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Tommy Haas : l’enfant de la balle

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Style de vie

Le joueur de tennis allemand vient de se qualifier à 35 ans pour les quarts de finale de Roland-Garros. Retour sur une vie rackettée et vécue au service de la balle jaune malgré le militarisme, les blessures et les tentatives d’empoisonnement.

Dans le milieu du sport, il est souvent admis que les belles histoires ne s’écrivent pas forcément en fonction des temps qui courent. Le sport en général, les années précédentes en particulier, étaient parvenus à nous faire gober que les exploits ne sont pas forcément synonymes d’excédent et que la crise est une sorte de grog qui ne s’avale que s’il est dilué dans les bons résultats.

Das comeback

Seulement l’Espagne ne gagne plus et voilà que tout le romantisme populaire se gaspille comme un gaspacho servi chaud. L’Ibérique n’est plus automatique tandis que l’Allemagne hausse le teuton. Après le foot avec Munich, le hand avec Hambourg, c’est au tour du tennis d’agrandir le Reich. Ce grâce à un comeback, celui de Tommy Haas.

« Un enfant surdouée sans enfance »

Le tennisman de 35 ans vient d’atteindre, pour la première fois de sa carrière, les quarts de finale de Roland-Garros. Sa victoire en trois sets sur le russe Mikhail Youzhny vient de faire de lui le plus vieux participant à un quart de finale du Grand Chelem depuis André Agassi à l’US Open 2005. C’est d’ailleurs son statut de « vétéran » qui permet à Tommy de glisser aussi bien sur la terre battue de Paris. L’Allemand joue aujourd’hui sans pression et se libère ainsi du carcan dans lequel tout (jeune) joueur a vocation à subsister : le Top 10.

Haas est aujourd’hui 14ème mondial. Mais il fut un temps où l’Hambourgeois caracolait à la deuxième place du classement ATP. C’était en 2002. A l’époque, les héros s’appellent Sampras, Agassi, Safin ou Pioline et Roger Federer ne compte que deux petits titres à son palmarès. Tommy, lui, vient de fêter le nouveau millénaire en fanfare : une finale aux JO de Sydney perdue face à Kafelnikov (2000), un tournoi glané en Master Series à Stuttgart (2001). Casquette à l’envers, cheveux mi-longs, short en dessous du genou, l’Allemand entretient en sus une certaine idée de la classe. Très complet, c’est surtout son revers lâché à une main qui en fera - pardon mesdames - un joueur très agréable à regarder.

L’as des Haas

A Noël et pour son anniversaire, Tommy reçoit des balles de tennis. Parfois un bilboquet.

Thomas Mario Haas, né le 3 avril 1978 à Hambourg, choisit sa destinée au saut du berceau. Comme un grand. Quand le père, alors entraineur de judo, voit le fils frappé comme une mini-bête de somme dans une balle à l’aide d’une planche de bois, la carrière du petit Thomas commence. A 2 ans. Peter Haas se reconverti illico dans le tennis et catapulte son gamin dans l’arène. Âgé de 5 ans, Thomas devenu Tommy remporte son premier tournoi. Son enfance s’écrit forcément au service du sport qui rackette absolument tous les moments de vie qu’un môme de son âge est censé connaître. Consécutivement à Noël et pour son anniversaire, Tommy reçoit des balles de tennis. Parfois un bilboquet. Néanmoins, à l’orée de l’adolescence et après avoir gagné tout ce qu’il était possible de gagner, le potentiel de « l’enfant surdouée sans enfance » - comme l’a un jour surnommé le Süddeutsche Zeitung - est devenu bien trop grand pour rester dans l’escarcelle du vieux Peter. Direction la Floride chez un certain Nick Bollettieri.

Le revers de la médaille

Nicholas James Bollettieri est un ancien Marine américain devenu moniteur de tennis, qui a eu la bonne idée - la même année que la naissance de notre homme (1978) - de créer un camp d’entrainement en Floride. A 13 ans, Tommy se retrouve gracieusement enrôlé dans la Nick Bollettieri Tennis Academy. Le centre qui a vu passé entre autres Monica Seles, Andre Agassi, Martina Hingis et Jim Courier est surtout connu pour ses méthodes paramilitaires qui contraint les élèves à des astreintes dignes des plus grandes geôles afghanes : extinctions des feux, sorties et rencontres familiales limitées, inspections des chambrées… Quand Tommy Haas sort du camp, à 18 ans, il est quasiment capable de mener l’offensive du têt.

Programmé pour gagner, l’Allemand fera souvent montre du fighting spirit si cher à l’ancien para, surtout quand il s’agira de finir des matchs en cinq sets. Le revers de la médaille, c’est tout ce que ce programme de bidasse ponctionne en terme d’énergie. En 2004, Tommy Haas subit trois opérations (au coude, à l’épaule, aux chevilles) et ira pointer au moins une fois par an à l’hosto jusqu’en 2012.

« J'ai pensé que ma dernière heure était arrivée »

Lundi 3 juin 2013.Pourtant, les sorties de pistes, le joueur les doit beaucoup à ce qu’on appelle la vie. En 2004, son père plonge dans le coma suite à un accident de la route avec une moto que Tommy lui avait offert. Il met sa carrière entre parenthèse et se retrouve 1086ème mondial. En 2009, il contracte la grippe A qui lui fait rater trois tournois importants. Mais c’est deux ans auparavant que le joueur est à deux doigts d’y passer. Juste avant match de coupe Davis face à la Russie, Haas déclare forfait en raison de maux d’estomac. Le latte macchiato qu’il a l’habitude de prendre la veille de match est mal passé. Alerté par un coéquipier sur la bizarrerie de la chose, Haas qui avoue avoir « pensé que sa dernière heure était arrivée » accuse les Russes de l’avoir empoisonné. Alexei Seliwanenko, le vice-président de la ligue de tennis russe réplique poliment que le joueur regarde trop de « films d’agents » et l’affaire est classée sans suite, faute de preuves.

Si l’on résume, c’est contre une machine élevée à l’allemande, entrainée à la guerre, rongée par les blessures et rescapée d’une tentative d’empoisonnement que s’apprête à jouer le numéro 1 mondial, Novak Djokovic. Et si c’était couru d’avance ?

Photos : toutes © courtoisie de la page Facebook officielle de Tommy Haas

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.