Salut, je suis roumain ... et plombier !
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Bolkenstein, l'invasion des plombiers polonais, vous vous rappelez ? C'était pendant la campagne sur la constitution.
L'argument rationnel, à savoir la peur de se trouver en concurrence avec des personnes soumises à des lois moins protectrices n'est finalement pas le cœur du problème. Comme on le sait aujourd'hui, la "directive service" n'avait rien à avoir avec la constitution.
La preuve, ce projet de loi a suivi son cours au parlement européen et a été votée, avec beaucoup d'amendements il est vrai et dans l'indifférence générale. Du reste, les règles sur la rémunération minimale fixée par les États n'ont jamais été concernées par la directive "Bolkenstein".
Combien de français le savent ? Et surtout, combien se soucient de la réalité ? Et comment expliquer une telle peur ?
Si l'invasion des plombiers polonais avides de travailler en France pour une poignée d'euros , à ma connaissance, ne s'est toujours pas produite, la psychose continue en Europe de l'ouest, en particulier en Italie et en Espagne , avec les Roumains.
Donnez lui le nom que vous voulez: racisme, xénophobie, ce qui est certain c'est que le ressentiment populaire est bien réel et n'a rien de très nouveau. A un tel point que le gouvernement Roumain a mise en place, avec le gouvernement espagnol, une campagne afin d'améliorer l'image de leurs compatriotes.
Intitulée "hola, soy Rumano" (Salut, je suis Roumain), elle comprend notamment plusieurs spots télé mettant en scène des Roumains intégrés dans l'economie espagnole comme de "bons professionnels". Les spots se terminent par " junto hacemos un gran equipo" ( ensemble, on fait une grande équipe).
On peu regretter le coté un peu "guindé" de la communication-verité et une argumentation qui instrumentalise le citoyen Roumain. Et si Mircea ne sait rien faire de ses mains et de "sert" pas à ses employeurs, en devient il indésirable pour autant ?
L'image transmise à aussi des connotations serviles, avec le scénario répétitif de l'employé dévoué au coté de son chef, qui finalement ne sont pas très positives non plus. Le spot a d'ailleurs été repris en dérision sur TV3 (la télévision catalane) pour illustrer l'éternel ressentiment catalan-castillan. On y voie un dramaturge "polaco" ( qualifié ainsi puisque les castillans traitent les catalans, qui ne veulent plus être espagnols, de "polonais"), tout dévoué à sa maitresse espagnole Castillane, laquelle nous assure que parmi les mérites de cet immigré, le fait de "parler en chrétien" (hablar en cristiano, une expression traditionnelle un peu rancie) n'est pas des moindres
Mais cette campagne a au moins le mérite d'exister, même avec ses maladresses.
Car au fond, il n'est pas facile de lutter contre un préjugé, car justement, il n'agit pas au niveau de la raison mais des sentiments. On y retrouve surtout, en temps de crise, la crispation sur le problème de l'emploi , à "conserver" pour les "nationaux", et la peur de la concurrence, enrobée dans une peur du pauvre qui en fait une menace concrète, physique. Il en résulte un sentiment haineux , que l'on observe par exemple sur le forum de l'initiative.
Beaucoup d'espagnols assimilent ainsi l'ensemble des 700 000 Roumains avec le peu qu'ils en voient quotidiennement: des roms mendiant au carrefour des rues. Il n'en faut pas plus pour forger une représentation.
Du reste, justement, il y au moins autant de roms en Roumanie que de gitans en Espagne...et les espagnols eux-même ont pendant longtemps souffert d'être assimilés en Europe avec la pauvreté et traités en citoyens de seconde zone, des espingouins, des conchitas tous justes aptes à faire le ménage la. C'était il n'y a pas si longtemps.
Peut être que rappeler cette simple réalité aurait été une façon à la fois plus efficace et plus justifiée de lutter contre l'hydre des préjugés.
Références:
Le site de la campagne : http://www.holasoyrumano.es/campaign