Tragédie grecque en trois actes : se déplacer et se chauffer
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Après s’être fait dégradés, moqués, méprisés puis oubliés, que signifie vivre avec la crise pour Katerina Tzekou, jeune étudiante de 25 ans et Costa Andreotis, employé de musée, aujourd’hui à Athènes ?
En pleine panade économique, les Grecs poursuivent leur vie, se lèvent le matin, conduisent leurs enfants à l’école, vont au bureau, essaient de s’aérer le weekend… Un train-train comme pour beaucoup de personnes en Europe. Seulement « pour moi, dit Costa, la crise économique s’est insinuée dans tous les moments de ma journée, la transformant en un dur marathon ! ». Costa est employé de musée. De son immeuble, il prend les escaliers : l’ascenseur est en panne, « on attend une collecte auprès des locataires, dont les vieilles personnes du quatrième, pour réparer. » Ensuite, il se rend au musée par les moyens de transports qui fonctionnent ce jour-là, car il lui faut jongler avec les jours de grève à répétition. Depuis les grèves générales en réaction à l’ancien projet de loi d’austérité, en septembre et octobre dernier, Athènes est sporadiquement paralysée. Remarquez : les mouvements de 2011 avait au moins le mérite de faire réagir les médias étrangers. Maintenant, quand les Grecs sont contraints à la marche pour aller au boulot, les grèves s’organisent dans l’indifférence générale. De toute façon, impossible pour Costas de prendre sa voiture, l’essence sans- plomb est à 1,65€ et le parking inabordable dans la capitale. Avec 45 euros, il ne mettra pas 25 litres dans son réservoir.
« Mon budget est trop serré pour la voiture »
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Encore faut-il avoir une voiture. Costa en a une, mais ne peut même plus l’entretenir. Au temps de l’insouciance, il avait voulu acquérir l’Alfa Roméo de ses rêves, ce qui lui coûte encore cher en crédit et en vignette annuelle, environ 260€. « Mon budget est trop serré pour la voiture, je n’ai plus les moyens de l’entretenir, d’en faire les réparations. » Alors, il roule avec un véhicule en mauvais état, sans assurance. Pendant ce-temps là, ce sont des milliers de Grecs qui ont rendu leurs plaques d’immatriculation au bureau des impôts afin d’immobiliser leurs voitures et ainsi annuler les frais qu’elles engendraient. Fatalité absurde, qui est en fait la conséquence d’une politique tout aussi stupide engagée en 2009. A l’époque, les Grecs devaient toucher une prime à la casse, en remplaçant leur vieille bagnole. Ils se retrouvent, aujourd’hui, obligés de payer une taxe verte en vertu d’un nouveau plan écolo. Ajoutez ça à l’assurance, avoir une voiture à Athènes coûte trop cher.
Hausse de la criminalité et chauffage au bois
Le matin, l’appartement de Katerina est frigorifique, elle explique que « les habitants de l’immeuble n’ont pu réunir la somme nécessaire à assurer les frais d’un chauffage continu, c’est 3h par jour de chaud, un peu le matin, un peu le soir … » et pas seulement dans les habitats populaires. Ne pas se chauffer pour économiser est devenu une sorte de mode dans les villes grecques. La hausse du prix du fioul combinée à la baisse des salaires poussent les Grecs à recourir aux moyens old-school : le bon vieux poêle à bois. La demande est telle que la Grèce se retrouve à devoir importer du bois en provenance de pays comme l’Ukraine, la Macédoine ou l’Albanie.
Katerina est étudiante. Aujourd’hui, pour aller à l’École d’Archéologie, elle prend le métro, bondé, puisque par soucis économiques, les rames sont moins fréquentes. De plus en plus, les gens essaient de le prendre sans billet, certains attendent qu’on leur refile un ticket encore valide. « Cela se fait par solidarité » dit-elle. Dans un si beau métro, fait de marbre, décoré de vestiges, elle ne se souvient plus de l’apogée de sa civilisation, mais contemple l’abîme de son effondrement… Très vite, elle s’inquiète, elle craint dans les foules compressées les vols de ses objets personnels. Les voleurs repèrent vite les portefeuilles, les portables et les sacs contenant des ordinateurs.
Il vaut mieux éviter la fréquentation du métro à certaines heures, en certaines stations. Si la place Omonia, la seconde de la capitale, avait toujours été un lieu de rencontre vers les rues marchandes de l’Agora, elle confère aujourd’hui un sentiment d’insécurité réel au milieu de trafiquants et d’immigrés de toutes sortes dont les activités louches s’étendent désormais en plein jour dans les quartiers attenants. En fin de semaine dernière, on dénombrait un vol avec effraction toutes les quarante minutes dans la banlieue nord-est d’Athènes...
Cet article est le premier d’une série intitulée « Tragédie grecque en trois actes ». Retrouvez la suite de la série, la semaine prochaine.
Photos : Une (cc) Єmma Brown/flickr ; Texte : (cc) valix/flickr et (cc) sinus iridium/flickr