Stand-up à Budapest: catharsis à la magyare .
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Philippe-Alexandre SaulnierÀ Budapest, la réputation du stand-up n'est plus à faire. Entre théâtre, thérapie et one-man show, cette forme de comédie longtemps restée anodine a connu un boom en pleine période de crise économique.
Au rendez-vous que nous nous sommes fixés, Balàzs Hadju arrive hors d'haleine. La rencontre a lieu à l'étage d'un vaste bar de l'Avenue Kiraly dans l'ancien quartier juif de Budapest. « Je vous prie de vous montrer indulgent, je ne suis qu'un simple Hongrois ! » s'excuse-t-il en anglais, tout en ôtant une casquette enfoncée jusqu'aux oreilles à la seule fin, dirait-on, de discipliner un peu ses cheveux en bataille. Originaire de la province de Szentes mais Budapestois d'adoption, ce diplômé en économie de 28 ans au visage rasé de près nous plonge sans préambule dans l'univers de la Stand Up Comedy à la magyare. Ce genre théâtral né aux Etats-Unis à la fin du XIXème siècle s'apparente aux numéros de Chansonniers, apparu à la même époque en France.
Le Tréteau des bouffons
Voilà déjà plusieurs années que Balàzs brûle les planches du Café Godot Dumaszinhaz (Le Tréteau des bouffons). À deux rues de la Deak Ferenc Ter en plein centre-ville, ce lieu est situé, selon lui, au cœur d'un quartier très prisé des voyageurs qui « bat à la même fréquence que le pouls de la jeunesse estudiantine et lycéenne ». Une fois en piste, Balàsz n'a nul besoin de costume de scène et encore moins de maquillage. Une bonne dose d'ironie, une tranche de culot et les rires spontanés du public lui tiennent lieu d'accessoires. Or, cela fait toute la différence avec un théâtre que nous pourrions qualifier de plus conventionnel. Comme son nom l'indique, pour bien réussir une Stand Up Comedy, il suffit de savoir se tenir debout et de se jeter à l'eau quand il faut. Pour le reste, au diable la théorie ! Chaque comédien a sa propre méthode. Bien que la crise économique et financière perdure, les Hongrois n'ont cependant pas renoncé à se divertir, ni à se cultiver. Afin de satisfaire une demande toujours croissante, les directeurs de salle sont donc dans l'obligation de partir continuellement à la recherche de nouveaux talents.Mais si Balàsz a opté pour la dérision et la fantaisie, il n'en reste pas moins féru d'économie. Dès qu'il fut en possession de son diplôme, il commença à travailler au sein d'une entreprise. Mais il a bien vite été rattrapé par sa passion dévorante pour le théâtre, au point de quitter précipitamment son nouveau job. S’il juge qu' « actuellement, pour survivre, ça va ! Bien sûr, pas question de mettre de côté le moindre centime », en revanche, il doit bien s'avouer avec une pointe de cafard qu' « un jour ou l'autre, il faudra bien que je me mette en quête d'un boulot sérieux. »
Stand-up hongrois à la sauce anglophone
On ne trouve pas que des Hongrois intéressés par ce genre de spectacle. Européens et Américains, sans toujours maîtriser toutes les finesses de la langue magyare, se tournent de plus en plus nombreux vers ce mode d'expression singulier. Un moyen comme un autre de s'initier aux nuances de la syntaxe fino-ougrienne. À ce titre, la Orpheum Hall du Cotton Club est en mesure de faire office de centre d'accueil et de coordination pour ces néophytes en mal d'apprentissage. D'autre part, depuis un an et demi, d'autres soirées s'organisent, celles-là, en anglais. Très bien informée, Anita Zdenko, manager et directrice du club a depuis longtemps pressentie cette tendance : « Le nombre des participants oscille actuellement entre 50 et 120 par soirée. Environ 10% de nos visiteurs sont des Hongrois que les langues étrangères intéressent. » On doit à la Hongroise Kinga Kremer la lumineuse idée qui permit d'exploiter ce segment de marché resté longtemps en friche. Après un séjour de 18 ans en Grande-Bretagne où elle étudia la gestion, elle devint l'assistante de Nanasi Pal, une photographe très célèbre sur les bords du Danube. Consciente du rayonnement culturel de la capitale, du gigantesque potentiel que ce prestige générait et de la nécessité de combler une lacune béante sur le marché des loisirs, elle suggéra à la direction de Cotton Club d'organiser ses premières soirées de Stand Up. « Au début, précise-t-elle, le message ne s'est transmis que par le bouche à oreille. Pour moi, il s'agissait de beaucoup plus qu'un simple hobby. Puis, Internet a pris le relais publicitaire ce qui permit d'amplifier le phénomène et d'attiser ainsi la curiosité des visiteurs étrangers. »
Play-back contre les cauchemars
Une autre expérience de théâtre interactif a su trouver les faveurs du public hongrois : le Play Back Theater. À cette occasion, un spectateur prend la parole au sein du public et commence à raconter un épisode de son existence plus ou moins sous forme de fabliau. Puis, sur scène, un comédien prend la relève en paraphrasant et en improvisant immédiatement sur le même thème. Après avoir deviné toutes les applications thérapeutiques que l'on pouvait tirer de cette forme d'exercice dramaturgique, le psychothérapeute Joszef Paràdi s'est décidé à s'en servir auprès de ses patients. Au cours de la séance, ces derniers sont alors invités à mettre en scène les angoisses qui hantent leurs rêves en les transformant peu à peu en mini-représentations théâtrales. Cette sorte de catharsis leur fournit une aide supplémentaire dans la résolution de leurs problèmes. « La meilleure manière de se libérer de ses cauchemars est de les faire partager aux autres » allégue Paràdi. Cette démarche qui transite par l'"Ici et maintenant" permet de tendre vers la communauté perçue comme une chose fondamentale ».
A l'instar de la Stand Up Comedy, dans la scénographie « paradisienne », la fin des rêves change très fréquemment grâce à un processus quasi-similaire de transformation opérant, lui aussi, par analogie.En ces temps de crise financière et économique, un grand nombre de questions existentielles attendent toujours des réponses qui peuvent se trouver bien au-delà des considérations liées à la taille du compte en banque.
Foto: Mailingering/flickr; dumaszinhaz.hu; hajdubalazs.blog.hu; cottonclub.hu
Translated from Budapest: un teatro contro gli "incubi" della crisi