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Tour Paris 13 : le graff s'arrache

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Culture

S'il y a un truc dont on parle à Paris en ce mois d'octobre 2013, c'est bien la Tour 13, la fameuse tour d'habitation graffée des chiottes au plancher. Attraction éphémère et expérience devenue extrême, cette tour de Babel qui abrite les œuvres d'une centaine d'artistes de rue, attire les foules bien au-delà du périph'. Le projet est passé de la bombe de peinture, à la bombe médiatique.

Trois semaines se sont écoulées entre le premier contact avec la Galerie Itinerrance à l'origine du projet et l'obtention d'un rendez-vous pour une visite de presse. Sur le coup, je me suis dit que la nana qui s'occupait des relations presse avait un peu de mal à s'organiser. Au téléphone, je lui demande s'il est possible d'aller faire un tour en repérage. « Vous pouvez, bien sûr... si vous voulez faire 6 heures de queue ! » J'ai trouvé sa réponse légèrement démesurée. Puis, la rumeur est remontée par d'autres canaux. « La Tour 13, c'est la galère, tu as intérêt à prévoir ta journée ! »

Je m'étonne. Depuis quand le street-art est devenu si populaire ? Je veux dire, à ce point ? Rappelez-moi, ça n'est pas un truc underground à la base ? Certes, on a affaire à un très beau projet. 36 appartements customisés par la crème des graffeurs internationaux. Une exposition in situ visible gratuitement et pendant un mois seulement. Après les bullddozers emporteront tout ou presque ! Oui le street-art est rentré au musée et dans la publicité. Le graff est à la mode. La mode est d'être allé à la Tour 13.

Visite express

A trois jours de la fermeture, on m'ordonne d'être présente à 8h30 précises (sic) au pied de la tour pour une visite de presse de 1h30 chrono. Je ne suis pas franchement réjouie d'être aussi bridée dans mon exploration urbaine. J'ai l'habitude de me rendre dans des bâtiments désaffectés, armée de mon appareil photo, pour partir à la découverte de ce que le monde industriel ou le passage de l'histoire ont à m'offrir. Pas de guide, pas de limites, quelques prises de risque pour le seul plaisir de photographier un objet abandonné ou une perspective intéressante, on appelle cela de l'urbex (urban exploration). Arrivée sur place dans la lueur du petit matin sur les bords de Seine en face de Bercy (l'imposant ministère de l'Economie et du Budget français, nda), je comprends un peu mieux le besoin d'organisation. Une bonne centaine de personnes fait déjà la queue. Les premiers de la file roupillent encore dans leur sac de couchage... Nous sommes une quarantaine de journalistes à attendre l'attachée de presse. Quand elle nous ouvre les portes, tous les journalistes se font insulter par ceux qui sont là depuis deux heures du matin. Ils vont devoir attendre encore 1h30 de plus. « A dix heures, je veux tous les journalistes dehors, sinon ils vont me faire une émeute! », lance l'attachée de presse. Ambiance.

« Le 31, c'est fini, on démolit ! »

A l'intérieur, il y a beaucoup de choses à voir. Quelques équipes de tournages de télévision font des « plateaux » (enregistrement face caméra). Il y a là des Scandinaves et des Brésiliens. Des étudiants en journalisme, des télés et beaucoup de photographes. L'attachée de presse veille au grain et répond aux questions à la place des artistes et de Mehdi Ben Cheikh, fondateur de la Galerie Itinerrance et acteur important de la scène street-art, dans le 13ème arrondissement et au-delà. La fille a les traits tirés. Elle accueille 1000 personnes par jour depuis 4 semaines dont une cinquantaine de journalistes. « Nous avons eu plus de 500 retombés médiatiques, dont beaucoup à l'étranger : le JT en Corée du Sud, des émissions en Italie, Espagne, Amérique du Sud... Les gens viennent de partout et surtout de loin. On a eu des demandes incroyables, mais on a tout refusé, car il n'y a pas d'utilisation commerciale. Ça doit rester dans l'esprit du street-art, c'est pour ça que c'est éphémère et que ça doit être détruit. Le 31, c'est fini, après on démolit! »

Les organisateurs sont les premiers surpris d'un tel succès. Malgré tout, l'expérience se passe bien. Des vigiles sont là pour filtrer les entrées. Des barrières canalisent la queue. Dans les rangs, ça tape le carton. Un vendeur à la sauvette distribue du café pour quelques piécettes (et oui, on est à Paris, business as usual!). Marie et ses copines se sont levées à 4h pour prendre le train de banlieue. C'est les vacances scolaires et ça se voit. La plupart des courageux qui sont là ont moins de 20 ans. Dans la foule, on sympathise. « Après quelques heures, on commence à se connaître », s'amuse un groupe de filles soudées dans l'épreuve !

Liberté chérie !

Je repars avec la sensation de ne pas trop savoir ce que j'ai vu, mais d'avoir assisté à un truc intéressant. Avec ce stress environnant, pas trop le temps de s'intéresser aux œuvres. On est plutôt happé dans un tunnel en colimaçon, fait de blocs qui étaient naguère, une salle de bain ou une cuisine. C'est surtout dommage de ne pas rencontrer les artistes et de ne pas se sentir libre de découvrir, ne pas avoir l'impression d'être dans un monde arrêté dans le temps et réinvesti par quelques visiteurs de passage. On voudrait être seule au milieu d'une fourmillière. Cette vision du street-art est en tout cas semblable à celle de la « rue » moderne : mondialisée, ouverte et médiatique.

Et parce que vous n'aurez plus le temps et que des gens seront forcément plus braves que vous, voici quelques photos en guise de visite guidée : 

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Visite virtuelle à faire pour ceux qui n'auront pas le temps sur le site www.tourparis13.fr.

Un vote est organisé pour sauver les oeuvres de la destruction (numérique uniquement).