Strasbourg célèbre la littérature européenne
Published on
Par Célia Garcia-Montero
Les 8e Rencontres européennes de littérature, intitulées « Traduire l’Europe », ont débuté le 15 mars à Strasbourg avec pour thème central la passion des langues. L’attention s’est naturellement fixée sur les traducteurs, moteur de la culture européenne.
Pour cette occasion, Christine Zeytounian-Beloüs et Christophe Carraud, respectivement traducteurs d’auteurs russes et d’auteurs latins et italiens, ont offert dans le cadre d’une conférence à la librairie Kléber leur vision de la profession.
Lauréate de la Bourse de traduction du prix européen de littérature pour sa traduction de Vladimir Makanine, Christine Zeytounian-Beloüs confirme d’emblée que traduire est un acte de création. « Il y a une facilité pour passer du passé au présent qui est propre au style russe, ce qui est impossible en français. Il faut donc adapter le texte en conséquence. » Pour un poème basé sur des jeux de mots, elle a dû modifier des passages pour qu’il ait du sens en français tout en s’attachant à respecter l’idée de l’auteur. « Le plus important est de savoir bien écrire en français, le lecteur va rarement vérifier l’exactitude de chaque mot » relève Christophe Carraud. Tous deux s’accordent à dire qu’à chaque nouvelle traduction, il faut se mettre dans la peau de l’auteur pour rendre au mieux une version de sa pensée.
Les difficultés du métier ont aussi été évoquées. « J’avais pris l’habitude d’un certain style composé de longues phrases avec Makanine, raconte Christine Zeytounian-Beloüs, mais dans le huitième ouvrage que j’ai traduit, c’était l’inverse avec des phrases courtes et hachées. » De même, Luba Jurgenson souligne dans une conférence à la médiathèque André Malraux qu’elle avait dû lire plusieurs fois les « Récits de la Kolyma » de Varlam Chalamov pour comprendre l'un des textes. Christine Zeytounian-Beloüs s’interroge ensuite sur la possibilité de corriger un auteur. « Lorsque l’auteur est encore en vie, cela m’est plus facile car je peux l’appeler, lui signaler des coquilles ou lui proposer des modifications. » Elle éprouve une hésitation lorsque l’auteur est décédé, contrairement à Christophe Carraud, habitué aux textes antiques.
Du style d'un auteur étranger au travail de traduction
Concernant la place du traducteur, l’opinion des deux intervenants diverge : « On aimerait qu’on se souvienne qu’il y est possible de découvrir le style magnifique d’un auteur étranger grâce aux traducteurs » avance Christine Zeytounian-Beloüs. Christophe Carraud estime au contraire que les traducteurs « gagneraient à plus de discrétion et à se désapproprier ».
Les Rencontres européennes de littérature, visant à contribuer à une meilleure connaissance mutuelle des peuples européens à travers les grandes figures contemporaines de leurs littératures, se poursuivront le week-end du 23 mars où l’accent sera cette fois mis sur les lettres francophones et la littérature alsacienne.
Photo : Célia Garcia-Montero, Librairie Kléber avec de g. à d. Christophe Carraud, Pascal Maillard et Christine Zeytounian-Belous