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Rugbymania à deux vitesses

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La 6ème édition de la Coupe du Monde de rugby s’est ouverte le 7 septembre dernier. Annoncée comme la compétition de tous les records, elle fait découvrir un sport en voie de mondialisation… et de professionnalisation.

'Swing low, sweet chariot', côté anglais… 'Flower of Scotland', côté écossais… Un haka improvisé par un groupe d’Italiens. Et quelques Parisiens, maillots du Stade Français sur le dos, entonnant la Marseillaise. Mélange des genres, autour de quelques demis… Ce soir, ce sont les Français qui jouent. La rue Princesse à Paris et sa multitude de bars fourmillent de supporters. La Coupe du Monde de Rugby bat son plein et la France croit revivre 1998…

Dix villes françaises, deux stades britanniques, quarante-huit matchs opposant les vingt meilleures équipes de rugby, records historiques d’audience télévisuelle sur TF1 qui retransmet les matchs en France ( le France – Irlande du 21 septembre a réuni plus de 14 millions de téléspectateurs)… l’événement s’annonce juteux.

C’est que, depuis quelques années, le rugby est à la mode. Artisan de ce vent nouveau : Max Guazzini, le patron du Stade Français et fondateur de la fréquence de radio NRJ. Avec lui, les pom-pom girls ont envahi le terrain, les stars de la variété sont venus animer les avant-matchs et les joueurs se sont dénudés dans des calendriers.

Quatre milliards d’euros de retombées globales

Pour l’instant, la stratégie semble porter ses fruits. Selon une étude réalisée par l’ESSEC, le cap des deux millions de billets de vendus est depuis longtemps dépassé. Et près de 350 000 visiteurs sont attendus sur le territoire français, durant la compétition. A eux seuls, ils devraient injecter quelques 1, 5 milliards d’euros dans l’économie nationale. La moyenne estimée des dépenses d’un supporteur européen venu encourager son équipe en terres françaises s’élèverait ainsi à 2 245 euros.

L’organisation du mondial (billeterie, partenariats, marketing, média) rapporterait, elle, près de 250 millions d’euros. Enfin, de manière générale, les retombées globales de l’évènement avoisineraient les 4 milliards d’euros. L’objectif étant de reproduire au moins 25% de « l’effet Coupe du Monde 1998 » !

Même l’IRB, organisateur de l’événement s’y est mis, allant jusqu’à publier un guide officiel du supporteur. A mi – chemin entre un guide touristique classique et une compilation des meilleurs lieux français de la troisième mi-temps.

Localement aussi, on se félicite de l’initiative. Comme à Toulouse, dans le bar tenu par Trevor Brennan, ancien international irlandais et joueur du Stade Toulousain. Ici, tout est prévu: bière australienne au comptoir les jours de matchs des Wallabies et même bière japonaise en hommage aux hôtes de la ville rose.

Les cinq mêmes prétendants au titre depuis 1987

Mais que dire des enjeux sportifs de la Coupe du Monde 2007 ? Des vingt équipes en lice, seule une poignée peuvent prétendre au titre. Depuis 1987, et l’organisation de la première Coupe du Monde de Rugby, ce sont toujours les mêmes nations : la Nouvelle –Zélande (vainqueur en 1987, Finaliste en 1995), l’Afrique du Sud (Vainqueur en 1995), l’Australie (Vainqueur en 1991, 1999, Finaliste en 2003), l’Angleterre (Vainqueur en 2003, Finaliste en 1991) et la France (Finaliste en 1987 et 1999).

Les scores fleuves et les matchs sans enjeux se multiplient. Bien sûr, il y a des équipes outsiders (Argentine, Fidji…), des petits poucets vaillants et des nons professionnels. Mais quand la France compte plus de 200 000 licenciés, l’Angleterre 90 000, le Portugal en recense à peine plus de 3 500, l’Allemagne 4 200. Pendant que l’élite mondiale se dispute le titre, l’Allemagne domine la Suisse, lors de la Coupe des Alpes. Loin de toute médiatisation…

L’arbre qui cache la forêt

Pour les joueurs français également, les retombées financières de la compétition s’annoncent intéressantes, outre les primes de matchs. Héros du moment : Sébastien Chabal a notamment fait savoir qu’il demanderait désormais 200 000 euros par spot publicitaire. De quoi mettre du beurre dans les épinards et creuser un peu plus le fossé des rémunérations dans ce sport.

Entre les revenus d’un Frédéric Michalak, le joueur le mieux rémunéré du Top 14 l’an passé (590 000 euros, dont 280 000 de salaire, 90 000 de primes en équipe nationale et 220 000 euros de contrats publicitaires) et le salaire moyen d’un joueur de Top 14 (7 900 bruts mensuels), le calcul est vite fait !

Et si l’on rajoute à cela, le caractère éphémère de certaines carrières et les difficultés liées à la reconversion professionnelle des joueurs, depuis que le sport ovale a fait son entrée dans le professionnalisme en août 1995… on comprend mieux que certains s’engouffrent dans la brèche. Quitte à devenir de véritables hommes – sandwichs, à la manière d’un Barthez ou d’un Zidane, après 1998.

On dénombre en France quelques 1000 joueurs « professionnels », parmi eux 40% n’ont jamais travaillé. Peut – être bénéficieront – ils de l’effet Coupe du Monde ? On annonce déjà une hausse de 20% du nombre de licenciés dans les clubs de l’Hexagone… de quoi faire naître de nouvelles générations de joueurs ! Talentueux, on l’espère !