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Royaume-Uni et politique : critique de la déraison 

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Default profile picture Yveline Le Don

Les désillusions politiques sont un phénomène touchant toute l'Europe.  Les électeurs, exaspérés, critiquent les hommes politiques, qualifiés ainsi de « menteurs, d'égoïstes et de corrompus ».  Cependant, n'est-ce pas surtout le rôle du public de rehausser le niveau des débats  en espérant s'engager vers une nouvelle ère pour l'engagement politique ?

« Le changement »: telle est la litanie que les hommes politiques semblent tous réciter sans cesse, ce qui n'en finit pas de nous irriter.  Si les électeurs sont mécontents de la politique actuelle tout en se nourrissant d'illusions à ce sujet, ce changement semble constituer la solution la plus logique afin que des recrues potentielles rallient les rangs d'un parti.

Cependant, malgré tous les efforts des hommes politiques pour montrer qu'ils évoluent, ces derniers demeurent plus que jamais critiqués que ce soit dans les pubs, les foyers ou encore au cours des longs trajets en voiture. Considérés tour à tour comme des personnes agissant de façon moralement répréhensible, comme des êtres corrompus, indignes de confiance, déphasés et inactifs. En Grande-Bretagne, le public a la possibilité d'interagir avec les hommes politiques au cours du débat télévisé Question Time, diffusé chaque semaine sur la BBC. Les citoyens d'autres pays d'Europe seraient ravis d'avoir la possibilité d'échanger en direct avec des hommes politiques dans ce contexte, mais du côté britannique, l'occasion en est gâchée par les paroles inutiles du public.

Les politiciens ne sont pas tout blancs non plus. Si l’exercice est aussi ennuyant et répétitif, c’est aussi de leur faute. Il n’empêche, ce type d’émission fait souvent appel aux sentiments populistes, bien alimentés par la machinerie médiatique, à l’endroit de cette fameuse « classe politique ». Une classe qui serait uniforme et qui agirait de manière unilatérale en ignorant les désir des électeurs. « Ah, ce sont tous les même ! », « Tous les politiques sont des menteurs ! », « Ils ne représentent pas le peuple ! ».

Russell Brand, les Armchair Cynics  et le dinosaure des démocraties européennes

Ces inepties et autres déclarations génériques - que nous sommes tous plus que prêts à adresser à l'ensemble des hommes politiques - ont entraîné un mépris viscéral à l'égard de la politique en général. Maintenant, des gens comme Russell Brand (humoriste, acteur, chnateur, présentateur anglais ndlr) expriment leur opinion sur le système politique, et font l'objet d'un véritable élan de la sympathie de la part des jeunes. Pendant ce temps là, les déclarations sans intérêt et la paresse des journalistes contribuent à susciter un sentiment d'indifférence toujours plus diffus vis à vis des vrais problèmes.

Ce désenchantement concernant les hommes politiques est certes un problème paneuropéen, mais la frustration ressentie au Royaume-Uni se trouve accentuée par un système électoral criblé de défauts, en comparaison avec les pays d'Europe de l'Ouest. Il faut bien comprendre que notre pays est le dinosaure des démocraties européennes. Le système britannique a pour nom First past the post. Un député est élu dans chaque comté. Si le candidat pour lequel une personne a voté n'est pas élu, il s'agit d'un vote inutile. Aux élections de 2010, les candidats perdants ont remporté 52,8% des voix. En d'autres termes, plus de la moitié des votants n'ont pas été représentés au Parlement. Le taux de participation est bien évidemment bas au Royaume-Uni. Au cours des trois dernières élections, le taux moyen de participation était de 76% en Allemagne, de 77% en Hollande et de 82,2% en Suède. Il apparaît que plus le système est proportionnel, plus le choix est vaste et plus les gens sont motivés pour aller voter.

Comment changer l'attitude des gens

Comment ignorer les critiques sans discernement à l'encontre du système politique ? Comment adopter un autre point de vue au sujet de la politique au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe ?

A ces questions, je répondrais ceci :

1. Nous devons compter sur des médias sceptiques, pas cyniques. Aujourd'hui, la presse dénigre les hommes politiques pour le simple plaisir de dénigrer. Cela ne peut qu'encourager une attitude néfaste et dégoûter encore plus le public de la politique, incapable selon eux d'améliorer leur vie. Décrire les hommes politiques comme des créatures vénales déforme la réalité. L'idée que le pouvoir puisse corrompre ne signifie pas que c'est toujours le cas.

2. Il va sans dire que les gens devraient pouvoir s'exprimer, mais si un véritable débat était engagé pour aborder toute une série de questions, notre point de vue au sujet de la politique en serait grandement changé.

Tout le problème est là : les gens prétendent ne pas s'intéresser à la politique en déclarant que ce n'est pas important. Mais ils réaliseraient peut-être à quel point le processus politique peut jouer un rôle important s'il existait un enseignement impartial et objectif de la chose publique. La politique devrait être obligatoire dans toutes les écoles. Lancer un vrai débat au sujet des rouages de notre système politique serait une façon de sortir de l'ornière dans laquelle nous semblons nous trouver aujourd'hui.

Cette éducation créerait une société civile plus active, où les électeurs seraient mieux informés. Nous ne devrions pas sousestimer l'effet de notre engagement dans le processus politique. Un électorat  plus politiquement intelligent et engagé rendrait plus légitimes les choix faits par les politiciens, et peut-être ferions-nous, en tant qu'électeurs, de meilleurs choix.

Ces changements sont vitaux. Si nous préservons l'état actuel des choses, nous verrons émerger toute une génération moins engagée dans la démocratie et qui détruira ce précisément pour quoi tant de personnes se sont battues dans le passé.  C'est en engageant de nouveau des gens dans la politique que nous pourrons nous débarrasser de cette critique, la plus générique et la plus écrasante de toutes : « Les hommes politiques sont tous les mêmes ».

Translated from Russell's Wrong: Blame the public and the politicians for political disillusion