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Suisse : marre des salaires taille patron ?

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Politique

La Suisse ne défraie pas souvent la chronique en France, hormis lorsqu’il est question de  constructions de minarets ou de secret bancaire. Pourtant, aussi improbable que cela puisse paraître, les Suisses pourraient voter ce dimanche en faveur d’une mesure qui ferait pâlir d’envie les dirigeants du NPA et du Front de gauche.

La votation fait suite à « l’initiative Minder contre les rémunérations excessives », approuvée par plus de 68% des votants en mars dernier. L’enjeu est d’importance, d’autant qu’en Suisse, les référendums ont une application impérative. Lorsque le peuple vote un texte, le gouvernement se doit de le mettre en application sans en modifier la teneur. L’adoption d’une telle disposition avait bousculé les préjugés sur la Confédération et suscité des réactions positives à l’étranger,  notamment de la part de Jean-Marc Ayrault et d'Angela Merkel.

TO win against the no

L’initiative sur laquelle se prononceront les électeurs se veut très précise  : « le salaire le plus élevé versé par une entreprise ne peut être plus de douze fois supérieur au salaire le plus bas versé par la même entreprise ». Le texte proposé concerne donc l’ensemble des entreprises et des salariés suisses et suscite d'ores et déjà des débats passionnés.

Le « Oui » semblait en bonne voie pour l’emporter il y a encore un mois mais selon les derniers sondages, le « Non » semble tenir la corde comme le souligne cette enquête menée par l’institut gfs.bern. Il faut dire que les opposants au texte se sont mobilisés devant le risque de son adoption et un rapide coup d’œil au rapport de force permet d’observer que la plupart des partis et des corps intermédiaires suisses s’y opposent.

Dans le camp du « Oui », à l’origine de la votation, on trouve l’ensemble de la gauche helvète et notamment le Parti socialiste suisse. Le « Non» est porté par le reste des partis et particulièrement incarné par le Parti libéral-radical (droite pro-entreprise, nda) et le patronat suisse.

« Si c’est pour ressembler à la France... »

Pendant ce temps-là, les arguments fusent de part et d’autres. Les défenseurs de l’initiative entendent ainsi réprimer les profiteurs « ces managers qui gagnent en moyenne 4 millions de francs, soit 56 fois le salaire d’un(e) employé(e) normal(e) ! ». Ils souhaitent également permettre aux citoyens « la possibilité de fixer les règles du jeu en matière salariale ».

Les tenants du non pointent quant à eux les effets néfastes que pourrait avoir l’initiative sur la compétitivité suisse et leur rejet de l’intervention de l’Etat en matière salariale, arguant que « la politique salariale est l’affaire des chefs d’entreprise ».

Ces derniers ont reçu un soutien de taille en la personne de Thomas Minder à l’origine de la première initiative visant à réduire les rémunérations excessives. L’homme politique auréolé de son succès, qui siège au conseil des Etats avec le groupe UDC (Union Démocratique du Centre, ndlr) a torpillé la proposition dans une interview donnée au journal suisse L’Illustré : « ce n’est pas le devoir de l’Etat de fixer les salaires ou de définir le facteur entre les bas et hauts salaires. C’est l’entreprise elle-même qui doit le faire. Si l’échelle est de 1/12, 1/30 ou 1/50 selon la grandeur de la société, son chiffre d’affaires, le nombre d’employés, c’est aux actionnaires de le décider ».

Si le débat d’idées s'inscrit dans un cadre relativement sain, il fait rage entre Internautes où là les discussions ne volent pas toujours très haut. Ainsi pour Logaan Chmbst qui s’exprime sur la page Facebook du « Oui en faveur du Non »: «  ça sert à rien, ça passera jamais cette connerie. L'Etat est pas con au point de vouloir bouleverser toute l'économie parce que si c'est pour ressembler à la France ... » Ou encore Lolo Renzo qui explique : « moi je voterai NON et NON ! Clair et net... Un jour je serai patron. Et si je gagne 200x plus que mon employé, ça prouvera que je me suis demerdé... »

La réponse des partisans du Oui est, quant à elle, toute trouvée, grâce à cette vidéo tournée dans les toilettes et postée par le Duo d'eXtrêmes Suisses, « chanteurs patriotiques et héréditaires » qui fredonnent à l'attention des patrons : « le temps de prendre de mes nouvelles, tu gagnes mon salaire annuel».

Un débat enflammé, une initiative de gauche plutôt radicale qui a des chances de passer, la Suisse n’a pas fini de surprendre son monde.