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Sebastian Kurz : qui est le plus jeune dirigeant d’Europe ?

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À 31 ans, il entre déjà dans l’histoire en devenant le plus jeune dirigeant d’État européen. Grâce à la victoire de son parti conservateur aux élections législatives anticipées, Sebastian Kurz a été élu chancelier d’Autriche. Mais comment cela est-il si vite arrivé ?

Les champs se parent d’une teinte dorée dans la lumière du coucher de soleil. Au loin, on aperçoit des pommiers verts. Au premier plan, des visages heureux, sans oublier les cochons d’Inde et les photos d’enfants. En fond, une musique d'ascenseur finit de donner l'ambiance de la vidéo. Non, il ne s’agit pas d’une publicité pour du Bauernkäse, fameux fromage autrichien, ni pour vous convaincre de souscrire à une assurance responsabilité civile familiale. C’est un clip de campagne électorale. Le protagoniste ? Sebastian Kurz, le tout nouveau jeune et séduisant chancelier d’Autriche, élu hier après la victoire des Conservateurs aux élections législatives anticipées. Élancé et toujours parfaitement rasé, des cheveux bruns plaqués en arrière, des yeux bleus et un visage immaculé, Kurz a les traits d’une œuvre d’art. Sa silhouette apparaît de nombreuses fois, toujours en mouvement, la plupart du temps au ralenti. Le costume parfaitement coupé lui va à ravir, et pas seulement dans les vidéos.

De « l'attardé » au prodige

En plus d’être bien habillé, Sebastian serait à la fois proche du peuple et convaincant. Cerise sur le gâteau : il serait en plus compétent malgré son jeune âge. En un mot, il est « parfait ». Pourtant, le candidat paraît souvent impersonnel et faux lors de ses apparitions publiques. « J’ai étudié l’économie, vous avez appris le discours de l’ÖVP (le parti chrétien-démocrate-conservateur, ndlr) », a affirmé son concurrent Peter Pilz, l’ancien vert aujourd’hui sans appartenance politique au cours d’un face-à-face à la télévision. « Et vous avez profité d’une excellente éducation », rajoute-t-il. Est-ce une pique contre les études avortées de Kurz ou la reconnaissance de la mise en scène du leader de l’ÖVP ? Peut-être un peu des deux.

À 17 ans, Sebastian Kurz intègre la branche jeunesse de l’ÖVP. Environ 6 ans plus tard, il abandonne ses études de droit à peine entamées pour en devenir le président. D’ailleurs, elles n’apparaissent même plus dans son CV officiel. De cette époque, il lui reste toujours sa copine, Susanne. Tous deux vivent ensemble à Meidling, le quartier d’affaires de Vienne où Kurz a grandi. En public, le fils d’une professeure et d’un ingénieur se montre calme, réfléchi et courtois. Les valeurs familiales lui tiennent vraisemblablement à cœur.

Sa réputation de gendre autrichien parfait n’est pourtant pas impeccable. Quand le Viennois d’origine a été nommé au poste de secrétaire d’État pour l’intégration en 2011, il s’est retrouvé sous le tir nourri de la critique. Selon le journal Der Standard, Kurz ne pense qu’à s’amuser et ne connait rien à la politique d’intégration. C’est une période qui le marquera et lui apprendra à ne plus se fier aux résultats des sondages ni au bourdonnement des médias. Le feu, si attirant, des projecteurs finira par s’éteindre.

À 27 ans, Kurz devient ministre des Affaires étrangères, le plus jeune de l’histoire autrichienne. En juillet, le trentenaire est élu à la tête de son parti, devenant ainsi le candidat principal pour les élections du Conseil national (le Parlement autrichien, ndlr) à venir. Puis hier, Sebastian Kurz est devenu le chef d’État élu le plus jeune d’Europe après l’Estonien Jüri Ratas (38) et Emmanuel Macron (39).

La droite décomplexée

Malgré sa carrière politique fulgurante (le célèbre Time Magazine l’a élu cette année parmi les 10 leaders de la prochaine génération), Kurz a su apprendre : vite et bien. Dès l’origine, il s’est directement placé sur un endroit stratégique de l’échiquier politique du pays en incarnant une droite pure et dure. Dans ses discours, sa position traduit souvent détermination et remarques provocantes. L’avantage par rapport à la vieille garde de l’ÖVP ? Une certaine cohérence dans ses apparitions publiques et l'action qu'il mène dans ses anciennes prises de fonctions. « Monsieur Kurz a déjà prouvé dans le cadre de ses fonctions de ministre des Affaires étrangères qu’il peut représenter l’Autriche de manière neutre et diplomate », déclare Ina Kumanovic-Heindl, 34 ans et soutien de la campagne de Kurz sur les réseaux sociaux. Même en matière de politique intérieure, il sait se distinguer, au grand dam des autres partis « encroûtés ». Kurz aborde les peurs de la population, s’abstient de critiquer ses rivaux politiques et séduit grâce à son dynamisme. Une stratégie politique qui gagnera peu à peu la confiance des Autrichiens

Les ambitions de Sebastian Kurz n’ont jamais été un secret. Le jeune loup annonce à son entourage qu’il sera le prochain président du parti conservateur. Pour certains, il fanfaronne. Mais l’ÖVP agonise depuis la perte de sa majorité aux élections de 2006, incapable de se renouveler ni d’endiguer la montée de l’extrême droite new-look du FPÖ. Pour beaucoup, Kurz représente donc un espoir, celui de refonder le parti de l’intérieur et de partir sur de nouvelles bases. Et le jeune leader ne les décevra pas. Avant son élection à la tête du parti, il affirme qu’il mettrait un terme à la grande coalition avec les sociaux-démocrates, provoquant ainsi des élections anticipées. Il propose la création d’une liste autonome de candidats lors des élections du Conseil national ainsi qu’un droit de véto contre les candidats inscrits sur les listes régionales. Ses opposants y voient un coup de force et un déni de démocratie. Qu’importe, Kurz est déterminé jusqu’à changer le nom de la formation pour y mettre le sien - « Liste Sebastian Kurz - die neue Volkspartei » (Liste Sebastian Kurz, le nouveau parti populaire, ndt) – et modifier les couleurs historiques du mouvement. Dorénavant, l’ÖVP ne sera plus affublé du noir historique mais d’un éclatant bleu turquoise. C’est une véritable révolution interne que les autres membres du parti acceptent sans sourciller. Lors d’une convention datée du 1er juillet 2017, le nouveau boss est élu avec 98% des voix.

L’onde de choc se propage aussi à l’extérieur. Déjà en mai dernier, lorsque l’ancien président de l’ÖVP, Reinhold Mitterlehner annonce son retrait et que Kurz est alors considéré comme le favori, le parti connaît une soudaine progression de 10% dans les enquêtes d’opinion. Le jeune patron séduit même à l’étranger. Sur Facebook, un admirateur allemand affirme qu’il a « le cœur, l’intelligence et le charisme ». 

« On en rêve en Allemagne »

Sebastian Kurz doit son succès à un thème de campagne : l’immigration. Fin 2015, alors que des milliers de Syriens rejoignent l’Allemagne en passant par l’Autriche, Kurz s’impose comme l’initiateur de la fermeture de la route des Balkans (principale route de passage des réfugiés vers l'Europe de l'Ouest, ndlr). S’ensuit une réaction en chaîne de fermeture des frontières sans que l’Allemagne ni l’Union européenne n'y participe. La proposition soulève d’abord son lot de contestations, jusqu’au moment où d’autres pays du continent suivent le mouvement après l’accord conclu entre l'UE et la Turquie. Les deux mesures sont largement critiquées par les organisations humanitaires. Cela n’empêche pas Kurz d’annoncer, un an après, son prochain objectif : la fermeture de la route méditerranéenne. Ce faisant, il discrédite l’action des ONG qui sauvent les réfugiés en Méditerranée pour se prononcer en faveur de la création de centres d’accueil dans les États africains. Ces positions ne lui font pas fait perdre de voix en Autriche. Bien au contraire, Kurz incarnait l’Europe forteresse bien avant que ses collègues européens n’ouvrent le bal.

« Quand il était Secrétaire pour l’intégration, Kurz s’était déjà rendu compte qu’il n’était pas vraiment intéressé par une intégration réussie de nos nouveaux concitoyens. Ainsi, son retournement de veste personnel en matière de migration n’est pas surprenant. Il n’a pas d’avis ferme, il suit simplement l’opinion publique pour en tirer le meilleur profit. C’est ce que font beaucoup de politiques, mais ceux-là ne sont généralement pas hissés au rang de messie dans leur parti », souligne Livija Marko-Wieser, étudiante en relations internationales. Car Kurz n’a pas toujours pris de position aussi tranchée sur l’immigration. « L’immigrant moyen d’aujourd’hui est plus éduqué que l’Autrichien moyen », affirmait-il en 2015. Son adversaire du FPÖ lors des législatives, Heinz-Christian Strache (FPÖ) l’a beaucoup surnommé « l’attardé » dans la campagne, en référence à son nouveau penchant pour la droite. La stratégie est connue : Kurz est « plutôt » à droite. Mais comparer son programme à la politique de l’extrême droite allemande, Alternative für Deutschland (AfD), ou à celle du Front National relèverait de l’incohérence. Même s’il est très courtisé par certains membres de l’AfD, Kurz se distingue particulièrement par son engagement véritable pour l’Europe.

Aujourd’hui, l’Autriche et l’Europe retiennent l’image d’un jeune politique ambitieux qui agit plus par pragmatisme que par idéalisme. Il a non seulement gagné le respect de nombreux Autrichiens dans ses fonctions de secrétaire d’État et de ministre des Affaires étrangères mais représente en plus l’espoir d’un changement. « La sympathie que j'ai pour Kurz n'est pas dingue, déclare la jeune autrichienne Ina Kumanovich-Heindl, mais cet homme représente la meilleure option pour notre avenir ». « Kurz ne s’intéresse clairement qu’à sa réussite et à sa carrière. Mais son petit jeu fonctionne et le public a confiance en lui », ajoute Livija Marko-Wiesner.

Ce qui est sûr, c’est qu’entre le recours au populisme et une image soignée, Kurz marque un nouveau tournant dans la politique actuelle. La stratégie d’un homme qui concentre tous les pouvoirs, fulmine contre l’islam politique et promet sécurité et confort avec de simples mots fonctionne visiblement aussi dans une démocratie européenne. Grâce à son jeune âge et à ses nombreuses mises en scène, Sebastian Kurz a réussi, à 31 ans, un pari historique. C’est maintenant que tout commence. 

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Translated from Sebastian Kurz: Österreichs Next Top Leader?