Sommes-nous encore tous américains ?
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julie thisseVers une nouvelle guerre en Irak
« Nous sommes tous américains »… C’est par ces mots que le Président du Conseil Silvio Berlusconi a conclu à Rome son discours de solidarité avec l’allié d’outre atlantique éprouvé par les attentats du 11 Septembre
« Nous sommes tous américains » a probablement été la pensée de nombre d’entre nous qui, en ce jour inoubliable, tentions de trouver une position dans un monde en train de se dessiner autour de critères d’appartenance ethnique, religieuse, géographique, économique et politique.
Aujourd’hui, en revanche, plus d’un an après ce 11 Septembre, et face au scénario de la riposte belliqueuse de l’Occident – riposte klauswitzienne souhaitable et même purificatrice et qui a traversé de nombreux pays, probablement une grande partie de ceux dans lesquels on se sentait tous américains – l’on commence à se poser des questions... Certains regardent l’Afghanistan, d’autres le Cachemire et d’autres encore l’Irak : en bref, sommes-nous encore tous américains ? Voulons-nous encore, comme cela s’est produit il y a un an et demi, intervenir tous en masse pour montrer la force d’un monde occidental en passe d’affronter la plus grande crise de civilisation que l’ère moderne ait jamais connue ? Sommes nous tous convaincus de la justesse des présupposés de cette affirmation « enduring freedom » ( « liberté immuable » ) ?. Et quelles populations cette « liberté immuable » concerne-t-elle ? Quelles sont les valeurs qui l’animent ? Et quel est le prix du prochain 11 septembre auquel cette fois personne ne pourra faire semblant de ne pas s’attendre ?
Mais la question qui revient probablement le plus souvent concerne la supposée vérité des valeurs démocratiques et civiles que le monde occidental démiurge s’est engagé à diffuser de ses mains cathartiques dans le reste du monde. Elle concerne également le rôle que ce monde occidental est convaincu de recouvrir avec cette mission.
A ce propos, il est déplaisant de noter combien dans ce cas aussi, l’Union Européenne est à nouveau absente et cela face a une volonté américaine mal dissimulée d’intervenir en Irak malgré l’absence de résolution du Conseil de Sécurité. Face à une tentative manifestement compliquée de l’Oncle Sam de vouloir faire croire au monde entier que le rais Saddam Hussein cache des armes terribles dans ses propres arsenaux. Face à l’opiniâtreté évidente avec laquelle Bush « invite » les inspecteurs des Nations-Unies à dénicher ces armes, même si elles n’y sont pas. Et si finalement elles n’y étaient pas, alors même celles qui ne sont pas si dangereuses que ça pourraient faire l’affaire, ce qui est importe étant d’attaquer à tout prix.
Saddam craint encore plus que les Américains les islamistes
N’oublions pas non plus que les Etats-Unis ont dans leur manche un autre atout sur lequel compter : l’aspect religieux. En effet il semble licite à tous d’intervenir dans ces endroits qui représentent un terrain fertile pour les auteurs et exportateurs d’actes terroristes liés à la matrice islamique. Mais il importe peu aux lobbies qui ont porté Bush au pouvoir que Saddam représente l’exemple typique de dictateur laïque qui a combattu et combat, même avec la peine de mort, toute forme de fondamentalisme islamique, et en particulier tout prosélytisme au nom du wahhabisme, qui, comme on le sait, est la foi d’Oussama Ben Laden. Il leur importe peu que Saddam Hussein soit considéré comme un hérétique, une injure si grave que le rais mérite la peine de mort dans le monde islamique. L’administration américaine considère avec encore moins d’attention le fait que le rais irakien craigne encore plus que nous la possibilité que les fondamentalistes islamiques mettent la main sur les armes de destruction massive, tant il représente leur cible la plus immédiate et la plus naturelle.
L’opinion la plus répandue, et même si il y a peu de chances qu’en dehors des Etats Unis on trouve un juriste capable de légitimer une action de ce genre, est que l’attaque en Irak est imminente. Imminentes sont aussi les conséquences que nous tous connaissons bien. Mais à la lumière des considérations exposées jusqu’ici, s’il m’est permis d’exposer une dernière réflexion : en attendant que l’UE assume au niveau institutionnel une position plus autonome et plus marquée par rapport aux Etats-Unis, aujourd’hui une grande partie de la population du vieux continent ne se sent plus tellement américaine. Il est devenu souhaitable qu’un tel sentiment soit connu de l’autre côté de l’océan de façon un peu plus concrète que par les paroles modérées de l’élégant Solana... Parce que malheureusement, celui qui ne connaît pas sa propre histoire est condamné à la revivre et franchement, il n’y a guère besoin de la revivre d’une façon aussi sanglante.
Translated from Siamo ancora tutti americani?