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SIDA : réapprendre le b-a-ba

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Elsa Bracadabra

Société

A l'occasion de la Journée mondiale contre le sida le 1er décembre, une enquête menée à l'échelle européenne révèle un degré d'ignorance, parfois effrayant, de la maladie.

25 millions de morts en 25 ans : la pandémie de sida ne montre aucun signe de fléchissement. Ces dernières années, la couverture médiatique autour du sida s'est focalisée presque exclusivement sur l'Afrique, donnant à la maladie l'image d'un problème spécifique aux pays en voie de développement. Alors que quasi 95% des nouveaux cas étaient enregistrés dans le tiers-monde, les gouvernements et les médias européens ont largement ignoré le nombre de cas croissant dans leurs propres pays, dit développés.

Au total, 23 600 nouveaux cas ont été enregistrés en Europe en 2005. Dans certains pays, le nombre de cas recensés a doublé depuis 1988. Et sur le continent, ce sont les rapports homosexuels qui représentent la première voie de transmission. Homo ou hétéros, les plus jeunes utilisent moins systématiquement le préservatif que cinq ans auparavant.

Ignorance ne rime pas avec bien-être

Emma Bickerstaff, membre de l’ONG ‘National Aids Trust’ (NAT), travaille pour sensibiliser les populations au virus du VIH. Elle affirme que, parmi les jeunes, le rapport au sida relève plus de l’ignorance que de l'insouciance. « L'éducation sexuelle n'est pas une matière obligatoire dans le cursus scolaire », dit-elle, ajoutant que « de nombreuses personnes quittent l'école quasiment sans rien savoir sur le VIH ou les autres maladies sexuellement transmissibles (MST) ».

Ce point de vue est confirmé par une récente enquête menée par l'Eurobaromètre. 45% des citoyens européens interrogés pensent qu'il est possible d'être contaminé par le VIH en partageant un verre, en faisant un don de sang à une personne porteuse ou souffrant du virus du sida, voire en prenant soin de cette même personne. Et les disparités d’information entre Européens sont flagrantes.

Alors que 69% des Français sondés savent qu'il n'est pas possible d'être contaminé par le VIH en embrassant sur la bouche, seuls 16% des Slovaques questionnés en sont sûrs. Les gens apparaissent moins au courant des dangers du sida dans les nouveaux Etats membres de l'UE. Par exemple, seulement 16% des Slovaques et des Lettons, 17% des Lituaniens et 25% des Estoniens interrogés savent que la maladie n'est pas transmissible en donnant du sang à un porteur du virus, pour 89% des Suédois et 87% des Danois qui ont correctement répondu.

Campagnes de sensibilisation : il faut mettre le feu aux poudres

Alors comment faire pour sensibiliser les Européens sur l'assassin le plus dangereux du XXe siècle ? En 2005, en Europe, les 15-24 ans représentaient plus de 50% des nouveaux contaminés. Un public trop jeune pour se souvenir des grosses campagnes choc des années 80 ; et ces vingt dernières années, il n'y a eu aucun programme de sensibilisation majeure pour attirer l'attention des foules sur l’évolution du sida. Pire, bon nombre des mesures de prévention mises en place au départ de l’épidémie, quand le sida est devenu une priorité médicale, n'ont pas été maintenues.

Mais alors que les campagnes coups de poing des années 80 transmettaient vite et bien des messages simple à un maximum de personne, Bickerstaff pense rétrospectivement qu'elles étaient sources d'une stigmatisation considérable à long terme. Le sida y était dépeint comme une maladie mortelle, capable de se répandre très rapidement au sein de la population. En réalité, un tel scénario catastrophe était impossible. Pire, ces campagnes ont parfois dissuadé certains malades et groupes à risque d'aller chercher une aide médicale, de peur que leur maladie ne soit révélée.

« Le VIH a changé dans ces vingt-cinq dernières années », explique Bickerstaff. « Il n'est plus synonyme de condamnation à mort. S'il est détecté tôt, vous pouvez avoir une espérance de vie normale. C'est plutôt un état de santé sur le long terme. »

Connaître sa cible

Peu de temps avant la Journée mondiale sur le sida du 1er décembre, l'Union européenne a récemment lancé une nouvelle campagne publique de sensibilisation, avec le slogan « Sida - Vous vous souvenez de moi? ». Parallèlement, certains Etats membres ont entamé leurs propres efforts de communication. Mais les modes de contamination diffèrent grandement à travers l'Europe : chaque campagne doit viser les populations exposées à un risque élevé.

Selon le NAT, ce sont les homosexuels et la communauté africaine qui comptent pour une large part des nouvelles infections en Grande-Bretagne alors qu'en Europe de l'Est, les consommateurs de drogue qui se piquent sont exposés à un risque particulier. « Il est absolument fondamental de connaître l'épidémie et d'en comprendre les facteurs déterminants– y compris l'inégalité homme/femme et l'homophobie – pour agir contre le sida sur le long terme » a rappelé le Dr Peter Piot, directeur exécutif de l’Onusida.

Pour Bruxelles, il est temps de s’attaquer au sida non seulement dans les limites de son territoire, mais aussi d’aider pour améliorer la situation hors de ses frontières. Selon l'OMS, le nombre de contaminations par le VIH en Europe et en Asie Centrale est passé de 30 000 en 1985 à 900 000 en 2005. 90% des nouveaux malades se trouvent en Estonie, en Russie et en Ukraine. Avec seulement 64% des personnes infectées en mesure de recevoir un traitement anti-viral, le sida est loin d'être sous contrôle en Europe.

Translated from AIDS - Europe’s dirty secret