The True Cost : la mode à quel prix ? (2/2)
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Alors que Primark va ouvrir son cinquième magasin belge à Charleroi et que H&M possède 3 900 enseignes dans 61 pays, le groupe des Verts au Parlement européen organisait le 2 mars dernier une projection-débat du documentaire The True Cost.
Avec la fast-fashion, on assiste aussi à une augmentation sans précédent de la quantité de vêtements jetés : 37 kg par an pour un Américain moyen. Donner ses vêtements à des associations caritatives n’est pas pour autant une bonne solution. Seuls 10% sont vendus sur place, et le reste est envoyé dans des pays du sud. Mais la plupart des vêtements ne sont pas réutilisés, et des tonnes de tissus non biodégradables s’amoncellent dans d’immenses décharges à ciel ouvert, dégageant des gaz nocifs pendant des décennies.
Un prix juste : une utopie dans un système capitaliste ?
L’année après l’effondrement à Rana Plaza fut l’année la plus rentable de tous les temps pour l’industrie de la mode. Les énormes profits de ces grandes marques reposent sur le travail de millions ouvriers, mais ces derniers ne voient même pas leur part du gâteau.
Pour l’économiste Richard Wolf, le problème vient du système capitaliste, basé sur l’augmentation permanente du profit. Tout le reste est ignoré et bafoué par le producteur. Les violations des droits humains, la misère, la destruction de la nature et la détérioration de la santé : voilà ce qui paye vraiment le coût de nos vêtements.
Mais des alternatives émergent. Safia Minney a crée People Tree il y a 25 ans, pour montrer qu’un autre modèle était possible. Aujourd’hui, la marque est présente dans 1000 magasins et emploie plus de 7000 personnes. People Tree travaille avec un réseau de 4500 artisans dans des pays comme les Philippines, le Népal ou le Bangladesh. Ces partenaires considèrent la formation des femmes, le développement social des ouvriers et la protection de l’environnement comme essentiels.
Durant son discours au Parlement européen, Safia Minney a donné plus de détails sur l’impact de son organisation : 75% de ces producteurs sont des femmes et elles assument 56% des rôles à responsabilité. « Les vêtements sont surtout consommés par les femmes, et c’est formidable de voir que la mode peut aussi être un moyen de donner aux femmes marginalisées économiquement les moyens d’être autonomes. »
La production de coton biologique réduit la consommation d’eau jusqu’à 60% dans certaines régions. Le coton biologique vendu à un prix juste permet aux paysans d’échapper à la pauvreté et de développer leurs communautés, par exemple en construisant des puits et des écoles.
Consommateurs de tous les pays, unissez-vous !
La plupart des gens choisissent leurs habits en fonction du prix ou du style. Pourquoi ne pas ajouter les conditions de production ? Un nombre grandissant de consommateurs le fait déjà en choisissant des marques équitables pour des produits comme le café.
Mais la responsabilité ne repose pas uniquement sur le consommateur. Les politiques doivent légiférer, y compris au niveau européen, pour encadrer les pratiques de production des entreprises. Si ces dernières choisissent de délocaliser leurs productions, elles ne doivent pas pour autant avoir la possibilité de se dédouaner de leurs responsabilités sociales et environnementales.
C’est en faisant pression ensemble sur les grandes marques que politiques et consommateurs changeront ce système injuste et dangereux. Les politiques doivent faire pression sur ces compagnies par le haut en légiférant, tandis que les consommateurs doivent faire pression par le bas. Comment ? En vous informant sur les pratiques de vos marques préférées, et en défendant les droits de ... ceux sans qui nous serions nus! Vous pouvez vous renseigner et vous engager auprès d'associations comme achACT et la Schone Kleren Campagne (Belgique) ou le Collectif Ethique sur l'Etiquette (France), tous membres de la Clean Clothes Campaign.
Nous avons à la fois une immense responsabilité et un formidable pouvoir. Sans nous et sans notre argent, ces marques s’effondrent. Utilisons ce pouvoir pour exiger de ces entreprises qu’elles produisent enfin des vêtements propres. Disons leur que nous voulons continuer à acheter leurs vêtements sans se rendre complices de maladies mentales, de cancers et de suicides. Elles n’auront d’autre choix que de nous écouter.
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