Rugby : irez-vous au charbon pour la Coupe du monde ?
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En plus de posséder des règles de jeu changeantes qu’il faut signifier, le rugby s’est constitué au fil du temps un lexique propre. Pour comprendre ce sport et pouvoir apprécier la Coupe du monde 2015 dans toute sa dimension, il faudra donc « aller au charbon » et faire quelques « cravates » au langage traditionnel. Introduction en trois langues.
La Coupe du monde de rugby, organisée au Pays de Galles et en Angleterre, a donné son coup d’envoi le 18 septembre dernier à Londres. Si vous ne le savez pas, c’est sûrement parce que vous êtes originaires d’une région autre que les 8 pays européens qui participent à la compétition. Si vous vous en foutez, c’est sûrement parce que vous n’avez jamais rien compris à ce sport qui évolue très vite et dont le vocabulaire est une condition sine qua non à son apprentissage.
Des essais et des punitions
Le rugby a été inventé à Rubgy, une ville du centre de l’Angleterre où un beau jour de première moitié de 19ème siècle, un type a décidé de prendre le ballon à la main. Étant anglaise, la discipline garde encore l’empreinte de la langue de Shakespeare. Il n’est pas rare dans les postes de télé italiens ou français, d’entendre parler de turnover (rotation), d’up and under (chandelle) ou d’off-load (passe après contact). Mais si ces termes résistent à une traduction latine, c’est qu’ils illustrent des gestes techniques ou des faits de jeu finalement récents. La spécificité du rugby à XV s’articule plutôt sur d’autres phases de jeu plus anciennes et trouvent pour la plupart une traduction en bonne et due forme en France et en Italie.
Ainsi, le « try » - l’essai en France, « la meta » en Italien – symbolise ce pour quoi les deux équipes s’affrontent. On plante un essai en aplatissant le ballon dans la zone d’en-but –« in goal area » et « area di mita » - en faisant reculer ou en franchissant les lignes adverses. Un essai vaut 5 points. On peut également marquer des points en transformant cet essai : c’est la « conversion » en anglais et la « transformazione » en italien qui équivaut à 2 points. Une équipe peut enfin ajouter 3 points si elle tente un « drop » dans le jeu ou une pénalité – « penalty » en anglais et « punizione » en italien : un coup de pied arrêté qui survient après une faute du camp adverse.
Au rugby à XV, les phases de jeu arrêté les plus célèbres sont la mêlée et la touche. Si la touche ne fait pas preuve d’originalité dans les autres langues (« line-out » en anglais, « touche » en italien), la mêlée devient « una mischia » dans la Botte et « a scrum » au Royaume-Uni. Démonstration la plus manifeste de ce sport de combat, la mêlée constitue même l’identité du rugby à XV. Un proverbe anglo-saxon en prend d’ailleurs bien la mesure : « no scrum, no win ».
Dans la plupart des cas, on obtient une mêlée après qu’un joueur de l’équipe adverse échappe le ballon devant lui. En France, on parlera d’en-avant, en Italie d’ « avanti » et en Angleterre de « knock-on ». En plein jeu, les joueurs peuvent aussi se constituer en groupe pour avancer et former ainsi un « maul ». En Italie, on dira que l’on met le ballon dans la place forte : « mettere la palla in cassaforte ». Pour les joueurs français, le maul est plutôt une façon d’ « aller au charbon » ou de « mettre le bleu de chauffe », comme on se retrousserait les manches.
Une fourchette, une cravate et des cartouches
Si le rugby est, selon l’expression anglaise consacrée, « un sport de voyous pratiqué par des gentlemen » (« a ruffian’s game played by gentlemen »), il arrive tout de même qu’un joueur se mette à la faute. Ainsi, au rugby, il est interdit de mettre ses doigts dans les yeux de l’adversaire sous peine de se voir expulser en raison d’une « fourchette » en France, d’un « eye-gouging » en Angleterre et d’une « forchetta » en Italie. Interdit aussi de plaquer le joueur adversaire en le soulevant : c’est la « cathédrale » en France, ou le « placcagio duro » en Italie. Le « high tackle » ou « la cravate » (plaquage haut, généralement à la gorge) est également prohibé. En revanche, vous pourrez toujours faire une « cuillère » - qui consiste à faire un croche-patte avec la main et que les Italiens appellent « francesina » (littéralement « petite française ») – ou un raffût – qui permet d’envoyer balader un joueur qui vient vous plaquer. Un synonyme du « frontino » italien ou du fameux « don’t argue me » australien.
Mais l’un dans l’autre, les expressions rugbystiques les plus truculentes prennent définitivement racine dans le sud-ouest de la France. C’est là, au sein d’un peuple qui respire l’ovalie dès son premier souffle, que l’on s’échange encore le mieux les plus beaux « marrons », les plus belles « châtaignes », les plus grands « tubes », les plus grandes « cartouches » et les plus beaux « tampons ». Et c'est là aussi, qu'aucune langue ne viendra vous aider.
Personne n'est venu aider Jules Plisson sur ce tampon non plus.