Sans communication efficace, pas de soutien
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hamdam mostafaviUne communication insuffisante et mal adaptée à propos du Traité constitutionnel fait obstacle à sa promotion. Mais comment y remédier ?
Le Traité constitutionnel de l’Union européenne a été rédigé justement pour répondre au problème du désengagement populaire, dans l’espoir qu’une Constitution rapproche l’UE des populations européennes et qu'elle familiarise les citoyens avec les institutions. Mais si un pays comme la France, qui a participé, plus que tout autre, à la création et au modelage de l’Union européenne, n’arrive même pas à convaincre ses propres citoyens, quel autre pays pourra le faire ?
Message inadapté
Les difficultés que rencontrent le Président Chirac et les partisans du « oui » dans la campagne pour le référendum symbolisent l’échec des institutions de l’UE et des parlements nationaux en matière de communication. La preuve en avait déjà été faite par le taux d’abstention élevé lors des élections européennes (moins de 45 % de participation en 2004).
Cette campagne difficile pour le « oui » devrait réveiller des élites dirigeantes à travers l’Europe. Depuis trop longtemps, elles ont considéré l’influence croissante de l’Europe comme un acquis. Au grand désarroi de Jacques Chirac, cette campagne pour le référendum a mis à jour la frustration refoulée des citoyens européens vis-à-vis de l’Union. En fait, les différents référendums sur la Constitution à travers l’Europe constituent le premier grand test d’opinion publique. Les populations peuvent donner leur avis sur l’UE actuelle et sur son futur. La situation difficile en France a mis en avant le décalage entre le discours fier des hommes politiques et la réalité des citoyens qui restent froids et confus devant Bruxelles. En janvier, un sondage de l’Eurobaromètre a indiqué que plus de 50% des Européens ne connaissent presque pas le contenu de la Constitution. Plus grave, un tiers d’entre eux n’en a même jamais entendu parler. Les conclusions sont dangereuses : l’Europe manque clairement de légitimité populaire.
Le marché unique est ennuyeux
Le plus frappant est l’échec cuisant du camp du « oui » qui n’a pas réussi à convaincre l'opinion des succès de l’UE. Plutôt que d’évoquer positivement ce que la Constitution va changer, le Président Chirac a utilisé l’argument qui faisait de la Constitution un document français, un garde-fou contre le libéralisme des Anglo-saxons, « le communisme de notre époque », comme il l’appelle. Ce dénigrement systématique des Anglo-saxons démontre son incapacité à convaincre.
Pourquoi les citoyens européens sont-ils si blasés, et même parfois hostiles, quand on leur parle des mérites de l’Europe ? D’abord, comme l’a découvert Chirac lors d’un débat télévisé avec des jeunes intervenants le mois dernier, rappeler que l’UE a construit la paix entre les peuples n’est pas un argument auquel la nouvelle génération est sensible. De même, l’évocation d’une prospérité sans précédent apportée par l’Europe ne peut susciter que peu d’enthousiasme de la part d’électeurs qui vivent dans des pays abonnés à un fort chômage et une croissance stagnante, comme la France et l’Allemagne. Comme l’a formulé un jour Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne, « les gens ne peuvent pas tomber amoureux du marché unique ». Sa remarque résume la difficulté à persuader l’opinion que des politiques complexes et technocratiques améliorent concrètement leur vie. Quoi qu’il en soit, il en incombe aux hommes politiques et aux bureaucrates de s’y atteler.
En outre, la réussite la plus récente de l’UE, l’exportation de la démocratie aux anciens Etats communistes, porte préjudice à la popularité de l’Union dans certains pays, notamment en France. Là, les partisans du « non » martèlent l’idée que les politiques économiques des nouveaux Etats membres menacent la vision française d’une Europe sociale. Autre explication de l’antipathie populaire envers l’UE : la tendance des hommes politiques des Etats européens à récupérer l’Union à des fins politiques nationales. Les bureaucrates de Bruxelles deviennent les boucs émissaires. Au Royaume-Uni par exemple, le gouvernement travailliste s’est empressé de faire porter le chapeau à l’Europe au sujet du nombre croissant de démarches administratives dans le pays. La vérité, un équilibre complexe entre règlements nationaux et européens, s’est perdue à cause de la presse eurosceptique, qui adore critiquer violemment toute ingérence de Bruxelles, systématiquement considérée malveillante.
Des efforts pour régler les problèmes de communication
Pour tenter de combattre cette mauvaise image, le poste de Commissaire aux relations institutionnelles et stratégie de communication a été créé l’année dernière. Margot Wallström, qui a la charge peu enviable d’améliorer la communication de l’UE, recommande un bouleversement radical de la stratégie de l’UE, grâce à une régionalisation des politiques de communication. Wallström reconnaît que beaucoup trop de messages divergents partent de Bruxelles et qu’il manque du personnel communiquant. « Dans beaucoup de domaines, nous n’avons même pas d’attaché de presse », explique-t-elle. Cela laisse forcément un grand vide, qui permet aux médias d’agir à leur guise, sans devoir passer par les protocoles utilisés au niveau national. Cependant, avec un budget global de communication de 200 millions d’euros en 2005, le contribuable n’est-il pas en droit de bénéficier d’une stratégie plus efficace ?
Mais ironiquement, en dépit de cet échec interne, l’Europe n’a aucun mal à se vendre à l’extérieur. L’élargissement de l’UE en mai 2004 et l'augmentation du nombre de pays candidats à l’adhésion prouvent que l’UE est porteuse d’un message positif. Elle est considérée comme une organisation qui a apporté cinquante ans de prospérité, de liberté, de paix et de stabilité. Mais même si les électeurs de l’UE approuvent la Constitution, Bruxelles devrait prendre note qu’à l’avenir, il faudra fournir beaucoup plus d’efforts pour convaincre les électeurs des bienfaits de l’UE. Si elle est rejetée, la Constitution ne deviendra pas le symbole d’une UE qui se rapproche de son peuple, mais le verdict sans appel d’un fossé qui se creuse. Et Bruxelles comme les gouvernements nationaux n’auront qu’eux-mêmes à blâmer.
Translated from No communication, no support