The Experimental Tropic Blues Band : tuner sous les tropiques
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Sous l’égide du collectif indépendant JauneOrange, le groupe de Liège, The Experimental Tropic Blues Band, dynamite depuis onze ans le rock de Wallonie. Entre une péniche, New York et un joint, récit d’une rencontre avec le « meilleur groupe belge de tous les temps ».
Stupeur. Au milieu d’un fatras électrique, d’une grosse caisse et de 20 disciples, un être aux cheveux mi-longs s’éclate la tronche sur le sol. D’un rebond énergique, l’homme se relève. Et chante. Non, ce n’est pas un énième Opéra-rock, messieurs-dames. La scène christique à laquelle je viens d’assister est le fruit d’un concert tropical du proclamé « meilleur groupe belge de tous les temps. »
« Proposer le rock autrement »
Ce n’est pas moi qui le dis. C’est la première partie. The Crow and the Deadly Nightshade introduit les têtes d’affiche de la soirée du jeudi 15 mars, au Batofar (bateau-concert du XIIIe arrondissement de Paris) avec une tonne de révérences. Le groupe débarque sur scène, auréolé d’un prestige absolu. Pourtant, il jouera sur une péniche, devant 30 pelés, après avoir fait ses propres branchements électriques. Quelque part, c’est un peu ça l’histoire de The Experimental Tropic Blues Band (TETBB) : un groupe épatant, mais peu connu.
« Coq avait une espèce de banjo tout cassé et moi qui n’avais jamais touché de batterie de ma vie, je jouais sur une grosse caisse. »
Avis aux oreilles rincées à l’eau tiède, la musique des Liégeois claironne. Catalogués depuis plusieurs années dans un délire sale et vilain, les TETBB dégueulent depuis 11 ans un rock complètement détraqué. « On ne fait pas de la musique classique. On est content de faire un truc déglingué. » Nimbé dans les premières lueurs printanières, prostré-pépère en marcel blanc sur le pont du Batofar, « Dirty Coq » - guitare et voix – roule un buzz. « Devil’ d’Inferno » –batterie – et « Boogie Snake » - guitare, voix et harmonica – acquiescent. Le coq empâte : « Je veux proposer le rock autrement. Sans complexe et sans prétention, avec ce que l’on est, nous. Nous, trois petits Belges. »
Clips, concerts, vidéos, morceaux, photos de promo… Tout sent le sang et la sueur chez les Tropics. Reste à définir un son « énergique avec des riffs différents de ce que t’as déjà entendu. » Un son à la convergence de beaucoup de genres (hardcore, psycho-billy, country…) et de beaucoup de groupes (The Cramps, The Oblivians, Andre Williams…) qui, en apparence, pourrait être assimilé à un joyeux bordel. Le bruit des TETBB commence en fait avec fracas. Un matin de 1999, deux petits Belges tentent une expérience (« Experimental ») dans une cour d’école. Le tout en chemise à fleur (« Tropic »). Le diable au corps, Devil d’Inferno raconte : « On s’est rencontré, Coq et moi, à l’école de photographie de Saint-Luc et le jour de la Saint-Luc les professeurs demandent aux élèves de faire quelque chose de différent. Nous on s’est dit, on va faire un petit concert. Coq avait une espèce de banjo tout cassé et moi qui n’avais jamais touché de batterie de ma vie, je jouais sur une grosse caisse. On a commencé comme ça, dans la cour de l’école et on ne s’est plus arrêté. » Boogie Snake qui jouait déjà avec Dirty Coq dans une autre formation, Seasick, suivra. Le trio est prêt à enquiller de la scène wallonne pour diffuser sa « noise à la Jesus Lizard », vachement influencé par la scène noise grunge « des années nonantes. » (« Blues Band »)
Marqué Spencer
Après treize années de cacophonie électrique et deux albums (Hellelujah et Captain Boogie), le groupe a enregistré son troisième LP, Liquid Love, à New-York, dans le studio de Jon Spencer – sommité du rock et leader du groupe allumé, Blues Explosion. Producteur du nouvel opus, l’un des musiciens les plus barrés de la City a également joué le rôle de coach pendant les 11 jours de studios : « il avait même un petit côté paternel, confie Devil d’Inferno. Le matin il arrivait avec son petit sachet de légumes crus et son spray pour la voix. » « Ou avec sa bouteille de whisky. Genre : bois un petit coup, ça va te mettre dedans », ajoute Dirty Coq. Au delà de la picole et des produits bios, Jon Spencer a surtout apporté au trio le nécessaire musical pour réaliser un album « magique ». « C’est surtout le fait de bénéficier de son expérience et des ses goûts qui a fait la différence. Parce qu’il a quand même de chouettes idées de sons, de chouettes idées d’arrangements. Ce n’est pas juste un producteur. Il joue de la guitare, il chante, il sait ! » Et Boogie Snake de s’évader : « Pour la première fois de ma vie, je suis content. Il y a une magie qui me touche. »
Récompensés par les institutions les plus propres de la musique
L’album produit une cavalcade sonore de 12 pistes qui transmettent une vitalité à la fois bestiale et envoûtante. Gage d’éclectisme, la chanson « Keep This Love » contient des accords de banjos qui viennent mourir sur de ravissants thèmes d’harmonica alors que « Nothing to Proove » est une ode au hardcore de Blues Explosion. Liquid Love est en somme « un disque sauvage et animal mais beaucoup plus naturel que les précédents, avec des erreurs et du charme. » En bref, le troisième opus des TETBB a surtout permis au trio, alors dépositaire d’un style qui tâche, de montrer qu’ils pouvaient se permettre de faire « des trucs propres. » Tant et si bien qu’ils ont été récompensés du prix du meilleur groupe pop-rock de Wallonie par Les Octaves de la musique - évènement parrainé par « les institutions vraiment les plus propres de la musique belge. Comme quoi, on réussi à toucher ces gens-là. » Les sempiternelles images de la bite électrique ou du mec qui se vomit dessus appartiennent désormais au passé. Le groupe de 13 ans d’âge a la bouteille assez solide pour prouver que la musique s’apprécie aussi à travers une grosse dose d’énergie. Loin du conformisme et des clés de sol : « la musique c’est juste un outil pour s’exprimer, peu importe ce que tu fais. Tu donnes une certaine énergie et il n’y pas besoin de bien jouer pour la transmettre. » Amen.
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