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Tous pour un et un pour tous?

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Default profile picture pauline koller

L'image domninante de la situation en Ukraine présente une population soutenant majoritairement le représentant de l'opposition, Iouchtchenko. La vérité y est-elle conforme ? Reportage.

Je me suis envolé pour Kiev quelques jours avant le second tour de l'élection présidentielle ukrainienne du 21 novembre. Suite au premier tour, il y avait déjà eu beaucoup d'activités politiques, un grand nombre de voitures arboraient des drapeaux oranges en signe de soutien au candidat de l'opposition, Viktor Iouchtchenko. Lorsque je suis arrivé, la ville de Kiev tout entière était orange, sauf les tableaux d'affichage de Ianoukovitch. Sur la Place de l'Indépendance de Kiev (Maidan Nezalezhnosti), l'opposition se réunissait devant des milliers de personnes et, comme la plupart des sondages à la sortie des urnes donnaient une longueur d'avance confortable à Iouchtchenko, l'humeur était positive.

Solidarité dans la capitale

Après la publication des premiers résultats par la Commission électorale centrale (CCE), déclarant Ianoukovitch vainqueur, tout s'est emballé. Lundi après-midi déjà, au moins 100 000 personnes se réunissaient sur la place, la plupart portant de l'orange. Malgré une neige abondante et une température glaciale, les partisans de l'opposition sont restés là toute la journée et la nuit. Ils ont barré la rue principale de Kiev, Khreshchatik, et ont monté des tentes. Une énergie et une solidarité considérables animent les partisans de Iouchtchenko, comme ces dames âgées qui, malgré leur situation financière difficile, distribuent des gâteaux et des sandwichs qu'elles ont préparés, ainsi que du thé, du café et des vêtements chauds. Au moment de mon départ, une ville entière de tentes avait émergé et plusieurs milliers de personnes (surtout des étudiants) continuaient de passer leurs nuits sur la Khreshchatik et sur la place. La vie dans cette cité de fortune est assez bien organisée – les déchets sont même évacués régulièrement.

Les habitants de Kiev sont incroyablement politisés : tout le monde, des chauffeurs de taxis aux vendeurs, discute de la situation et parle ouvertement de ses avis politiques. Ceci se reflète dans la grande variété des personnes qui descendent dans la rue : étudiants et retraités, universitaires et ouvriers ; et même des classes entières d'élèves qui sèchent les cours pour scander des slogans anti-Koutchma. Sur la place principale, les gens sont toujours là, agitant des drapeaux et dansant dans les rues après minuit malgré le froid et la neige. Beaucoup de drapeaux polonais, géorgiens et biélorusses flottent aux côtés de ceux de l'Ukraine, manifestant ainsi la présence de personnes venues d'autres pays pour soutenir l'opposition ukrainienne. Jeudi 24 novembre, l'ancien président polonais Lech Walesa a rejoint la foule en déclarant sa solidarité et son soutien en faveur de l'opposition et de Iouchtchenko.

Ailleurs, la peur

Cependant, Kiev n'est pas représentative de toute l'Ukraine, comme j'ai pu le constater lorsque j'ai passé deux jours en tant qu'observateur électoral dans la République autonome de Crimée. En Crimée, principalement russe éthniquement parlant, les habitants ont peur de Iouchtchenko qui, à leurs yeux, est un nationaliste voulant remplacer les trois langues officielles de la péninsule par l'ukrainien. De même, les habitants de l'Ukraine orientale sont liés à la Russie culturellement et économiquement, ils n'aiment pas la position pro-occidentale de Iouchtchenko car ils l'associent à une perte de leurs droits et de leur identité. Les manifestations sont donc, à mon avis, moins en faveur de Iouchtchenko (qui est loin d'être un candidat idéal, comme l'admettent la plupart des gens) que contre des structures de pouvoir qui ne prennent pas la population au sérieux et qui ont reposé trop longtemps sur la passivité du peuple. Bien sûr, personne ne sait comment les choses vont évoluer. Etant donné que la plupart des structures du pouvoir sont toujours entre les mains du président sortant Koutchma, une grande partie du sort dépend autant de lui que de la Justice et du camp de Iouchtchenko.

Pourtant, après huit jours passés en Ukraine, je suis assez optimiste. Quelle que soit l'issue de cette affaire, il ne pourra y avoir un retour au statu quo ante : corruption des structures politiques, domination de trois clans économiques qui se partagent les profits du pays entre eux et politiciens qui ne se soucient guère que de leur propre survie. Déjà deux chaînes de télévision anciennement contrôlées par le gouvernement ont promis de rapporter objectivement l'information et résistent à la censure, pendant que la police de Kiev, ainsi qu'une partie de l'armée, soutiennent maintenant ouvertement l'opposition. Toutefois, les réformes prendront des années et demanderont beaucoup de détermination. J'ai vu la volonté du peuple ukrainien d'obtenir ces réformes, mais il a besoin de notre soutien – plus que du désintérêt dont nous avons fait preuve jusqu'à présent – pour y arriver.

Translated from All for one and one for all?