Spectacle The Tempest Song Book
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Un article de Fabien Semin Le 17 novembre, la Comédie de Clermont-Ferrand nous présentait une création musicale de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho (née en 1952), articulée autour de la tragi-comédie de William Shakespeare, The Tempest, laquelle met en scène des personnages qui, à la suite d'une tempête, se retrouvent sur une île où se trouve un ancien roi magicien qu'ils ont autrefois
trahi, et qui va user de ses pouvoirs pour les mettre à l'épreuve.
C'est bien plus une invitation à un voyage musical que la narration d'une histoire qui nous est proposée dans cette œuvre, interprétée par les neufs musiciens de l'orchestre Les Folies françoises, le violoniste Patrick Cohen-Akenine à sa tête, accompagnés de Gaëlle Méchaly et Staphan McLeod, respectivement soprano et baryton.
Kaija Saariaho a réuni dans ce « song book » deux compositeurs du XVIIe siècle ayant mis en musique cette tempête, à savoir Matthew Locke (qui occupe la première partie du spectacle) et Henry Purcell (pour la seconde partie). Mais à intervalle régulier la musique baroque des compositeurs anglais laisse place à la musique de notre compositrice.
Cela semble donc être un pari audacieux que cette rencontre entre musique baroque et musique contemporaine. L'instrumentation est commune aux deux styles : clavecin, violons, etc. Des instruments anciens donc. Les chanteurs viennent quelquefois déclamer quelque tirade accompagnés de l'orchestre.
Le concert s'ouvre avec la musique de Locke. Musique tantôt enjouée, tantôt pompeuse ou dansante, une musique lyrique propre à l'aspect prestigieux du cadre shakespearien avec ses ducs, ses marquis et ses rois. S'il y a tempête, alors elle est bien loin de toute sauvagerie naturelle. Mais après tout, celle-ci n'est-elle pas déclenchée par Ariel, un esprit contrôlé par le roi déchu Prospéro ?
Mais chaque fois que la musique baroque laisse place à la musique de Saariaho, nous sommes entraînés dans un univers plus étrange, certes celui de la musique contemporaine, avec sa sonorité dérangeante, inhabituelle, mais ici la compositrice privilégie un aspect mystique, fantomatique, presque angoissant par moment. Une musique intime, qui contraste hautement avec la musique de Locke ou de Purcell. Ainsi chez eux, les instruments jouent de concert des airs entraînants ou animés. Les instruments chez Saariaho semblent chacun de leur côté chanter leur propre mélopée. L'illusion fait place à une magie inquiétante et nuancée, jusqu'à ce que danses et autres déclamations solennelles reviennent. Les jeux de lumière ne manquent pas de nous accompagner dans cette traversée de l'île mystérieuses, et nous sommes ballotés comme les personnages entre musique flamboyante et gracieuse, et musique torturée et spectrale.
Une création pour ainsi dire intéressante, une danse musicale (ou peut être un jonglage ?) atypique entre passé et présent, qui évoque peut-être le caractère intemporel de l'œuvre de Shakespeare. L'aspect fascinant et hypnotique de la musique de Saariaho plane incontestablement sur ce concert, sans laquelle il n'eût d'autres vocations que simple divertissement.
Pas d'émotions très fortes à ce rendez-vous musical, mais qui sait, peut-être, l'émotion elle-même ? Mais pas une simple émotion pathétique, bien plutôt une émotion rencontrée en découvrant un paysage nouveau et étonnant, au sein d'un univers familier.
Prochain voyage musical prévu le 8 décembre à Polydome, avec Nymphéas, interprété par le Quatuor Satie, qui, de son nom, ne saurait être plus adapté à la musique de Kaija Saariaho.