Théâtre : Volpone ou le renard, un goldrush avant l'heure
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Par Maeva Daycard Au théâtre de la Madeleine ce soir, Volpone ou le renard, un texte de Ben Jonson écrit en 1606. Référence à la culture humaniste de la Renaissance, la pièce expose et dénonce la soif d’argent des nantis. Pour ce faire, le riche Volpone joue au grand malade prêt à passer l’arme à gauche. Des « amis » se succèdent à son chevet, chacun espérant devenir son unique héritier.
« Volpone est une pièce d’une férocité irrésistible sur l’argent, le sexe et la cupidité. Elle date de 1606, et semble avoir été écrite hier. Volpone est moderne parce qu’il semble évoluer dans un monde sans conscience, sans règles, sans empathie », Nicolas Briançon.
La salle est comble. On se faufile ici et là, pardon, pardon, excusez-moi, merci. On trouve sa place, nichée entre deux personnalités. Le spectacle commence. La scène s’illumine tandis que la silhouette de déclare la soirée ouverte.
Nicolas Briançon (acteur au cinéma : Les Poupées Russes, Des Vents contraires ; metteur en scène au théâtre : Le Songe d'une Nuit d’Été, Le Menteur...) est le créateur d’une mise en scène dynamique. Les changements successifs de décors sont joyeux et donnent à la pièce une atmosphère enlevée et envoûtante. Trois superbes danseurs déguisés en rapaces les prennent en charge. L’ensemble de l’histoire évolue dans un décor noir à tendance baroque et inspiré de la Comedia Dell’Arte. L’espace scénique est exploité dans sa verticalité, l’ensemble est massif, avec de lourdes portes, des balcons et des coffres remplis d’or.
Le rôle principal est tenu par Rolland Bertin. Il excelle en renard vénitien et fourbe. Son jeu à l’allure bouffonne est contrasté par celui de Nicolas Briançon, le valet sobre, froid et calculateur. La première partie de la pièce est ponctuée par les nombreuses visites de l’avocat Voltore, du vieil homme Corbaccio et de Corvino. Rôles respectivement tenus par Pascal Elso, Yves Gasc et Grégoire Bonnet. Ces trois charognards sont prêts à tout pour voir leurs noms couchés sur le testament du libidineux Vopone. Tandis que le premier contourne la loi, les deux autres se détournent de leur famille. Corbaccio déshérite son fils et Corvino vend sa femme. Ces deux jeunes âmes, de blanc vêtues finissent par être accusées et reniées. Le mensonge, le pouvoir et la méchanceté semblent peser plus lourd sur la balance que la candeur et la pureté.
Le texte existe depuis 400 ans, il reflète cependant les maux actuels. Le besoin matériel, la quête de pouvoir. Somme toute, un goldrush avant l’heure. « Un monde où il importe de posséder, jouir, et jeter » précise le metteur en scène. En cela, la pièce s’inscrit dans un contexte actuel. Les allées et venues des danseurs muets rythment les différents tableaux de l’histoire. Le parti pris de l’auteur n’est pas imposé au spectateur. La morale ne leur est pas jetée à la figure. Cette pièce mettrait plutôt en scène une sorte de compte rendu des vices de la nature humaine.
« La dissimulation est la ruse de la nature, et nous pouvons en tirer des enseignements ». Ainsi est le crédo de Mosca, le valet manipulateur, qui se présente comme le parasite de Volpone. Pour arriver à ses fins, il épuisera son maître jusqu’à la moelle.
Tel est pris qui croyait prendre !
Photo : Une © courtoisie du site officiel du théâtre de la Madeleine (© Bernard Richebé)