Tourisme médical à Varsovie : Souriez, c'est donné !
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Voyager pour se soigner : ce genre de pratique semble encouragé par la mobilité européenne. Mais seriez-vous prêt à aller voir votre dentiste en avion plutôt qu’en bus ?
Collé sur les compartiments à bagages d’un avion low-cost, le sourire d’une jeune femme blonde en blouse blanche invite les passagers à aller se refaire un sourire en Pologne. L’affiche vante les services offerts par les dentistes polonais : des soins moins chers et plus rapides que dans les pays de l’Europe de l’ouest… Si un implant dentaire revient de 1600 à 3000 euros en France, il coûtera 60% moins cher dans des pays de l’est.
Quatre fois moins cher
Fabrice, lui, n’a pas attendu cette campagne publicitaire pour se faire soigner à l’étranger. A 32 ans, le français vit et travaille depuis 6 ans à Dublin et sa situation financière lui sourit. Reste qu’il ne cotise plus pour la sécurité sociale en France et que le système de santé irlandais lui semble « trop cher et pas assez efficace ». Pour tous les soins sans urgence comme les lunettes ou les prothèses dentaires, Fabrice a fait le choix de la Pologne, dont est originaire sa compagne Monega. « Avec les liaisons low-cost, j’en ai pour quatre fois moins chères de me faire soigner en Pologne. Et en plus, je vois ma belle famille. » Si le tourisme médical est un phénomène encore mal appréhendé - même l’Organisation Mondiale du Tourisme ne possède pas de chiffres sur ce thème - à Varsovie, les deux sites web Medical tourism in Poland et Medical Tourism Abroad Poland encensent la mobilité médicale. Mais surprise, l’un ne répond ni aux e-mails ni aux coups de fil, le siège de l’autre ne contient que deux bureaux en formica surmontés de tas de cigarettes écrasées.
Halte aux surprises du web, direction une structure établie : l’accueil de l’office de tourisme de Varsovie. Sur un post-it, l’hôtesse y griffonne le nom et l’adresse d’une dizaine de cliniques privées. Damian Center, un centre hospitalier prisé des riches polonais et des célébrités, possède plusieurs antennes aux quatre coins de la capitale polonaise, dont une au sud de la ville. Panneaux d’indications en anglais, certificat européen de 2002 encadré dans le hall, tout laisse penser qu’il s’agit de la référence du tourisme médical en Pologne. Pourtant, à l’accueil, aucune hôtesse ne parle anglais.
« L'occasion de visiter la ville »
Derrière la publicité de l’établissement, il y a Justyna Maerowicz, une assistante médicale qui ploie sous un nombre de dossiers incalculables qu’un va-et-vient continu de praticien vient lui déposer. Elle s’enorgueillit de parler des trois clients qu’elle accueillera cet été : une Polonaise installée en Allemagne, une Anglaise et un Monégasque. « Il y a quelques mois, nous accueillons sept à huit personnes par mois. Mais des problèmes d’organisation interne nous ont contraints à réduire ce volet d’activité. Notre premier objectif était de conserver notre implantation à Varsovie. » D’une équipe de trois personnes, Justyna Maerowicz se retrouve aujourd’hui seule avec cette activité en main. « Il manque un réel travail marketing que je ne peux réaliser toute seule. Déjà que développer ce volet de notre activité n’est pas ma mission principale… » Bientôt, un nouveau site Internet sera réalisé, car les clients étrangers prennent le plus souvent contact sur la toile. À leur demande, l’assistante médicale peut réserver un hôtel. Par contre, côté praticien, chacun semble flotter dans sa nébuleuse. Si tous partagent un réel enthousiasme pour ce potentiel patient venu d’Angleterre ou d’Allemagne, personne n’a d’informations plus précises : « Cela nous donne du travail en plus et une reconnaissance de notre savoir faire !, estime le dentiste Damian Niemczyk. Pour les clients, c’est l’occasion de visiter la ville. »
Les bébés polonais naissent en Allemagne
Mais tout le monde n’ose pas confier sa santé à un médecin basé à 800 kilomètres de chez soi. À l’étage d’une galerie commerciale du centre de Varsovie, le cabinet d’une clinique d’origine portugaise ressemble plus à un centre d’affaire qu’à un hôpital. A l’accueil, les murs et les meubles sont gris métallisé. Un homme en costume est penché sur son ordinateur portable. « La majorité de nos clients sont d’origine polonaise mais habitent à l’étranger. Ils ne font pas confiance aux hôpitaux publics et profitent d’une visite familiale pour réaliser leurs soins dentaires. » D'autres clients traversent des frontières pour chercher des soins interdits ou encore peu répandus chez eux. Une mobilité médicale qui n’a pas attendu l’ouverture de l’Union européenne : « Les premiers à s’être lancés dans ce type de service ont été les Russes, dans les années 1980, explique Béatrice Majnoni d’Intignano, économiste et auteur de Santé et économie en Europe. A Saint-Pétersbourg, une clinique proposait de la chirurgie par laser afin de traiter la myopie. » Mais selon l’économiste, cette mobilité médicale restera toujours minoritaire : « Elle est positive dans le sens où la mise en concurrence pousse à revoir les défaillances des systèmes nationaux. » D’autant que la Commission européenne oblige les pays membres à rembourser les soins prodigués dans des hôpitaux publics de l’Union europénne. Résultat, même les Polonais n’échappent pas à ce mouvement. À l’ouest du pays, certaines mères préfèrent aller dans les maternités allemandes, de meilleure qualité. À quelques jours de l’accouchement, elles partent de l’autre côté de la frontière avec un leitmotiv : toujours trouver mieux ailleurs.
Photos : Sourire ©depinniped/flickr; Ventre ©damian.pl