Transports collectifs : Athènes, à bout de souffle
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La voiture à Athènes ? Un art de vivre. Et tant pis pour l’écologie ! Le trafic est intense et le métro a du mal à rivaliser avec les taxis, maîtres en ville. Piétons et cyclistes font comme ils peuvent en attendant que les pouvoirs publics prennent en main les transports collectifs. Quant aux médecins et écolos, ils tirent la sonnette d’alarme : l’air que respirent les Athéniens n’a rien de pur.
Mais la crise est dans tous les esprits et les questions d’environnement et de santé ne sont pas vraiment une priorité. Promenade en ville, mais sans la clim.
La capitale grecque n’a rien d’un petit ilot bobo : c’est une grande cité entre quartiers historiques, centre rempli de boutiques et horizon bétonné. Tout à Athènes a subi les affres de plans de construction massifs, à commencer par les espaces verts (2.5m² de vert par habitant quand l’UE en préconise 10) et les rivières, comme la Kifissos, aujourd’hui recouverte de gravats… Polluée, menacée par le nefos, ce gros nuage toxique qui vire jaune-marron l’été, envahie par les automobilistes, Athènes a vraiment mauvaise réputation. Et si vous vous y rendez avec l’espoir de changer d’avis … ce n’est pas gagné ! Presque aucune rue 100% piétonne, des trottoirs parfois défoncés : « C’est simple, pour une jeune femme avec une poussette, notre ville représente un environnement très hostile ! » résume Tasos Krommydas, membre du parti écologiste et conseiller spécial sur les questions environnementales auprès du maire. Mais ce qui frappe le plus, c’est le nombre de taxis dans une ville qui, bien loin d’être aussi grande que New York, est tout aussi bariolée de jaune.
Jeunes filles en pleine séance de shopping, septuagénaires fatigués par la chaleur, cadres pressés, pour les Athéniens, le taxi, c’est un mode de locomotion quotidien… et pas cher. Lors de notre rencontre, Tasos Krommydas, nous explique que, dans l’enceinte de la ville, carburer au diesel est interdit… sauf pour les taxis et les voitures à usage professionnel. Une aberration écolo qui justifie le prix dérisoire des taxis. Les trajets sont en outre souvent courts. La voiture, c’est presque une institution : chaque famille en possède deux à trois à Athènes.
« Les Grecs n’aiment pas les transports collectifs »
Certains vous diront aussi que le bus est mal famé, bondé et rempli d’ « immigrés » (donc de pickpockets, car l’amalgame est assez courant). D’autres jugent que le réseau du métro est insuffisant. Et ils n’ont pas tort : trois lignes dans une ville de 4 millions d'habitants très étendue! Selon les Verts, les JO de 2004 étaient un tremplin pour améliorer les transports publics de la ville et l’extension du métro est toujours au programme. Les usagers, eux, sont sceptiques : à Athènes, les choses évoluent peu parce que le système politique grec lui-même fait obstacle. La Grèce, c’est le règne de la « bureaucratie » nous explique Thanassis Skourlas, rédacteur en chef du site econews.gr. La municipalité d’Athènes gère l’éclairage public, la police ou les licences accordées aux bars… mais les transports relèvent de la région et les trains de banlieue de politiques nationales ! Comme si la ville se déchargeait des questions les plus sensibles pour l’environnement urbain.
« L'écologie passait toujours en second : pour avoir de bons résultats aux élections, construire, c’est plus efficace ! »
Sotiris Papaspyropoulos est médecin et directeur du réseau de « Healthy cities » en Grèce: « Le problème de l’écologie à la grecque, c’est qu’elle revient beaucoup dans les discours mais que les actions, elles, restent timides ». Il y a encore deux ans, le ministère de l’environnement n’existait qu’à moitié. Les questions écologiques étaient gérées par le ministère de « l’Environnement et des Travaux Publics. » Et évidemment, « l’écologie passait toujours en second : pour avoir de bons résultats aux élections, construire, c’est plus efficace ! » Le ministère à deux têtes a instauré une tradition tenace en Grèce : l’écologie, c’est avant tout une affaire de communication. Thanassis Skourlas est encore plus sévère : « le Pasok (l’actuel parti au pouvoir) a introduit le premier ministère 100% dédié à l’environnement il y a deux ans. Mais la seule ministre qui avait vraiment des idées, Tina Birbili, a subi les aléas de la crise et a été destituée en juin. Elle avait des idées trop progressistes. »
La crise, mot qui revient évidemment souvent ici, relègue encore plus les questions environnementales au second plan. « Les gens sont ecofriendly quand leur portefeuille est concerné, et là, avec l’augmentation du prix de l’essence, ils sont bien forcés de délaisser un peu leur voiture » rappelle justement Thanassis. Le conducteur athénien ne respecte d’ailleurs pas toujours les règles d’entretien de sa voiture. « Le pire, ce sont les taxis », nous explique Dimitris Ibrahim de Greenpeace Grèce : « ce sont souvent de très vieux véhicules, qui roulent au diesel. Ça et les vieux camions qui ont le droit de circuler en ville : c’est catastrophique ! » Comme le docteur Papaspyropoulos, il est très pessimiste sur la qualité de l’air à Athènes : « Difficile de vous donner des chiffres clairs, mais, depuis que 20 000 hectares de forêts autour de la ville ont brûlé en 2009, on a perdu notre climatiseur naturel. » La géographie de la ville est unique : les montagnes encerclant Athènes la protègent et compensent le manque d’espaces verts. En juillet, le ministère de la Santé a déclaré l’état d’urgence : la condition atmosphérique est trop dégradée. « Or, le gouvernement est en train d’examiner la possibilité d’autoriser le diesel en ville ! Chez, Greenpeace, on milite contre mais avec la crise, les gens seront sans doute pour...»
A la fin du siècle, le thermomètre devrait grimper jusqu’à 40 degrés 36 fois chaque année alors que cela n’est arrivé qu’une seule fois par an entre 1996 et 2000. Et, à Athènes, plus il fait chaud plus l’on suffoque. Combinée à l’émission des « particules en suspension » émises par les voitures, la chaleur menace sérieusement la santé des habitants. Un danger que surveillent de près médecins et écologistes alors que, d’après Greenpeace Grèce, le gouvernement ne publie aucun rapport sur le sujet.
Cet article fait partie de Green Europe on the ground 2010-2011, la série de reportages réalisés par cafebabel.com sur le développement durable. Pour en savoir plus sur Green Europe on the ground.
Photos : Une © Bénédicte Salzes ; Texte : Taxis, © Mélodie Labro, Thanassis Skourlas © Bénédicte Salzes, Tina Birbili (cc) wikipedia