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Songbeat à Berlin: comment j’ai créé ma start-up

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Sergio Marx

CulturePolitique

Lancer une entreprise de musique en ligne : à 25 ans et sans les moyens d’Apple, cela tient de l’impossible. Pourtant, deux Berlinois l'ont fait. Grâce à des personnes compétentes venues du monde entier, et de la suite dans les idées, le site Songbeat a conquis son public. Témoignage.

La petite entreprise de Philip Eggersglüß et Marco Rydman ne connait pas la crise. Ils ont beau vivre dans une des villes les plus pauvres d'Allemagne, là où le chômage touche environ 15 % de la population active, leur aisance économique est certaine et peut être attribuée à une idée simple : répertorier les bases de données mp3 ou les radios en lignes et créer un moteur de recherche capable de les indexer pour ensuite les proposer à l'écoute et en téléchargement. Songbeat est né. Le logiciel sert ainsi d'intermédiaire entre les mp3 et l'utilisateur qui lui reste responsable des droits d'auteurs. C'est à chacun de savoir s'il possède les droits de ce qu'il télécharge. Et d'où vient alors l'argent ? Des recherches par mot-clés, pour lesquelles l'utilisateur doit passer à la caisse : 15 dollars les 1000.

Pour nos deux associés, les événements se sont rapidement enchaînés. En novembre 2007, ils trouvent dans le droit des sociétés anglo-saxon un cadre favorable à leur start-up. En effet, la fondation d'une Limited Corporation outre Manche ne nécessite qu'un capital de départ d'une livre sterling, bien loin des 25 000 euros indispensables à l'ouverture d'une GmbH en Allemagne. C'est donc avec un investissement total initial de 3 000 euros qu'ils se lancent dans l'aventure. Une somme suffisante pour développer le lecteur mp3, le moteur de recherche et financer une campagne de pub.

100 000 utilisateurs

Les espèces sonnantes et trébuchantes tombent très vite dans l'escarcelle des deux entrepreneurs. Une fois réuni le capital requis, ils fondent cette fameuse GmbH au pays : « On a finalement décidé de créer une société allemande, cela représente pour nous moins de risque et ne nous oblige pas à être sous la loupe d'une seconde administration. » L'entreprise peut alors croître. Philip et Marco engagent une nouvelle équipe de programmeurs en Pologne. « Nous les avons rencontrés lors d'une collaboration commune avec une boîte danoise, nous avons ensuite également eu un programmeur suédois lié au projet. » L'entreprise cherche à percer sur le marché européen en traduisant la deuxième version du logiciel en sept langues, et prend forme : avec environ 100 000 utilisateurs réguliers, des revenus confortables et une forme juridique adaptée, l'avenir semble assuré. Mais c'est sans compter sur la réaction des majors de l'industrie musicale.

Janvier 2009, la branche allemande de la Warner vient toquer chez Songbeat… mais pas pour boire le thé. Songbeat est accusé de mettre à disposition gratuitement du contenu protégé par droits d'auteurs. C'est un procès éclair, David contre Goliath. Songbeat est obligé de temporairement fermer ses portes, pour rouvrir quelques mois plus tard sous une autre forme. Cette fois Marco et Philip ne s'occupent plus que du développement du logiciel. La distribution du programme se fait séparément par une nouvelle Limited Company domiciliée à Hong Kong, entre les mains d'un nouveau gérant et hors de portée de la Warner. De plus, les deux Berlinois ont fait appel du jugement. « Les premières années de Songbeat furent difficiles. Beaucoup de travail, beaucoup de pression. Depuis la restructuration de l'entreprise, nous avons moins de responsabilité et plus de temps libre. » Pour Marco et Philip c'est une aventure qui a porté ses fruits.

Berlin : capitale de la créativité

Les desseins de Songbeat restent clairement commerciaux, loin de l'impulsion initiale des fondateurs de Napster ou The Pirate Bay qui cherchaient à permettre le libre échange de données au-delà d'un rapport marchand. Songbeat cherche de son côté « à monétiser un domaine qui ne l'est plus depuis longtemps, car toute une génération a été habituée à obtenir de la musique gratuitement en ligne. Nous cherchons à refaire entrer le payant dans ce domaine. Notre modèle pourrait être une solution pour les majors. » Un avis qu'elles n'ont clairement pas partagé.

Pour Philip qui a fondé sa première entreprise à 19 ans, c'est la confirmation d'une vocation. Il a ça dans le sang et estime que chacun est capable de devenir entrepreneur. Les principaux problèmes étant d'oser prendre le risque et d'avoir ensuite la discipline suffisante pour mener le projet à bien. « Lorsque l'on est son propre patron, on jouit de très grandes libertés, mais il faut également être ordonné et capable de se lever le matin. Il faut savoir se poser certaines règles », lance-t-il. C'est d'autant plus difficile qu'à Berlin, on ne vit résolument pas comme dans le reste de l'Allemagne : « Ici, on peut faire facilement la fête toute la semaine. » Cette tentation est selon Philip un des défauts de la capitale allemande avec entre autres, l'omniprésence de beaux parleurs qui n’agissent pas (« impossible de travailler avec ces gens-là ») mais la ville a également ses côtés positifs. Les loyers très modérés permettent à toute start-up de se lancer avec un budget modeste, de plus, l'ambiance internationale qui y règne attire des créatifs du monde entier. Une aubaine pour beaucoup de jeunes entrepreneurs qui voient en Berlin la capitale européenne pour se lancer.

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