Royaume-Uni : « Nous sommes tous nés Européens »
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[REPORTAGE] Cafébabel s'est rendu à Londres à la veille du référendum sur le départ ou non du Royaume-Uni de l'Union européenne. L'occasion de rencontrer une jeunesse britannique profondément divisée sur la question.
En arrivant à Londres à la veille de ce référendum d'une importance capitale pour l'avenir du Royaume-Uni et de l'Europe toute entière, peu de choses semblent annoncer la tenue d'un tel événement. Très peu d'affiches et aucun militant pro/anti-UE dans la rue pour tenter de convaincre les derniers indécis. Il faut se rendre jusqu'à Westminster, où des fleurs ont été déposées en mémoire de Jo Cox, assassinée le 16 juin en pleine campagne, pour se rappeler de la tenue de ce vote, le 23 juin.
Les jeunes britanniques sont cependant bien au courant que c'est leur avenir qui se joue dans les prochaines heures. Si les personnes rencontrées se sentent concernées, leurs avis divergent sur de nombreux points.
« Stay » or « Leave » ?
C'est évidemment la première question qui leur est posée et celle qui permet de se rendre compte de la différence de perception de l'Union européenne chez les jeunes. Pour Robin, 24 ans et serveuse dans un café, « l'Union européenne permet de bénéficier des apports culturels et des richesses de chaque pays ». Elle votera donc pour, tout comme Johnny, 28 ans, pour qui « l'Union n'est pas parfaite, mais il est préférable de tenter de l'améliorer plutôt que de la quitter, ce qui serait dangereux ». Anna, 26 ans qui bosse dans une ONG pour la protection des enfants, est quant à elle beaucoup plus directe et lâche : « Nous, les jeunes, sommes tous nés Européens. Je me sens plus Européenne qu'Anglaise ».
e l'autre côté de la barrière, il y a Ben, 31 ans, intermittent du spectacle. Pour lui, « l'Union européenne est bien plus corrompue que ne l'est le gouvernement anglais. Si nous n'avons pas réussi à la changer de l'intérieur, il est préférable de la quitter ». Il votera donc contre, à l'instar d'Andrew, 24 ans, qui considère que ce serait un moyen de « contrôler l'immigration et de rendre le pays meilleur ». Un argument qui provoquera pas mal de bruit à la table de ses amis.
Si les personnes interrogées ont toutes un avis tranché, les arguments utilisés ne sont jamais les mêmes. Certains insistent sur l'économie et la culture quand d'autres préfèrent parler d'immigration et d'institutions. C'est d'ailleurs ce que note Ben. « On entend des centaines de choses depuis quelques jours, il y a beaucoup trop d'informations et d'éléments », peste-t-il.
« Le référendum a profondément divisé la société britannique »
Question pronostics, le camp du Remain (Maintien) semble détenir un petit avantage dans la bouche des partisans des deux camps. Andrew voit par exemple une répétition du scénario écossais, pour lequel les sondages donnaient des résultats très serrés jusqu'au bout, pour finalement déboucher sur un maintien au sein du Royaume-Uni. Sarah et Malakhan, respectivement 26 et 27 ans, travaillent également pour une ONG et pensent que « le maintien dans l'Union européenne va l'emporter, mais de très peu ». Johnny, 28 ans, qui roule sa bosse dans la pub, pronostique un score de 60/40% en faveur du maintien. Seul Ben, en tant que supporter du Brexit, pense que «« beaucoup de gens se prononceront pour un départ du Royaume-Uni ».
La semaine dernière, la campagne pour le référendum a brutalement été interrompue par un acte tragique : l'assassinat de Jo Cox, cette députée travailliste et défenseuse invétérée de l'UE. Les débats ont laissé place à 2 jours de commémoration mais dès la reprise des hostilités, beaucoup de monde ont souligné le potentiel impact du meurtre de la députée du Yorkshire sur le scrutin. Qu'en est-il pour les jeunes londoniens ? Robin pense que la tragédie n'aura pas d'impact sur les résultats car « les gens convaincus ne vont pas changer d'avis ».Ben aquise tandise qu'Allen, étudiant de 20 ans, aimerait « dire que cet assassinat n'aura aucune répercussion sur les résultats, mais il y en aura sûrement ».
S'il y a néanmoins un point sur lequel s'accordent les différents jeunes rencontrés, c'est sur le climat créé par ce scrutin. Andrew en est convaincu, cela a « profondément divisé la société ». Pour Rachel, 22 ans, « les gens ne s'écoutent pas, n'acceptent pas l'opinion des autres ». Une réflexion partagée par Johnny qui pense que « personne ne se comprend actuellement. Ni les pro-UE ni les anti-UE n'acceptent de s'écouter ».
Malakhan va plus loin et conclut par ce triste constat : « Le débat autour du référendum a fait ressortir les vieux démons du Royaume-Uni, en sommeil depuis plusieurs années. La campagne s'est concentrée sur la question de l'immigration ». Allen pointe même un racisme évident au sein de la société britannique. Et si le Brexit avait ouvert la boîte de Pandore ?
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Cet article a été rédigé par la rédaction de cafébabel Bruxelles. Toute appellation d'origine contrôlée.
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