Solidays : Coups de coeurs et coups du sort
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Il y a les artistes qu'on ne connaissait pas et qu'on découvre avec joie. Chacun a le sien. Pour moi, ce fût Jacques Higelin. Un coup de foudre vieux de 70 ans. Et puis il y a ceux qu'on attendait avec passion et qui nous déçoivent. Parfois, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Pour sûr, Hindi Zahra se rappellera des Solidays 2010.
Un couac technique...
Quand on organise un concert au fond d'une cave ou dans le jardin d'un pote, si un problème technique survient, rien de grave. Les amis sont solidaires, le public patient et de toute façon moins nombreux que les membres du groupe. Il en va autrement aux Solidays quand Archive, un des groupes phares du trip-hop britannique, se fait clouer le bec en plein milieu de son set d'une heure montre en main. En un instant, la scène principale de l'hippodrome de Longchamp s'est muée en un long champ de ruines sonores; l'écran s'est noirci et le chanteur Darius Keeler en est resté muet de dépit. Du jamais vu ! 20 longues minutes de silence sans rien d'autre à célébrer que la défaite des Bleus, 20 minutes pendant lesquelles l'album Controlling Crowd était persona non grata pour les festivaliers. Le son est revenu, les lumières aussi, mais un goût amer est resté dans le gosier du chanteur anglais.
... Ne vient jamais seul
Le lendemain, tout le monde attendait la venue de la douce Hindi Zahra, révélation folk de l'année en France grâce à une voix légère à la Moriarty et des morceaux enivrant comme Beautiful tango, Oursoul ou Fascination. Las ! Dix minutes après le premier contact avec un public déjà conquis, le micro de la chanteuse se met à couiner à vous ronger les tympans. Une fois. La belle interrompt sa rengaine, s'excuse et s'apprête à reprendre. Rien à faire. Sous le Dôme, une chaleur étouffante sévit mais les spectateurs restent, touchés par la grâce de cette fille esseulée sur scène face à un micro qui geint. Couac énorme. La déception du festival. Pas Hindi, qui saura se transcender, aguicher ses musiciens, rire de la tragédie et en faire une expérience émouvante. Mais pour le public, la boulette technique l'a emporté sur la musique.
70 ans ?
On quitte a regret le Dôme. Derrière les pupilles, le souvenir du visage solaire d'Hindi Zahra en proie à la tourmente reste gravé. Devant, deux Mexicains jouent de la guitare comme un poupon déguste sa tétine; ils en sondent toutes les possibilités sonores. Tandis que Gabriela joue de la percussion sur le bois de la sienne, Rodrigo balade ses doigts sur les cordes à la vitesse d'un train. Rodrigo y Gabriela coupent le souffle ! En enchaînant avec la performance de Jacques Higelin, on s'attend à faire une pause bien méritée. Pensez un peu, le chanteur français a 70 ans. Sa fille Izia sera sûrement plus dansante que lui demain ? Rabattez-vos préjugés, le vieux à la pêche !
Entre des morceaux musclés et énergiques, le clinquant septuagénaire lance des piques acérées. Sarkozy, le gouvernement, l'équipe de France, et alors ? Pendant ce temps, les malheureux crèvent et nos rêves se dégonflent. Indigné et heureux malgré tout, Jacques Higelin est le guide spirituel dont les Français ont besoin en ces temps de disette morale, entre scandales politiques et footballistiques. Il n'y a qu'à voir la ferveur qui dégouline des yeux des fans, toutes générations réunies. Higelin est ému et nous aussi. Dernier morceau, Jacques Higelin remercie chaque technicien par leur nom, certains viennent l'embrasser sur scène. Le Dieu de la soirée s'appelle Jacques, il a des cheveux blancs et un sourire de gosse. Le diable et ses erreurs techniques peuvent aller se faire voir ailleurs.