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Russie, le mouton à 5 pattes des pays les plus riches

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Default profile picture Pauline Panchout

Politique

La chute du communisme s’est accompagnée d’une perte de pouvoir d’achat pour des millions de personnes. Une poignée d’oligarques et d’hommes d’affaire rusés ont réussi à s’emparer des ressources inépuisables du pays. Aujourd’hui ils font partie des hommes les plus riches de la planète.

Analyse d’un pays qui – quelques années encore – considérait la richesse comme un crime et qui est aujourd’hui gouverné par un Parlement composé de 6 milliardaires et 50 millionnaires.

Alors que 10% des Russes les plus riches battent tous les records en ce qui concerne l’achat de produits de luxe (des yachts aux villas en Sardaigne), 26% de leurs concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, et 70% des travailleurs reçoivent moins de 120€ de salaire par mois. Une étude de Deloitte, société de consultation financière internationale, révèle que la Russie occupe actuellement la 16ème place dans la liste des 25 économies mondiales les plus importantes, ainsi que la 7ème place en ce qui concerne le plus grand nombre de millionnaires. Moscou est donc devenue la capitale mondiale des très riches, avec 79 milliardaires résidents contre 58 à New York. Parallèlement à ce constat, 60% de la population russe est restée à un salaire correspondant à celui de la période soviétique selon l’Ecole Supérieure d’Economie de Moscou.

Un projet politique fondé sur l'aide mutuelle

« L’État qui devrait pourtant les protéger est en réalité leur principal ennemi. »

La Russie n’a jamais connu autant de richesses mais sa répartition reste une utopie. « Business et gouvernement sont devenus les deux branches d’un même projet, leur objectif premier étant de s’aider mutuellement. Si Poutine a consolidé son pouvoir, c’est grâce à sa capacité à équilibrer les intérêts financiers, économiques et politiques des divers groupes de la classe au pouvoir », écrit The American Interest. Ce n’est pas un hasard si on trouve déjà 50 millionnaires et 6 milliardaires au sein de la seule Douma. Le journaliste russe Alexandre Minkin déclarait lors d’une interview accordée à la radio Svoboda : « Il y a environ 100 ans, en 1917, nous avons aboli deux choses pourtant primordiales dans notre pays : la loi et la religion. On a ainsi mis fin à la justice et libre à nous de tuer une personne sous prétexte qu’elle était prêtre ou riche. Aujourd’hui nous devons faire avec ce que nous a laissé ce régime. »

Selon Yuriy Lukanov, analyste politique : « Après la chute de l’Union soviétique, ceux qui sont restés proches du pouvoir se sont considérablement enrichis, ils ont su tirer profit de la période d’anarchie politico-économique. Au temps du communisme la culture de la richesse n’existait pas dans nos pays. Être riche était un délit. Dans les années 90, les mêmes membres du parti communiste qui prônaient la pauvreté sont devenus les seuls à avoir accès aux ressources du pays et ils en ont profitées. C’est aussi dû au fait que la classe moyenne (faible et peu développée), les ouvriers et les paysans ne sont pas habitués à se battre pour leurs droits. L’État qui devrait pourtant les protéger est en réalité leur principal ennemi. »

80 000 mètres carrés répartis sur 3 étages : le vieux bâtiment de 1890 dans lequel les familles soviétiques faisaient la queue pour pouvoir se procurer de quoi manger est aujourd'hui devenu un centre commercial de luxe dans le coeur de la métropole.

Des milliards de roubles dans le néant

En 1991, en un seul jour, des millions de personnes sont restées sans travail. Des milliards de roubles que les ouvriers avaient mis de côté ont disparus dans le néant. Mikhail Deliagin, un économiste russe célèbre, accuse la privatisation sauvage et le fait que toutes les entreprises et tous les terrains aient fini dans les mains de ceux qui détiennent le pouvoir. Il n’y a pas eu de changement structurel de l’économie et l’écart entre ceux qui ont accès aux ressources de l’État et les pauvres (simples travailleurs auxquels on a appris que « c’est beau d’être pauvre ») est irréparable. Aujourd’hui, que peut-on attendre des dirigeants politiques - lorsque 49% du salaire part dans les taxes et la moitié de ce qui reste pour payer les factures - alors que le pain coûte entre 2 et 4€ ?

Marina Arsenova, journaliste à Moscou explique : « En Russie l’écart entre les riches et les plus pauvres est abyssal. Il s’explique avant tout par la corruption et par un système bureaucratique qui dépense inutilement les taxes payées par les travailleurs. Tous les médias de masse parlent chaque jour des affaires concernant la dépense du budget de l’État pour régler les affaires privées de certains parlementaires et d’hommes d’État. Ce n’est pas un hasard si le parti de Poutine – Russie Unie – est appelé "Parti des voleurs et des bandits" par la population. Une politique sociale inexistante, le comportement inacceptable des personnalités politiques en général, les journalistes tués, les répressions contre l’opposition, les promesses non tenues, les élections truquées des dernières années – tout cela aura son poids lors des prochaines élections. Ce n’est pas une coïncidence si le slogan clamé lors des protestations était "Non n’oublions et ne pardonnons pas !" »

En Russie, les dépenses sociales atteignent à peine 3% du PIB du pays. Ces chiffres figurent parmi les plus faibles au monde. Tant que les systèmes hérités des temps communistes (comme l’instruction et la santé) ne seront pas réformés, et tant que les médias de masse nationaux continueront à être détenus par des oligarques, les réformes sociales ne seront que des mots dans la bouche des personnalités politiques. Amartya Sen, Prix Nobel d’économie, disait ainsi que « la pauvreté ne dépend pas de la quantité des biens mais de la possibilité pour ces personnes d’accéder à ces biens ». Aujourd’hui, les Russes manifestant sur les places de Moscou et dans d’autres villes sont la preuve vivante qu’il est grand temps que la Russie devienne le pays de son peuple.

Photo : la Une (cc) mksystem/flickr; dans le texte : Gum, les Grands Magasins : (cc) gregorfischer/flickr; Marina Arsenova: © Arsenova; Vidéo: euronewsfr/youtube.

Story by

Tetyana Kostyuk

Thirteen years of experience as an editor, journalist, on-air personality, media analyst, translator and 5 years of experience as an instructor of Italian language. Since 2004 I've been working in various areas of mass media as a journalist, editor, speaker, reporter and editor-in-chief in Ukraine and Italy. I've also been working on developing magazines, websites and tourist portals, including marketing, PR and social media. During my Master's Degree program in The University of Messina I have spent two years on research work on disinformation and propaganda in Ukrainian and Russian media and its role in the war in Donetsk and Luhansk and in the annexation of Crimea: "The role of media in Ukrainian conflict". My Bachelor's Decree thesis was concerning Eastern Enlargement of EU: analysis of Ukrainian and Polish political, historical and social approaches to European integration: "Eastern Enlargement of EU: Ukraine and Poland between new borders"

Translated from Russia, la Mosca bianca dei paesi più ricchi