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Tous aux musées !

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Lorelei

Presse à la grecque

Avec le temps des vacances revient le temps des voyages, et, pourquoi pas ? des voyages en Grèce. Ce billet se propose de vous donner un humble conseil: visitez les musées ! Voici quelques raisons qui motivent cet avis.

pied D’abord à cause de la canicule qui sévit ces derniers jours. La température extérieure à Athènes dépasse actuellement les 40°C, et atteint 38°C à Thessalonique. Les jours prochains verront une légère baisse de la température (38°C et 34°C dans les villes en question), en partie grâce au bienvenu vent meltème (voir article). Comme certains des musées grecs sont climatisés, la première – mauvaise – raison de visiter les musées pourrait être, matériellement, de se protéger de la chaleur. Cependant, il n’est pas sûr que la climatisation fonctionne car la société de production et distribution d’électricité grecque (DEH), est dépassée par la demande en énergie électrique que provoquent les 300.000 nouveaux systèmes de climatisation installés dernièrement dans le pays, et qui ont augmenté de 210 mégawatts la demande en électricité. Selon Eleftherotypia la DEH recommande de limiter leur emploi, ou à tout le moins de les arrêter 10 à 15 minutes par heure (ce qui permettrait d’économiser 600 mégawatts sur tout le pays sans pour autant altérer la température de la pièce où se trouve le climatiseur). Sinon, la société annonce que de nouvelles coupures d’électricité auront lieu, comme ce fut le cas hier pour certains abonnés avec contrat à clauses spéciales. Tout compte fait, il n’est pas si sûr que les musées seront un havre de fraîcheur.

La deuxième raison, plus noble, est de rendre honneur au pays qui possède parmi les plus belles collections d’antiquités du monde. Et, de ce point de vue, Athènes est d’une grande richesse. A ce point, il faut évoquer les grandes baies vitrées et l’allure géométrique du nouveau musée de l’Acropole, qui ne sera malheureusement pas encore ouvert au public cet été. Mais, pour nous mettre l’eau à la bouche, le journal To Vima (voir article) laisse Michaïl Tivérios nous parler de son contenu, avec entre autres des objets découverts en 1955 sur l’emplacement d’un Nymphée, situé sur le côté Sud-Ouest de l’Acropole. Le professeur d’archéologie classique nous décrit “des milliers de pièces en céramique (…) dont beaucoup ont été restaurées et présentées complètes. Parmi elles se trouvent des céramiques issues des ateliers les plus réputés d’Attique, constituant la collection la mieux conservée de céramique décorée attique trouvée sur le sol grec.(…) Ces trouvailles étaient malheureusement jusqu’à aujourd’hui inaccessibles au public car elles sont conservées à Monastiraki, à la Mosquée Fétichié, qui fonctionne comme réserve du musée archéologique de l’Acropole.” Mais personne n’ignore que le grand musée vitré de l’Acropole doit, à terme, peut-être, accueillir l’ensemble des fameux marbres du Parthénon, dont une partie se trouve à Athènes et l’autre au British Museum de Londres.

Or, les autorités britaniques s’y refusent, on le sait. Plus original est le point de vue des reporters du Royaume envoyés à Athènes découvrir les lieux. To Vima du 25 juin rapportait les réactions du Guardian faisant état de “sites archéologiques laissés à l’abandon et des horaires de musée dissuasifs pour les touristes”; le journal britannique déplorait aussi “la politique de recrutement des travailleurs saisonniers appelés à couvrir les besoins du personnel de surveillance des musées et des sites archéologiques.” En particulier, The Guardian critiquait la situation du site de Délos dont nous reparlerons plus bas. Heureusement, la presse grecque (ici ''Eleftherotypia'') rapporte aussi l’admiration d’un envoyé spécial britannique “impressionné par le nouveau musée de l’Acropole, qui ressemble plus à un temple qu’à un lieu d’exposition”; le journaliste, visiblement ému, avoue qu’”il est difficile de ne pas être troublé quand on regarde les marbres du Parthénon incomplets”. Mais le trouble du visiteur britannique aura-t-il raison de l’inflexibilité des autorités de son pays?

Passons à présent au musée archéologique central d’Athènes, connu dans le monde entier pour conserver un certain nombre de merveilles, dont le célèbre masque d’Agammemnon. Nikos Bakounakis, pour ''To Vima'' , se promène dans ses couloirs et admire “les nouvelles salles avec les objets égyptiens (…), le superbe café-bar, l’une des meilleures librairies des musées de Grèce, et le plus soigné des jardins de la capitale.” Mais cet éloge n’est là que pour mieux faire saillir la critique: “Les gardiens ne portent pas de costume (…) On m’a dit que le gouvernement n’avait pas le budget pour faire coudre des costumes. (…) Evidemment, ils ont tous un téléphone portable; on m’a dit que c’était pour la communication interne. Mais les conversations que j’ai entendues étaient plutôt ‘externes’. Et cette voix aggressive ‘no flash, no flash’ qui traverse les salles, comme des commandements dans un camp de concentration. Aucun respect pour le lieu, aucune politesse, aucun ‘s’il vous plaît’, ‘please’. (…) Si le musée archéologique national n’est pas la vitrine de la Grèce, alors qu’est-il ?” se désole le journaliste en pleurant sur “les vestiges du jardin, plein d’ordures”, et tremblant sur le trottoir qui mène au musée où, écrit-il, “les traficants de drogue commercent en plein jour sous le nez de la police !”

Si de nombreux musées sont propriété de l’Etat en Grèce, il existe également quelques musées privés, de grande qualité, comme le musée Bénaki à Athènes. Il fait cependant parler de lui en ce moment en présentant la collection établie par un certain Koutoulakis, digne représentant d’une famille de traficants d’antiquités très connue et active entre 1920 et 1995. Le directeur du musée, interrogé par un journaliste de ''Kathimerini'', se défend d’avoir eu connaissance de la condamnation dudit Koutoulakis pour trafic d’antiquités et cite une longue liste de mécènes qui ont utilisé les ‘ressources’ de tels traficants, à différentes époques: Bénakis lui-même, Stathatou, Goulandris… A la question: “Que dites-vous des dons faits par des traficants d’art pour blanchir leur nom?”, le directeur du musée répond: “Demandez aussi cela aux autres directeurs de musée…” Il défend aussi fermement l’idée que ces objets, quelle que soit leur provenance, sont mieux dans un musée que dans une collection privée inaccessible au public. De fait, son établissement vaut la visite, mais ses propos suggèrent des pratiques peu recommandables.

Quittons Athènes et ses traficants de tout poil pour gagner les îles: polémique à Délos, île sacrée située à côté de Myconos, où le musée est fermé au public depuis le 9 mai, rapporte ''Eleftheros Typos''. Par manque de personnel de surveillance, le musée ne peut ouvrir ses portes. Le ministère de la culture n’avait, au 19 mai, pas encore procédé au recrutement des travailleurs saisonniers qui doivent renforcer les équipes d’accueil et de surveillance sur les sites archéologiques et dans les musées. “Les touristes perdent l’occasion d’admirer de près les célèbres pièces du musée, dont les lions de marbre. (…) Mais quand ils partent de Myconos sur la barque qui les conduit sur l'île, on ne les informe pas de cette fermeture et ils sont invités à payer le prix normal de 5 euros, qui comprend la visite du site et … le musée.” Méfiance, donc, sur l’île d’Apollon.

Enfin, allons au musée aussi pour aborder l’époque moderne. Un musée du disque verra le jour dans la banlieue d’Athènes sur le site à présent désaffecté des studios de la Columbia où ont été enregistrés les grands succès populaires de la chanson grecque. Le contenu précis du musée n’est pas encore dévoilé, mais le projet est mené avec le soutien du musée britannique Mme Tussauds et présentera des sujets en cire, comme la représentation du grand rébète Vassilis Tsitsanis (voir article). Il s’agit d’un cas rare en Grèce de réhabilitation d’une architecture moderne et, “une idée originale de musée privé”, d’après les mots du propriétaire des lieux.

Voilà une visite de musée qui finit en musique...

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