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Turquie, la question kurde en plein coeur

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Default profile picture Prune Antoine

Le Premier ministre turc, Recepp Tayyip Erdogan vient d’appeler à une solution politique au « problème kurde », un point essentiel des négociations d’adhésion d’Ankara à l’UE. Zoom sur le Kurdistan, plongé en pleine fête nationale turque.

Le commandant crie ses ordres alors qu’une nuée de soldats parfaitement organisés envahit la rue, au son de la mélodie mélancolique d’une fanfare. Même à Diyarbakir, une cité à majorité kurde au sud-est de la Turquie, le pays commémore le 30 août sa victoire dans le conflit qui l’opposa à la Grèce de 1919 à 1922. Sur l’estrade où se tiennent les familles des officiers et les dirigeants locaux, quelques enfants mal à l’aise se tortillent sur leurs chaises. Des centaines de personnes se dressent de chaque côté de la rue, battant des mains et agitant des drapeaux alors qu’une autre parade militaire défile. Derrière le basalte noir des murs de la vieille ville, la vie se poursuit comme si de rien n’était.

Côté kurde

«Le jour est peut-être férié mais les banques et les bâtiments publics restent ouverts. Tous les ans, la manifestation est la même et personne ne semble réellement intéressé», lance calmement Mehmet, assis sur le pas de la porte de son magasin, sirotant un thé.« L’armée commémore sa victoire dans la guerre d’Indépendance et la création de la République Turque. Pour les Kurdes, l’évènement marque la fin du rêve d’un Etat bien à nous.  »

Un rêve que le Parti des Travailleurs kurdes, le fameux PKK avait en tête lorsqu’il prit les armes en 1978. Le conflit initial prit des allures de guerre dès les années 90 quand l’armée turque entama sa politique radicale de la « terre brûlée » en réponse aux attaques de la guérilla. Des mesures qui connurent un succès certain mais provoquèrent la destruction d’un nombre incalculable de villages, dont les habitants s’empressèrent de fuir vers Diyarbakir. La population de la ville dépasse aujourd’hui un million d’habitants.

Erdogan a reconnu le problème

«Le PKK avait pour habitude de faire campagne dans la ville mais les gens en ont eu assez de cette violence alors ils sont repartis dans les montagnes », raconte Hassan, le propriétaire d’un magasin de tapis niché dans la cour intérieure d’un vieux caravansérail. «Les choses se sont calmées mais les affaires vont toujours aussi mal. Il n’y a pas assez de touristes qui viennent par ici. Le PKK a annoncé un cessez-le-feu d’un mois ce week-end. J’espère que cela va durer...»

C’est après le discours du Premier ministre turc Recepp Tayyip Erdogan que le PKK a proposé à nouveau un cessez-le-feu, abandonné en juin 2004. Alors en visite à Diyarbakir, le chef du gouvernement a déclaré que le problème du Kurdistan ne pouvait qu’être résolu par des moyens politiques. Une déclaration en forme de rejet de l’appel militaire à des mesures plus fortes dans la croisade contre le terrorisme et première reconnaissance de l’existence d’un «  problème kurde ». Jusque là, le gouvernement n’avait jamais cessé de considérer cette question sous l’angle économique ou militaire.

Téléphones mobiles dernier cri

Les commentaires d’Erdogan ont été accueillis fraîchement sous les objections et protestations des nationalistes craignant des négociations directes avec le PKK tandis que l’armée contenait sa réaction. Une retenue suggérant l’idée que le retour des militaires dans le conflit un mois seulement avant le début des négociations d’adhésion laisserait une assez mauvaise impression. De même dans ce silence, la conviction qu’une intensification de cette lutte ne profiterait qu’au PKK. Dans le conflit contre les militaires, le PKK s’est proclamé comme le représentant et défenseur du peuple kurde, une position qui conduisit le parti au réarmement en juin 2004 malgrè la perte d’ampleur du mouvement. Le nouveau cessez-le-feu est finalement l’expression de son impuissance.

La plupart des Kurdes ne sont pas prêts à soutenir éternellement la stratégie de violence du PKK, non seulement parce que les efforts du gouvernement en terme de développement ont commencé à porter leurs fruits mais aussi parce que la région a radicalement changé depuis le commencement des hostilités. «Il y a une quinzaine d’années, les gens ne pouvaient qu’acheter du thé et du sucre dans les magasins. Aujourd’hui, chaque ville possède son propre supermarché. La première image que j’ai de moi remonte à mon premier jour de classe et mon père était alors le seul du quartier à posséder un appareil photo. Désormais, tout le monde en a un», explique Mehmet, en arborant son portable dernier cri.

Il est une idée largement répandue selon laquelle le développement est tributaire des fluctuations de la paix. « La fréquentation touristique ne peut augmenter que si la région reste calme », prophétise Hassan, «alors de plus en plus de gens viendront ici et acheteront ces magnifiques tapis kurdes. Et notre business sera florissant... »

Translated from Die türkische Kurdenfrage