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Tu boudes les séries allemandes ? Tatort, c’est tendance.

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Story by

Katha Kloss

Translation by:

Default profile picture Camille Farnoux

Style de vie

J'ai du rater quelque chose. Le Tatort, cette série policière à la Lindenstraße [autre série policière allemande ndlt], sur les ondes de la télé allemande depuis des décennies, est devenue LE truc tendance. Mais pourquoi ?

Je me suis rendue compte que cette série était devenue culte quand des amis, venus me rendre visite à Paris, ont commencé à charger la voiture dès le dimanche matin ! On repart un peu plus tôt, sinon on ne sera pas là à temps pour le TatortLieu du crime », ndlr). Ce soir c'est Jan Josef Liefers [dans le rôle de Karl-Friedrich Boerne, le médecin légiste, et Axel Prahl dans celui du commissaire principal Frank Thiel à Münster] qui mène l'enquête. Génial ! Et hop, les voilà partis– renonçant à un après-midi à Paris pour une stupide série télé.

On peut affirmer, sans exagération aucune, que le Tatort – une coproduction de la chaîne allemande ARD, l'ORF autrichienne et de la Télévision Suisse – est la série policière la plus appréciée du paysage audiovisuel teuton. Depuis plus de 40 ans, des générations d'Allemands, assis devant le petit écran le dimanche soir en prime time, suivent avec une attention soutenue leurs enquêteurs préférés – jusqu'au dénouement. Car une chose est sûre, au bout de 90 minutes l'Allemand peut s'assoupir en toute quiétude : qu'on soit à Münster, Hambourg ou Berlin, le meurtre est résolu – l'ordre est rétabli. Ringarde, la série ?

Ringardise télévisuelle et buzz dans les grandes villes

Récemment, dans une interview au Spiegel, l'animatrice télé et l’écrivaine-tendance, Sarah Kuttner (32 ans) a résumé le nœuds du problème de façon très pertinente: « Depuis quelques temps, c'est le nouveau truc que les gens cool comme nous se doivent de regarder. Une sorte de nouvelle ringardise. Je trouve cette série terriblement dépassée et ennuyeuse. Rien n'est pire que la phrase : le meilleur "Tatort" c'est celui de Münster. »

Karl-Friedrich Boerne, le médecin légiste, et Axel Prahl, le commissaire principal Frank Thiel à Münster.

Mais qu'est-ce qui fait alors que 8,5 millions d'Allemands (en 2011, tendance à la hausse) continuent de consacrer leur soirée du dimanche au Tatort ? Qu'il le regarde sur son canapé perso ou au café du coin, il est quasi impossible d'attirer l'Allemand loin du petit écran le dimanche soir. Tout comme il est compliqué de l’arracher à son ordinateur puisque le Tatort est aussi le sujet le plus discuté des tweets allemands de la nuit.

Depuis plusieurs années, il est aussi de bon ton de regarder la série en bande. Un phénomène qui a d'abord été lancé à Hambourg – et qui s'est depuis étendu à tout le territoire. Ça s'appelle « Tatort Public Viewing », et ce n'est pas sans rappeler les grand-messes autour de la dernière Coupe du monde de foot en Allemagne. Sauf que le Tatort se regarde plus calmement.

« Vibrer » tous ensemble, c'est la clef du phénomène. Et il n'est pas du tout improbable de tomber à Berlin sur une bande de hipsters qui d'un chuuuuuuut fermeraient le clapet des trouble-fêtes osant interrompre leur rituel dominical. D'après ARD, il y aurait 37 cafés-Tatort à Berlin et Vienne surfe aussi sur ce succès. Chaque semaine dans la capitale autrichienne, c'est une salle de ciné entière qui suit fiévreusement les commissaires sur les traces du crime organisé.

Tatort ou l'attachement régional des hipsters

En plus, le Tatort est à des années lumière des formats des NCIS et compagnie caractérisés par les simplifications, leur rythme effréné et la technologie omniprésente. Bien au contraire : la série allemande mise sur les méthodes qui ont fait leurs preuves, le flair du détective et la science des déductions – et se passe par la même occasion complètement du sens surnaturel du Mentalist. Bien plus, ce sont les passes d'armes des commissaires, opérant la plupart du temps en duo, qui sont les plus importantes. Le commissaire Franz Leitmayr (Udo Wachtveitl) et son collègue croate Ivo Batic (Miroslav Nemec) par exemple, sont mis à rude épreuve dans le dernier épisode munichois « Der Traurige König » (« Le roi triste », 26/02/2012). Lorsque Leitmayr tire sur un suspect et le plonge ainsi dans le coma, il ne met pas seulement son intégrité professionnelle en danger mais aussi son binôme avec Batic.

Ok, admettons. La série policière préférée des Allemands a un peu le charme des années 90. A l'étranger on l'estampillerait direct « typiquement allemande ». Mais la recette du succès est subtile et on peut la résumer en un seul mot : H-E-I-M-A-T, ce mot - typiquement allemand - que l'on ne peut que difficilement traduire dans d'autres langues [et qui signifie la région d'où l'on vient et pour laquelle on éprouve un grand attachement, ndlt]. La série procure une sensation douillette, un sentiment d'appartenance et chacun des Tatort a un coloris local clairement reconnaissable.

L’Allemagne en mutation

Même si on se moque souvent sur Internet de ce que chaque Tatort passe obligatoirement en revue (au moins quelques-unes des curiosités de la ville où a lieu l'épisode), la série est souvent qualifiée de « reflet de l'Allemagne ». Des débats de société et des discussions politiques y sont repris. Le médium populaire devient réservoir culturel.

Le premier épisode, « Taxi pour Leipzig » (1970) thématise la division allemande. Plus tard il s'agira entre autres de minorités ethniques, de terrorisme, de chômage ou de la guerre des Balkans. La parité aussi, dont on discute en ce moment en Allemagne avec exaltation, a été mise en pratique dans le Tatort depuis longtemps. En plus de la commissaire Maria Furtwängler, peut-être la plus célèbre (Commissaire Charlotte Lindholm à Hanovre), 8 de ces dames mènent l’enquête, flanquées le plus souvent, il est vrai, d'un concentré de virilité.

Le Tatort serait alors tout de même progressiste ? Soit, n'exagérons rien. Vu de l'extérieur, cette série a certainement un côté vieillot à la Derrick. Mais ceux qui veulent séjourner un certain temps en Allemagne à un moment ou à un autre ne pourront passer outre. Même Til Schweiger, connu à l'étranger depuis Inglourious Basterds, le dernier film de Tarantino, l'a compris. En 2012, après ses escapades hollywoodiennes, il mènera l'enquête à Hambourg.

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Photos : Une ©daserste.de ; Texte : Tatort  à Münster ©tatort-news; Til Schweiger ©daserste.de ; Vidéos (cc)Tatort Trailer/YouTube; Tatort en 123 secondes (cc)walulis/YouTube

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Translated from Tatort: Der Hipster-Heimatkrimi