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Rosas danst Rosas

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N. T.

Le Puy de Babel

Le 8 janvier dernier, la Comédie de Clermont-Ferrand nous présentait une des premières créations (datant de 1983) de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker associée à la compagnie Rosas.

© <http://14.agendaculturel.fr/images/fiches/grde/55658269rosas-danst-rosas-jpg.jpg>

Rosas danst Rosas met en scène quatre danseuses vêtues de la même façon, qui se présentent dos au spectateur, côte à côte, sur un son de percussions – qui n'est pas sans évoquer celui d'une vieille montre à gousset lorsqu'on l'approche de l'oreille –, qui va crescendo ; puis un silence et elles s'effondrent brusquement.

On peut discerner de Rosas quatre parties : la première avec sur une scène nue les danseuses allongées, dans la seconde quelques rangées de chaises servant de support aux danseuses, des chaises formant une unique rangée au fond dans la troisième, et enfin une quatrième dans laquelle les danseuses délaissent les chaises.

Au cours de ces parties, les danseuses sont synchrones, parfois une se détache, puis une autre, puis l'unité reprend, dans de longues sessions de pas et de gestes répétés, de petites variations concernant les danseuses entre elles, se glissant progressivement.

Chaque partie présente en fait une sorte de motif gestuel quasi invariable, les danseuses le présentant ensemble, avant que l'une s'éloigne un peu des autres – dans sa position et ses gestes. On peut clairement distinguer la danse de chaque danseuse (individuelle) et leur danse (d'ensemble), la première ne changeant pas ou peu.

Dans Rosas, on remarque clairement un jeu entre geste et pas de danse, de même que la musique balance parfois entre son et musique. La chorégraphie mêle habilement gestes purement familiers – la main posée sous le menton, les jambes croisées, etc.–, à des pas de danse pure, produisant une indicible grâce mais frôlant avec un aspect aussi froid que fascinant.

Difficile d'exprimer ce que l'on voit, au son d'une musique souvent abrupte mais qui rend justice à la danse : femmes, marionnettes, poupées mécanisées ? Leur danse oscille toujours entre humanité et inhumanité, entre liberté et aliénation.

Abrutissant, absurde et glacial, mais dans le même temps captivant, sidérant et sublime, Rosas danst Rosas est un spectacle éprouvant, une expérience limite, un tourbillon et un précipice dans lequel on ne peut s'empêcher de tomber, dès que l'on y a plongé le regard.

Encore faut-il être disposé à chuter, car il n'est certes pas aisé de chuter volontairement sans préparation préalable. Une chute aussi aérienne qu'abyssale.

Si l'on doit commenter ce spectacle de façon plus fastidieuse, nous dirons que Rosas est tout de même assez long au démarrage, la première partie communiquant un certain ennui, lequel est néanmoins largement compensé par la deuxième, qui est magnifique, et garde l'attention jusqu'à la fin.  

Véritablement emblématique, ce spectacle est à l'image de la danse contemporaine – et de beaucoup d'autres choses... – dont la porte est difficile à franchir, le chemin semé d'embûches, mais qui fourmille de merveilles et de paysages froids et mirifiques, peu rassurant mais tellement beaux. Et Rosas en est assurément.

Fabien Semin

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