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Samba De La Muerte : danse avec les styles

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CultureGarage à beats

Samba De La Muerte a toujours aimé danser sur un volcan. De son nom de scène jusqu’à l’élaboration d’un premier album multicolore, Adrien Leprêtre – l'homme derrière le projet, également membre de Concrete Knives – n’a jamais cessé de se dandiner pour faire bouger les lignes de sa musique. Interview chaloupée.

cafébabel : À l’époque du premier EP, tu disais vouloir échapper à tout standard artistique. Était-ce aussi le cas avec cet album, Colors

Adrien Leprêtre : Encore plus même. Je ne me mets pas de barrière. J'écoute beaucoup de musique, j'essaie d'en faire beaucoup aussi. Du coup, dans mon travail, je crée un mélange de plein de couleurs différentes. Sur Colors, j’avais envie de m’exprimer comme ça.

cafébabel : Cet éclectisme, il vient d’où ?

Adrien Leprêtre : Je m’inspire beaucoup de musique africaine. J’ai aussi un net penchant pour le jazz et j’ai grandi avec une génération qui a beaucoup dilué la pop et le rock dans l’électro. J’adore travailler avec un matériel riche et varié, quitte à empoisonner un peu les sons. D’ailleurs, chez certaines personnes, ça peut paraître brouillon. Mais je ne peux pas me mentir, l’ADN de Samba De La Muerte, c’est la diversité.

cafébabel : Un premier album, ça se construit toujours un peu. Quelle était l’idée derrière Colors ?

Adrien Leprêtre : Déjà, je travaille dans ma chambre. Je me suis créé un petit home-studio avec mes trois claviers, ma boîte à rythmes, mes percus... Et je compose beaucoup à l’instinct. Après, dans l’idée, Colors est venue d’une chanson de mon précédent EP, « Fire », où je raconte qu’il faut prendre les histoires que l’on a vécues et les jeter dans grand feu bouillonnant qui dictera la suite. Ce qui m’excite, c’est de ne pas trop savoir ce que je vais proposer la prochaine fois.

Samba de la Muerte - « Fire »

cafébabel : Samba de la Muerte a été classé dans tous les genres depuis sa création. Les étiquettes, ça te gêne ?

Adrien Leprêtre : Je n’aime pas ça. Je n’aime pas qu’on classe. J’ai toujours une phrase d’une chanson de Sniper (groupe de rap français, ndlr) en tête pour ça : « On est catalogué coupable à chaque fois ». Pour la musique, je l’applique beaucoup. Je suis souvent déçu quand je découvre un groupe classé « pop/rock » par exemple. En revanche, l’étiquette qui me plaît pas mal, c’est « inclassable ». J’ai une grande référence en France, c’est Lo’jo, un groupe angevin. À chaque fois qu’ils faisaient un concert, on les décrivait comme inclassable. Ça m’a interpellé. Et quand je les ai vus pour la première fois sur scène, j’ai compris : deux très jeunes nanas d’origine algérienne étaient entourés de deux Français assez âgés. L’une chantait dans la langue de l’autre. Bref, complètement inclassable. Tu te fais prendre dans un tourbillon assez incroyable lorsqu’ils jouent. 

cafébabel : Tu aimerais provoquer ça avec Samba de la Muerte ?

Adrien Leprêtre : Carrément. Avec le groupe, on essaie de prendre les gens et de les emmener dans des endroits différents. C’est un défi. C’est aussi ce que j’aime faire dans ma musique : prendre des risques. Certains diront que c’est incohérent, d’autres vont trouver ça riche. Mais voilà, Colors, c’est un premier album. J’ai besoin de m’affirmer par la suite.

cafébabel : Dans quel univers musical as-tu grandi ?

Adrien Leprêtre : Mes parents sortaient beaucoup en concert, et ils m'ont emmené partout. Dans la ville où j’ai grandi, il y avait surtout une salle dont la programmation est très éclectique. Tu pouvais voir Mathieu Chedid comme Rokia Traoré ou Balkan Beat Box. Inconsciemment, je me suis probablement nourri de cette variété. Quand j'étais dans son ventre, ma mère me faisait écouter le même morceau tous les jours. Un morceau dont je me souviens plus le nom mais c'était un truc chelou... Elle mettait le casque audio sur son ventre pour me détendre. Aujourd'hui, ça explique plein de choses. Autant mon parcours dans la musique que mon goût pour diversité. 

cafébabel : Il paraît que tu faisais de la dub quand tu étais petit...

Adrien Leprêtre : J'avais un groupe de dub avec mon petit frère. À 15 ans, j'ai transformé la cave en studio avec des draps. Du coup, ça s’appelait Dub Cellar (Cellar veut dire cave en anglais, ndlr). Ce groupe m'a quand même permis de rencontrer les membres de Concrete Knives. J'ai passé une annonce pour mon groupe de dub dans un magasin de musique et le bassiste a répondu. On jouait ensemble jusqu'à ce qu’il me fasse rencontrer les autres. Il m'a présenté comme le type qui faisait de l'électro alors que je bricolais juste des trucs sur un logiciel de son. À l'époque, tout le monde écoutait LCD SoundSystem et les gars étaient persuadés que je pouvais leur apporter quelque chose en faisant du clavier synthétique. En fait non, j'appuyais sur les touches de mon ordi. Donc tu vois, je suis parti de très loin...

cafébabel : Concrete Knives marche bien. Pourquoi avoir décidé de faire une carrière solo ? 

Adrien Leprêtre : En rentrant d’une tournée, on avait tous besoin de souffler. À l’époque, je testais déjà de nouvelles choses. Je commençais à enregistrer des bouts de chansons, seul, avec ma guitare acoustique. J’ai même monté un groupe un peu lo-fi : Steve Bonaparte and the Catholics. Mais j’ai vraiment débuté Samba De La Muerte avec l’écriture d’un morceau intitulé « Skyline » qui a beaucoup plu à mon entourage. Ils m’ont convaincu de lancer un nouveau projet. 

cafébabel : Qui t’as permis de respirer donc ?

Adrien Leprêtre : Avec Concrete Knives, on a tellement fait le tour de la France, de l'Europe que, quand je rentrais chez moi, j'avais besoin de me reposer. Mais j’avais aussi envie de raconter mes trucs à moi. Il y avait une certaine mélancolie d'être constamment sur la route, loin de chez soi. Sur mon premier EP, j'ai écrit une chanson qui s'appelle « For My Friends », parce que mes potes, je ne les voyais plus. On me reprochait beaucoup de ne plus être là à cause des tournées. J'avais besoin de raconter ça, et il n'y avait que Samba pour pouvoir le faire.

Samba De La Muerte - « Colors »

cafébabel : Une scène très active de musiciens reconnus émerge de la ville où tu vis, Caen. Comment l’expliques-tu ?

Adrien Leprêtre : On est sur la phase descendante là quand même... Je n'ai pas envie de taper sur les nouveaux groupes, mais il y a eu une chute de niveau. Moi, j'ai eu la chance de faire partie d'une génération qui – on ne sait pas trop pourquoi - s'est énormément mélangée. Tout le monde jouait dans plusieurs groupes différents. Nous, avec Concrete Knives, on a bénéficié de deux principaux tremplins à Caen, celui du Cargö et du Phénix. Puis au même moment, tu as Orelsan qui perce avec son morceau « Saint-Valentin » et qui braque l'attention sur Caen. Après tu as Superpoze, Fakear, Gablé le groupe duquel je tire mon nom de scène... 

cafébabel : C’est une affaire de coïncidences alors ?

Adrien Leprêtre : C’est difficile à dire. On se rejoignait tous dans une salle qui venait d'ouvrir, le Cargö. Et il y avait clairement une émulation. Moi, perso, je suis arrivé à Caen à 20 ans. Je venais de Nantes, j'ai arrêté les études pour jouer dans Concrete Knives mais c'était un peu un pari. Je bossais en service civique dans une radio assez influente au niveau local- Radio Phénix - et j'habitais avec le bassiste du groupe. Ensemble, on a créé un système de concerts en appartement ou dans des endroits un peu atypiques de la ville. Ça brassait un paquet de monde. On faisait même venir des groupes étrangers à l'appart. Du coup, il y a eu une réelle émulation qui a duré 5 ans. Et moi, je suis juste tombé au bon moment.

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Écouter : 'Colors' de Samba De La Muerte (YOTANKA / PIAS/2016)

Voir : En concert au point Éphémère, le 13 avril 2016

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.