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Svieta Songako, punk de l’est

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Culture

Art is politics. Quatrième et dernier volet de notre série de portraits d’artistes qui tentent de résister au ‘Tchernoby culturel’ dans une Biélorussie asphyxiée par le président Aleksander Loukachenko.

(Photo : Jef Bonifacino)

Elle a 21 ans, les yeux qui vous pénètrent calmement et au poignet, le bracelet blanc rouge blanc aux couleurs de la Biélorussie indépendante. Elle, c’est Svieta Songako, chanteuse punk-rock du groupe ‘Tarpach’. En vieux biélorusse, le mot veut dire ‘racines noueuses’ mais c’est aussi le nom d’une arme en bois utilisée à la campagne.

A l’été 2005, le groupe de Svieta a remporté en Pologne le premier prix du festival Basovistcha, consacré à la musique rock alternative biélorusse et interdit par les autorités depuis sa création en 1990. Ils ont ensuite pu enregistrer leur premier album, l’hiver dernier, toujours en Pologne. Qu’il s’agisse de ce festival ou d’autres concerts publics, les problèmes sont les mêmes : surveillance étroite par les institutions, annulation de dates, textes jugés trop politiques. Autre difficulté, l’achat d’une licence pour organiser un concert coûte entre 500 et 1 000 euros, sans pour autant assurer la prestation… Un simple coup de fil d’instances supérieures peut mettre fin à un concert sans aucune raison.

Ces pressions entraînent une désaffection des organisateurs comme du public. Résultat : les concerts en Biélorussie se font de plus en plus rares. Beaucoup d’ailleurs ne considèrent pas cette forme d’art comme un travail. Comme pour d’autres disciplines et ce depuis le régime communiste, les musiciens gagnent très mal leur vie. «Quand on nous invite, c’est 25 dollars pour que tout le monde se déplace, avec tout le matos, l’essence, » explique Svieta. « Quant aux disques, c’est un problème de trouver de bons ingénieurs du son. Quand le CD voit enfin le jour, on ne peut les vendre que durant les concerts ou sous le manteau…»

Ses principales sources d’inspiration sont des femmes : Notchnyïé Snaïpery, Zemfira. Mais l’essentiel reste d’être bon. Alors oui, tant mieux si elle et d’autres peuvent continuer à évoluer, car «cela peut changer certains clichés machistes». Elle admet par exemple apprécier N.R.M et se demande comment ils font pour continuer. «Ils ont fait beaucoup pour émanciper la musique, désinhiber les jeunes groupes, ainsi que pour la Biélorussie avec leurs textes engagés». A son tour de combiner énergie et textes engagés pour faire ressentir au public des sensations nouvelles.

Avant les élections présidentielles du 19 mars 2006, Svieta a enregistré une chanson : ‘La Biélorussie sera libre’. Une manière bien à elle de participer. La veille, les autorités avaient déclaré que tout participant aux manifestations serait considéré comme un terroriste et emprisonné. Svieta s’est tout de même rendue à la manifestation, a garé sa voiture sur un parking autorisé, près de la place Octobre.

Là, un policier est arrivé, a contrôlé ses papiers puis lui a demandé de le suivre : direction la maison d’arrêt Okrestina, réservée normalement aux prisonniers politiques. Le lendemain, Svieta prend connaissance des chefs d’accusation qui lui sont reprochés : arrêtée sur la place d’Octobre en brandissant le drapeau interdit, chantant des slogans anti-Loukachenko et injuriant la police…

Dans cette prison, elle restera 7 jours, aux côtés de 5 autres détenus, sans aucun moyen de communication avec l’extérieur. «Une expérience plutôt positive», dit-elle avec humour. Svieta a réalisé n’avoir finalement besoin que de peu de choses matérielles. Et que tous ceux arrêtés avec elle n’étaient ni des politiciens, ni même des manifestants, seulement des gens d’horizons divers, conscients des manques démocratiques. Des individus qui « sortiront de prison encore plus remontés qu’avant contre Loukachenko ».