer la situation. Par exemple, prendre la forme d'un montant minimum permettant aux chômeurs de l'Union de recevoir une allocation et une couverture sociale de base comme l'a proposé succinctement le ministre français des Finances, Pierre Moscovici. En outre, chaque État aurait, s'il le souhaite, la liberté d'ajouter d'autres prestations à cette garantie de base collective. Financé par une petite partie des cotisations sociales, ce modèle pourrait ainsi amortir le choc causé par les violentes fluctuations économiques qui sévissent dans différents pays de l'Union. En substance, cela ne signifie pas une redistribution de fonds des États riches en direction des États pauvres, mais au contraire un rééquilibrage entre les États en plein boom et ceux en proie à la stagnation. On peut aussi imaginer ce modèle bénéfique pour tous comme une soupape contre la surchauffe. Dans le contexte actuel, cette solution présenterait l'avantage de décongestionner les pays en crise et de leur laisser suffisamment de temps afin de réaliser les réformes économiques nécessaires sans pour autant, à la première aide financière versée, étouffer la croissance.
Toutefois, il faut bien avouer qu'une sorte d'union fiscale aussi modeste soit-elle serait déjà une avancée politique indispensable et courageuse. Les États doivent ensemble coordonner leur politique sociale sur des bases européennes en s'occupant aussi pour cela des problèmes financiers qui en découlent. Dans cette optique, il serait important de renforcer les institutions communautaires et leur responsabilité à l'égard du peuple car, seul un tel modèle, est en mesure de recevoir le consentement des populations concernées.
La cinquième et dernière partie de nos observations nous emmèneront à Bruxelles et à Washington DC. Nous regarderons comment fonctionne l'Union européenne et ce qui la distingue des États-Unis concernant le modèle de l'État nation. En outre, nous nous tournerons vers la République américaine et ce qui fait sa plus grande force à savoir sa démocratie vivante.
Photos/Illustration : ©Adrien Lecoärer/http://plcrr.com/; Texte : (cc)Jorgemente.es/flickr
Translated from EU vs. USA: Unter der südlichen Sonne