UE – Cuba : le dossier égaré
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olivier baumardLa valse hésitation de l’Union européenne face à Cuba oscille entre deux stratégies : une politique de sanctions ou «un engagement constructif et un dialogue critique».
La stratégie de Bruxelles envers La Havane n’a pas changé d’un iota depuis le 31 janvier 2005, date à laquelle l’Union a suspendu les sanctions diplomatiques à l’encontre de Cuba, instaurées en juin 2003.
A l’époque, la communauté internationale avait fermement réagi à une vague d’emprisonnement qui avait condamné 75 opposants au régime de Fidel Castro à la prison et à la mort pour 3 d’entre eux. Leur délit ? Avoir tenté de détourner un ferry de la ligne La Havane – Miami.
Suite aux efforts consentis par les autorités cubaines avec la libération voyante d'une poignée de dissidents, l’UE avait décidé de dégeler ses relations avec l’île, sur proposition du premier Ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, grand apôtre du « dialogue constructif» entre Bruxelles et La Havane.
« Castro ne veut pas discuter avec nous »
Cette reprise du dialogue a suscité une vive indignation de la part du ministre des Affaires étrangères tchèque Cyril Svoboda, largement soutenu par des diplomates polonais et allemands : «de vrais amis arrivent à discuter sur des sujets qui gênent, comme ceux touchant aux droits de l’homme, à la répression ou aux emprisonnements,» a t-il notamment expliqué. «Fidel Castro ne veut même pas en parler avec nous. C’est donc à lui qu’il faut poser la question de savoir pourquoi nos relations sont mauvaises.»
Dans son analyse, Svoboda est largement conforté par Vaclav Havel, ex-président de la République tchèque et fondateur du Comité pour la démocratie à Cuba. Havel est connu pour ses positions d'opposant virulent à la politique européenne envers le régime cubain : «aujourd’hui, l’Union mange dans la main de Castro (...) et pourtant l’Europe s’unit pour défendre sa propre liberté et ses valeurs et non pour les sacrifier au nom d’une coexistence harmonieuse avec des dictateurs. S’opposer pacifiquement au mal, c’est la meilleure contribution spirituelle, morale et politique d’une Europe unie, » a t-il ainsi déclaré.
Un point de vue qui semble largement partagé par ses homologues diplomates de l’ancien bloc de l’Est, qui gardent en mémoire les réalités du communisme. En juin 2006, lors de la rencontre à Luxembourg durant laquelle le Conseil de l’UE a évoqué l’avenir des relations de Bruxelles avec Cuba, ces responsables de l'anciens bloc soviétique ont clairement protesté contre la levée des sanctions sur Cuba.
Si l’Union a condamné « préventivement » Fidel Castro qui maintient en prison 330 opposants, elle n’a pas été jusqu’à suspendre les sanctions imposées à La Havane il y a 3 ans. Bruxelles a d’ores et déjà prévenu qu’elle prolongerait les sanctions au moins jusqu’à juin 2007.
« Condamnons , mais n’interdisons pas »
Malgré les vives critiques exprimées à Luxembourg par les représentants de la République tchèque, de la Pologne, de la Suède et des Pays-Bas, c’est l’option la plus clémente proposée par l’Espagne qui l’a une fois de plus emportée.
Zapatero, qui prend ses distances avec la politique pro-américaine et ‘anti-Fidel’ de son prédécesseur José Maria Aznar, a de nouveau gagné dans la confrontation diplomatique qui se joue autour de la bataille pour Cuba.
Malgré l’engagement personnel du Commissaire européen au Développement, le Belge Louis Michel, pour qui « les relations entre l’Union et Cuba sont absolument nécessaires », l’Union dérange par sa passivité.
En novembre 2006, l’Assemblée Générale de l’ONU a condamné l’embargo commercial américain, mais n'a pas eu le courage suffisant pour demander au régime de Castro la libération des prisonniers politiques et le respect des droits de l’homme.
A New York, c’est un nain politique de la scène internationale, l’Australie, qui a courageusement défendu ces deux exigences, humiliant du même coup les injonctions timorées de Bruxelles.
Se faire remplacer par un second rôle politique n’a rien apporté à la gloire diplomatique de l’Union. Au contraire, elle est dorénavant discréditée, non seulement aux yeux de ses partenaires étrangers, mais aussi aux yeux des Cubains, fatigués du castrisme.
Une table ronde latino ?
Aleksander Kwaniewski, l’ex-président polonais qui, n’ayant pas obtenu le poste tant convoité de secrétaire général de l’ONU, souhaite revenir à la grande politique, a récemment proposé une initiative intéressante. Il voudrait organiser à Cuba des discussions autour d’une table ronde, dont la liste des participants incluerait des représentants de l’opposition cubaine mais aussi des personnalités du monde politique tels que Vaclav Havel, Joschka Fischer et Colin Powell.
Si ce projet ambitieux pouvait se réaliser, les discussions commenceraient à la fin mai-juin 2007. « Tout cela se trouve encore à un stade préparatoire et dans une phase très délicate. Les pourparlers concernant un tel projet sont en cours de discussion mais sa concrétisation reste encore lointaine. C’est une idée qui suppose des discussions et des négociations en coulisses et certainement pas dans les médias », assure Aleksander Kwasniewski.
Translated from UE - Kuba: zagubione dossier