Travailleurs sans-papiers : La prise de la Bastille en vidéo
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Pendant 26 jours, une centaine de travailleurs « sans papiers » en grève ont occupé le parvis de l'Opéra Bastille, en plein cœur de Paris. Un camp de fortune témoin de débats improvisés et opportuns sur les droits des salariés sans-papiers en France, où deux journalistes de cafebabel.com ont trimballé caméra et micro en quête de ces travailleurs invisibles...
Qui viennent de lever le camp sur une victoire.
Vendredi 19 juin, à l’issue de la quatrième réunion entre les 11 syndicats représentants les « sans papiers » et les Ministères du Travail et de l’Immigration, de nouveaux critères de régularisation des travailleurs sans permis de séjour ont été établis. Après huit mois de grève, un texte a enfin vu le jour.
La victoire des sans
Le gouvernement admet une « difficulté d’application de la circulaire » du 24 novembre 2009 sur la régularisation par le travail. Cette circulaire avait notamment le défaut de déléguer aux préfets la décision de la délivrance du précieux visa de travail, les « papiers » synonymes de droits pour les travailleurs, ce qui produisait des interprétations arbitraires selon les préfectures. C’est la non-reconnaissance de leurs droits de travailleurs qui a poussé les sans-papiers à occuper la place de la Bastille en mai 2010, huit mois après le début de leur grève. Une contradiction ubuesque. D’un côté, ils reçoivent leurs fiches de paie, cotisent à la caisse sociale et déclarent leurs impôts ; de l’autre, les institutions leur refusent un permis de séjour. Une condition d’invisibilité inacceptable pour ceux qui constituent une « réalité économique et sociale de ce pays » selon les mots de Raymond Chauveau, le coordinateur CGT du mouvement.
Entassé sous des tentes improvisées depuis des semaines, le mouvement des sans papiers apparaît très calme et compact. Sur leurs visages, la fatigue de cette longue lutte ne laisse filtrer aucune trace de doute. En circulant dans ce camp de improvisé, on a l’impression qu’une grande sérénité règne parmi eux. Au son des djembés, le soir ils se rassemblent, discutent et partagent leurs sensations et leurs opinions. On ressent tout autour cette chaleur humaine. Comment ne pas être confiants ? Ils connaissent très bien leurs conditions et sont déterminés à ne rien lâcher. Huit mois de grève démontrent bien leur pugnacité et leur constance.
Ambiguïté
A présent un accord a été trouvé. Les critères de régularisation ont été mis à jour. Pour obtenir une régularisation, il faudra avoir travaillé au moins 12 des 18 derniers mois et être présents sur le territoire français depuis cinq ans. Le travail chez différents employeurs sera pris en compte afin de protéger aussi les intérimaires. Bien entendu, les 8 mois de grève compteront comme activité salariée. La réunion a été « sérieuse et positive » affirme Raymond Chauveau. Mais il demeure encore une « grosse ambiguïté » : le Ministère de l’Immigration considère encore l’ancienneté en France, y compris les périodes de travail au noir, ce qui laisse encore la possibilité pour les employeurs d’embaucher des travailleurs sans les déclarer. « M. Besson a du mal à être conséquent. En procédant de cette façon-là, il roule pour les patrons voyous. Soit on prend en compte le temps de présence en France, soit on prend en compte les feuilles de paie », conclut le syndicaliste.
Les grévistes de la Bastille peuvent pour le moment être satisfaits. Pour eux, la bataille a produit des résultats. Mais les nouveaux arrivants, qui ont récemment commencé à travailler, ne peuvent pas affirmer la même chose. Les négociations ont conduit seulement à des mesures una tantum, juste ce qu’il fallait pour arrêter la grève. Pour l’instant, le travail au noir reste encore une réalité répandue parmi les sans papiers. Peut-être entendra-t-on encore des djembés vibrer sur le parvis de la Bastille.
Les auteurs de l'article et de la vidéo, Victorine Seitz et Giulio Marseglia, sont membres dela Parisienne, le blog de cafebabel.com à Paris, où vous pouvez retrouver leur reportage vidéo.
Vidéo : ©Victorine Seitz et Giulio Marseglia/cafebabel.com; Photos : Une ©Ernest Morales; Manifestants sans-papiers : ©William Hamon (aka Ewns)/Flickr