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Talons aiguilles, string et ballon rond

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Société

Hordes de supporters contre talons aiguilles et strings ? C’est un peu comme si un aimant attirait le ballon rond et la prostitution. A chaque compétition sportive de masse, son lot de passes, d’un tout autre genre.

En Pologne, coorganisateur avec l’Ukraine de l’Euro 2012 de football, où le tourisme sexuel fait un tabac, on s’attend à des records dans le monde de la prostitution, entre juin et juillet. Légale, bon marché et rentable : les footeux excités du caleçon se frottent déjà les mains.

« Et si tu venais travailler ta condition physique avec nous, avant les matchs ? ». Position lascive, reins cambrés, regards aguicheurs, les « filles de l’Euro » appâtent le client. Seins nus, lingerie minimaliste et ballon de foot en main, elles aguichent le supporter sur un flyer. Un marketing « spécial crampons » agressif s’est développé. Laissez-donc votre voiture une bonne heure dans les rues de Varsovie : la décoration est refaite avec sur les vitres un affichage des plus olé-olé. Un racolage de pubs pour strip-tease et massages avec finition, comme on en voit peu ailleurs. A 5 semaines du championnateuropéen, les tour-operators du sexe carburent à plein régime. Dans les villes hôtes, la prostitution se prépare. Varsovie, Poznań, Wroclaw, Gdansk. Sur Internet, les annonces de filles têtes à l’envers défilent : « disponible de suite, 20 euros la demi-heure, 25 l’heure complète » pour les moins chères.

Les clients de ces sites en bavent déjà. Un EBay de la prostitution avec des conseils pratiques en prime. A quelques semaines de l’Euro, ils réservent les clubs ou les filles sur catalogue de photos, avec des préférences sur la taille du bonnet, l’âge ou les étrangetés des services. Et parfois, on y trouve des commentaires sur leur choix, d’une classe toute relative : « Ilfaut dire que là-bas tout pousse à la tentation : night-club sur les routes départementales, agences en plein centre-ville, femmes très belles. Donc j’entre dans un night-club et tout de suite une charmante fille me propose la carte des boissons. Premier contact très chaleureux et prix incroyablement bas (comme presque tout dans ce pays) et ensuite on passe aux choses sérieuses. ». Un commentaire signé « Titilleur » sur le forum "Sexualité" de Doctissimo.

Une destination connue du tourisme sexuel.

Hors football, la Pologne est une destination sexuelle qui fait ses preuves. Si les prostituées s’attendent à plus de clients pendant l’Euro, elles ont déjà un carnet de commandes rempli de noms occidentaux. Par avion ou par bus, des tour-operators se sont spécialisés dans le tourisme du sexe à l’Est. Les night-clubs polonais seraient même très prisés les Italiens, Anglais et autres Scandinaves. Gabriela offre ses services à Lodz, parmi sa clientèle : des hommes de l’Ouest. Elle s’est livrée à l’hebdomadaire Newsweek Polska, dans un article paru le 30 janvier 2012 : « Sans même parler football, la Pologne est la destination des occidentaux. Il y a des vols tous les jours d’Italiens habitués de la vie nocturne locale. Les Anglais, eux, cherchent plutôt du côté de Cracovie. Quant à Gdansk, on y trouve surtout des Scandinaves.»

« Ce pays est incroyable niveau prix, je vous le conseille !! » Sur Internet, les clients vantent les mérites de la prostituée polonaise : pas farouche, pas chère, abordable, gentille. Ça tourne autour de ça. Avec des précisions sur les tarifs : de 80 à 100zlotys la demi-heure, entre 20 et 25 euros. De 100 à 300 zlotys la passe d’une heure à l’hôtel, 25 euros pour la novice, 70 la plus classe. « Ça n’a rien à voir les prix ! Quand on sait qu’en France, il faut compter 30 euros la fellation, 80 minimum pour une passe dans un hôtel crade et 200 à 300 euros pour une heure avec une fille », comme le précise « Le gland bleu » sur un forum "Sexualité" de Doctissimo. La Pologne, pour ces clients, c’est donc de 4 à 8 fois moins cher.

Avec moins de risque qu’ailleurs, puisque la prostitution polonaise est 100% légale.

Le footeux, un bon pigeon à plumer ?

L’industrie de la prostitution a compris cette spécificité « made in Poland ». Pour eux, compétition sportive de grande ampleur signifie déplacement d’une foule de supporters et donc clients à appâter. Les agences de « rencontres » – comme on les appelle en Pologne - et les clubs s’organisent pour répondre à la demande Euro 2012. Sonia est une jeune fille qui travaille dans l’une des agences de Poznań : « Nous nous préparons, oui. Aucune d’entre nous ne prévoit de prendre ses vacances ou de disparaitre de la circulation pendant cette période. On peut gagner beaucoup plus en moins de temps. On pourra même se permettre d’augmenter un peu les prix ». Le footeux sera-t-il un bon pigeon à plumer ? Pas si sûr, vu la réputation bon marché de la Pologne. Là où les prostitués comptent se rattraper, c’est bien sur le nombre. Comme Sabina qui travaille dans une agence coquine : « A Gdansk, il y aura les matchs. Les Suédois et les Allemands y seront : autant vous dire que nous comptons sur des profits records ». En moyenne, Gabriela et son amie peuvent compter sur 5 à 6000 zlotys par mois (1200 à 1400 euros). « C’est suffisant pour les besoins de tous les jours, mais pas assez pour mettre de côté. Alors en juin on ne va pas chômer. J’espère qu’on triplera au moins notre salaire », continue-t-elle d’avouer à l’hebdomadaire Newsweek Polska. A titre comparatif, selon le GUS, le bureau central des statistiques de Pologne, le salaire d’un Polonais moyen était de 3399 zloty (804 euros) en 2011, depuis le 1 er janvier le minimum salarial est, lui, passé à 1500 zlotys (355 euros).

Du côté de la société civile, on s’inquiète plutôt des conséquences de ce déversement de testostérone dans les rues. Joanna Garnier de la fondation La Strada parle pour eux : « Plus que les questions de prostitution, nous nous inquiétons pour la sécurité des femmes en général. Il y aura beaucoup de gens, de l’alcool à flot et des hommes enclins au sexe. Les femmes pourraient être lourdement accostées dans les rues, sollicitées voire même tripotées. Nous craignons des viols et du sexe forcé ».

Photos : Une (cc) Camera viva/flickr); texte : Dean Ayres/flickr