Schengen, le Danemark et le Parti du Peuple Danois
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Laura BrignonLe 15 juin, on fête la signature de l'Accord de Schengen. Créé pour mettre fin aux conflits douaniers entre France et Italie, il est aujourd'hui remis en cause par... La France et l'Italie. Et le Danemark ! L'annonce danoise de renforcer le travail des douaniers aux frontières avec l’Allemagne et la Suède a surpris tout le monde. Pas étonnant pourtant si on s'intéresse à sa politique intérieure.
Schengen battu par la cuisine interne
Officiellement voué à la lutte contre l’immigration clandestine et contre la criminalité, l’accord entre le gouvernement de minorité de centre-droit et le parti populiste de droite Dansk Folkeparti (Peuple Danois) ressemble plus à l'échange de bons procédés qu'à une action visant à limiter la criminalité transfrontalière. Beaucoup pensent d’ailleurs que la signature de l’accord de la part du gouvernement est un « petit quelque chose » offert à l’extrême-droite, afin d’obtenir son soutien sur le plan de la réforme des retraites, qui prévoit l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite et l’introduction d’autres mesures d’austérité. Selon les observateurs, l’accord serait également lié aux prochaines élections (prévues pour novembre prochain). Si l’on tient compte du niveau d’inquiétude des Européens au sujet des flux migratoires provenant d’Afrique du Nord, (inquiétude attestée en premier lieu par le récent succès du parti nationaliste finlandais), la suspension des accords de Schengen de la part du gouvernement danois serait aussi une manœuvre électorale. De leur côté, les social-démocrates, soutenant passivement la mesure, ne semblent pas disposer d’une réponse plus efficace que celle proposée par le Dansk Folkeparti pour apaiser ces inquiétudes d’ « invasion ».
36 millions d'euros de contrôles
Selon Lone Lone Dybkjær, du parti social-libéral, les contrôles aux frontières, en plus de coûter 270 millions de couronnes (36 millions d’euros) aux Danois, seraient inutiles et inefficaces pour contrôler la criminalité transfrontalière. L’annonce de la mesure restrictive a également suscité des critiques dans les pays voisins, directement concernés par la nouvelle loi. Le gouvernement suédois comme le gouvernement allemand ont donc soulevé les problèmes logistiques et économiques qui dériveraient d’une telle décision. Ce sont les travailleurs transfrontaliers qui en subiraient les dysfonctionnements les plus importants, surtout dans la région de l’Øresund où 20 000 personnes se déplacent quotidiennement de la Suède au Danemark. Les critiques ont également plu en provenance de l’Allemagne, où le ministre de l’Intérieur Hans-Peter Friedrich a accusé le Danemark d’isolationnisme. La réplique est venue du ministre de l’Immigration Søren Pind, (mieux connu comme « ministre de l’assimilation » depuis ses récentes déclarations sur son modèle d’intégration) qui, durant sa visite à Bruxelles, a défini le problème comme un « malentendu ». Dans la mesure où le Danemark n’a pas l’intention de réintroduire les contrôles de passeport mais veut seulement renforcer les contrôles douaniers, ce qui, à son avis, serait conciliable et cohérent avec Schengen.
Tendances populistes de petit appendice géographique
Le Danemark n’a jamais compté parmi les pays les plus euro-enthousiastes de l’Union. Toutefois, la réintroduction de la frontière a abasourdi toute l’Europe, qui ne peut que s’interroger face à l’envie irréfrénable de certains États-membres de se barricader derrière leurs propres murs dès que la situation se complique. L’opinion publique danoise est divisée. On lit des commentaires contrastés sur les blogs des plus grands quotidiens nationaux : malgré des doutes concernant l’efficacité de la mesure, certains soutiennent que les frontières sont vraiment trop accessibles. D’autres, au contraire, estiment que cet accord nuit à l’image du Danemark qui se révèle ainsi xénophobe et provincial aux yeux de l’Europe.
En regardant les prochaines charges figurant sur l’agenda politique européen du Danemark, on se demande comment le pays affrontera ses prochaines responsabilités internationales, à partir du référendum sur l’adoption de l’euro mais surtout, de la présidence du Conseil de l’Union Européenne, qu’il prendra en janvier 2012. Si le Danemark veut vraiment rester dans l’Union, y jouer un rôle important en contribuant réellement au projet européen, alors, en paraphrasant le chroniqueur danois Rune Engelbreth Larsen, la seule limite qu’il devrait imposer serait celle à ses tendances populistes de petit appendice géographique.
En réalité, il est de notoriété publique que les poussées nationalistes et la dépendance du gouvernement danois au soutien politique de l’extrême-droite sont les véritables raisons qui ont motivé cet accord. Avec la réforme des retraites, la question de l’immigration est l’un des thèmes les plus brûlants de la politique intérieure du Danemark. En marchant dans Copenhague, on peut tomber sur une affiche où il est écrit « Foreigners, don’t leave us alone with the Danes » (« Étrangers, ne nous laissez pas seuls avec les Danois »). À l’origine de cette affiche mystérieuse, on trouve Superflex, un collectif d’artistes danois qui déclarent vouloir utiliser l’art comme un instrument, et dans le cas présent, pour attirer l’attention sur le thème de l’immigration. C’est d’abord la couleur du poster qui surprend, puis le message, qui nous met face à deux questions aussi déstabilisantes l’une que l’autre : qui sont les Danois ? Et qui sont les étrangers ?
Photos : Une : (cc) Radikale Venstre/flickr; Testo: (cc) Dansk Folkeparti, Superflex (cc) GregMcMullen/flickr; video (cc) Euronews/Youtube
Translated from “Ci deve essere un limite” disse il Dansk folkeparti e, così, frontiera fu.