Suisse : après les minarets, les rats italiens
Published on
On le savait, la Suisse est vraiment un État démocratique. Quel autre pays aurait eu la finesse de faire un référendum pour stigmatiser une religion en votant pour l’interdiction des minarets ?
Alors quand on a découvert que 60 affiches anti-italiennes avaient été placardées dans le Canton de Tessin (« Ticino » en italien, langue parlée par 83% des habitants de ce canton) sans le moindre référendum, on a eu des doutes.
Non, pas de surprise sur le contenu bien sûr. Trois souris dévorent un gruyère. Basique. Les souris sont les 45.000 travailleurs italiens présents dans ce canton frontalier avec l’Italie qui viennent voler le travail des locaux. C’est la « balairatt », la « danse des souris » dans le dialecte de Tessin, un terme tiré de l’expression italienne « quando il gatto non c’e’, i topi ballano ! » (« quand le chat n’est pas là, les souris dansent »). Un site Internet a été lancé pour dénoncer les « balairatt », ces Italiens qui travaillent dans le tourisme, le bâtiment et la santé publique à la place des Suisses, mais aussi le fisc italien qui fomente leur évasion fiscale…
Mais si le magazine suisse romand L’hebdo affirmait le 28 septembre que « le commanditaire de ces affiches controversées reste dans l'ombre », l’auteur de cette illustration raciste du « kota nie ma, myszy harcują » (« quand le chat n’est pas là, les souris dansent ») n’est autre que Pierre Rusconi pour le New-Nork Times (édition du 12 octobre), soit le chef de file du Parti du Peuple, d'orientation extrême-droite. Les trois rats du diction « While the cat’s away, the mice will play » représentent selon lui « une question très fortement ressentie dans le canton de Tessin ».
Discrimination négative
Et là bingo ! La campagne ressortant le dicton de ma grand-mère « Ist die Katze aus dem Haus, tanzen die Mäuse auf dem Tisch » (version allemande, « quand le chat quitte la maison, les souris dansent sur la table ») vient bien d’une initiative démocratique. Ecoutez plutôt : un référendum a été organisé sur l’accord de 2002 signé entre l’UE et la Suisse pour permettre l'échange de travailleurs entre les deux entités. 60% des Suisses sont toujours pour, mais 66% des habitants de Ticino sont contre. Bonne nouvelle, la campagne « bailaratt » est donc encore une fois démocratique. Les Italiens stigmatisés se sentent-ils mieux pour autant ? Pas si sûr… Pour se venger, un Italien de Varèse a créé le « balaivacc », « la vache qui danse », en hommage aux Suisses qui travaillent en Italie !
photos : Une : Illustration de Henning Studte ; Affiche du "balairatt" : impression d'écran du site http://www.balairatt.ch/ ; l'affiche anti-minaret : rytc/Flickr