Si le fédéralisme meurt, l’Europe aussi
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francesca dragoniLa « Constitution » ne suffit pas. L’Europe a besoin d’un élan fédéraliste pour affronter les défis de demain.
Alors que les Chefs d’Etats et de gouvernement ont signé le Traité constitutionnel à Rome le 29 octobre, l’Europe fait à nouveau parler d’elle. Les critiques sur le nouveau traité ressurgissent à droite comme à gauche, ce qui alimente un débat jusque là étouffé par les adeptes de la Convention.
Une « Constitution » qui fait débat…
En France, Laurent Fabius, représentant de la frange la plus libérale de la gauche française, a fait naître une fracture ouverte au sein même de son parti en France en s’opposant à un Europe qui codifie les droits sociaux : il adhère donc aux « non » déjà prévu des « Républicains » à la Chevènement et des extrêmes. En Espagne, des exposants de premier plan du Parti populaire se sont prononcés ouvertement contre une Europe qui ne considère pas les valeurs chrétiennes comme faisant partie de ses principes fondamentaux.
En Italie, Fausto Bertinotti, dont le parti est membre de la Gauche Unitaire Européenne a clairement fait savoir que l’Europe de Giscard n’est pas « l’Europe de la paix et des peuples, démocratique et solidaire, de la citoyenneté universelle, des droits sociaux et de l’égalité ». Le débat a également été rallumé par le secrétaire général des Radicaux italiens, Daniele Capezzone, qui considère non seulement que cette constitution est distante des citoyens mais qu’elle est aussi contraire « aux mythes et aux espoirs » de beaucoup des fondateurs du mouvement fédéraliste, tel qu’Altiero Spinelli.
De l’autre côté de la barricade, les défenseurs insipides de l’Europe sont toujours présents. De temps à autre, leurs appels ont une tonalité rhétorique. Bernard Kouchner, par exemple, a réaffirmé son attachement à l’Europe et à la Constitution signée à Rome. Giuliano Amato, vice-président de la Convention et ancien Premier ministre italien, plus modestement, continue à considérer ce texte comme « un pas en avant ». Tony Blair, ne considérant pourtant pas l’Europe comme une priorité, a confirmé l’importance d’une Constitution pour l’Union. Certains seraient même prêt à faire payer une addition particulièrement salée aux pays qui décideraient démocratiquement de rejeter le texte : Mario Monti, l’ex-commissaire européen à la concurrence est allé jusqu’à proposer l’exclusion de l’Union des pays qui, même par voie référendaire, ne ratifieraient pas le nouveau traité.
...Et pourquoi maintenant ?
Le décalage évident entre le moment où, d’une part, s’est déroulé le débat institutionnel sur le futur de l’Europe lors de la Convention et, d’autre part, le moment des prises de positions des principaux acteurs politiques, est frappant. On peut sincèrement se demander pourquoi tant de questions surgissent actuellement, alors que les dés sont déjà jetés. Cette arythmie pourrait être davantage imputée à la direction trop personnelle des travaux de la Convention par Valéry Giscard d’Estaing ou à la non représentativité et à l’absence de légitimité démocratique de cet organe, qu’à la myopie des classes politiques nationales. Mais aucun de ces accidents ne peut constituer un alibi assez convainquant pour en réalité limiter un débat riche en contrastes et en possibilités politiques novatrices.
En ce qui concerne la prochaine guerre ou alerte environnementale, les impôts à payer ou la question de l’immigration, l’Europe du nouveau traité ne sera pas différente de celle d’aujourd’hui. En effet, l’Europe n’a pas la possibilité de faire de mauvais choix, puisqu’elle ne sera en mesure de ne prendre aucune décision. Le vieux comme le nouveau traité sont incapable de résoudre le problème de l’efficacité du processus décisionnel, qui reste un des problèmes centraux de tout système politique.
Arythmies fatales
Pour répondre aux grands défis qui relèvent toujours plus de la sphère de compétence de l’Europe et de moins en moins à la sphère de compétence des Etats nations, les Européens n’avaient pas besoin de la Convention. Ils n’ont pas besoin des blocages institutionnels et encore moins des arythmies des dirigeants politiques. Les Européens, et pas seulement l’Europe, ont besoin d’un espace de confrontation et de décision. Un système où il serait possible qu’un parlement élu au suffrage universel direct, doté de pouvoirs réels soit un réel contrepoids au Conseil des représentants des Etats. Il faudrait donc instaurer un véritable gouvernement européen, dont le président serait responsable d’une façon ou d’une autre devant les citoyens européens. Il faudrait également instaurer des partis transnationaux, d’une part capables d’empêcher les arythmies institutionnelles et d’autre part capable de synchroniser le débat public à travers tout le continent.
L’Union dont a besoin l’Europe n’est prévue par aucun des articles du nouveau traité et elle serait tout simplement impossible en maintenant le statu quo. Cette Europe, certains opposants à la Constitution en rêvent, et de nombreux officiels Européens disent souhaiter l’atteindre. En réalité, cette Europe fédérale serait la seule solution pour mettre tout le monde d’accord. C’est pourquoi nous invitons tout le monde à en discuter, pour rattraper le temps perdu et pour pallier les arythmies qui pourraient se révéler fatales : si le fédéralisme meurt, c’est l’Europe qui meurt.
Translated from Se muore il federalismo, muore l’Europa