Soulever le voile
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aurélien tobieAilleurs en Europe, les enfants musulmans vont sans problème avec un voile à l’école. Pourquoi pas en France ? Un article provocateur, que café babel laisse au lecteur le soin de juger.
Telle qu’elle existe aujourd’hui, la culture européenne est basée sur un universalisme démocratique et séculier dont la France prétend être l’incarnation depuis deux siècles. Le fait que les femmes musulmanes continuent de porter le voile en dépit des comportements dominants est le symbole visible et évident qu’une minorité refuse la supériorité morale du libéralisme européen.
La tradition anticléricale des Lumières a fait du sécularisme une composante de la foi républicaine. La philosophie principale en fut soulignée pendant la révolution par le Comte de Clermont Tonnerre : « Nous devons tout refuser aux Juifs en tant que Nation et tout accorder aux Juifs en tant qu’individus. » C’est sous ce jour que l’actuelle controverse sur le voile islamique doit être analysée : les règlements nationaux précisent que les signes de pratiques religieuses ne doivent être affichés dans les institutions de l’Etat -telles que les écoles- ni par la puissance publique, ni par les usagers.
D’autres pays européens ne comprennent pas le fanatisme de la France sur ce sujet. Les enfants musulmans d’Italie, de Belgique, des Pays Bas, de Grande Bretagne et de Suisse vont avec un voile à l’école sans problème. La position française n’a que peu d’appuis dans le reste de l’Europe : les politiques de l’UE reconnaissent la diversité, et les libertés garanties par la Convention Européenne des Droits de l’Homme semble conforter ces objectifs. Que se passe-t-il en France ?
Pour les musulmans français, l’intérêt soudain pour le voile est une hypocrisie. Pendant des années, les enceintes des tribunaux ont accueilli des nonnes chrétiennes en cornette et aux croix ostentatoires et des Juifs portant la Kippa. Dans les colonies d’Algérie et du Maghreb, les lois françaises ne voyaient pas de problèmes au port du voile par les femmes musulmanes dans quelque situation que ce soit, y compris pour les photos d’identité. Pourquoi donc les Français trouvent-ils cela déraisonnable aujourd’hui ?
Exclusion sociale et pratique accrue
La « mauvaise immigration » de ces cinquante dernières années met mal à l’aise. Les Arabes que les Français côtoyaient en Afrique du Nord habitaient le monde cultivé, urbain et francophile d’Alger et des villes côtières. Aujourd’hui une proportion importante des 8% de la population immigrée de France métropolitaine vient de régions pauvres, peu fertiles et rurales de l’Afrique musulmane. La visibilité des costumes traditionnels dans les transports en communs montre que l’objectif de l’intégration est encore loin. Le gouvernement aussi a sous estimé l’effort à fournir. Les Arabes français restent pauvres, sans emplois, peu instruits et socialement exclus. Est ce vraiment une surprise si cette jeunesse insatisfaite, après avoir essayé et échoué à s’intégrer à la culture française, se replie vers sa propre identité religieuse ?
Ce processus se combine aux événements qui agitent le monde arabe, en particulier ceux du 11 septembre. Les Musulmans du monde entier se tournent de plus en plus vers leur Foi comme vers une échappatoire aux tristes réalités du quotidien. L’impérialisme de l’Occident en Irak, les dirigeants corrompus du Moyen-Orient, le manque de liberté d’expression et l’échec du développement économique font de la Mosquée le seul endroit où le peuple peut maintenir sa dignité. Les Musulmans européens ne sont pas sans ressentir les frustrations du monde Arabe, et la pratique religieuse s’accroît partout. Le Hijab (voile) est le symbole le plus évident de cette résurgence de la piété.
Réactions anti-occidentales
En fin de compte, ce sujet n’est pas près de disparaître. L’opinion musulmane, au regard de 1 500 ans de civilisation, de tolérance et de connaissance, ne perçoit pas l’Occident comme un exemple à suivre, pointant du doigt les tanks, les Mac Donalds et la pollution comme des inventions spécifiquement occidentales. La plupart des Musulmans sont fiers de leur spiritualité et de la stabilité de leurs familles, alors qu’Hollywood propose l’individualisme effréné et les cassures sociales comme alternatives.
En fait, la plupart des femmes musulmanes peuvent se référer au Coran pour se couvrir : il indique que « les femmes, les filles et les femmes des croyants… doivent ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d’être offensées » (Coran, 33:59). Alors que les crimes sexuels sont un phénomène dramatiquement courant -une femme Américaine sur huit sera victime d’un viol ou d’une tentative de viol dans sa vie (1)-, beaucoup de musulmanes voient le Hijab comme une protection divine.
J’ai parlé avec de nombreuses femmes qui m’ont dit que depuis qu’elles portaient le Hijab, elles subissaient considérablement moins de harcèlement sexuel. Loin d’être oppressées, elles disaient se sentir libérées. Elles n’étaient plus jugées sur leur apparence, mais sur leurs paroles et leurs actions.
Les limites de l’intégration séculière
Le Hijab est, peut être avec raison, un champ de bataille essentiel dans le travail d’intégration. Pourtant, au-delà de ce débat, quel niveau d’intégration le gouvernement veut il obtenir, surtout s’il n’a pas d’alternative métaphysique à l’idéologie qu’il veut détruire ? Le sujet du Hijab a créé sans nécessité un conflit interne auquel l’Etat n’a aucun intérêt. Il y a certainement un lien entre la présence continuelle du problème du foulard à la télévision, qui dresse « la France » contre « les Musulmans », et le score élevé du Front National aux élections. Le multiculturalisme amènerait-il plus de divisions encore au sein de la société, en reconnaissant les parties qui la constituent ? Seul l’avenir nous le dira.
Translated from A look behind the veil