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Rona Hartner, la Rom des sens

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madalexe

Culture

Même si elle est devenue maman et a retrouvé une relation spéciale avec Dieu, Rona Hartner, la tsigane rebelle du long-métrage, Gadjo Dilo, a su garder la flamme rom dans son « âme roumaine ». Musicienne, actrice, modèle, française et allemande, interview avec une femme multiple.

A 38 ans, Rona Hartner est une femme épanouie : elle donne des spectacles dans toute la France avec DJ Tagada, est à l’affiche de Poulet aux prunes, le nouveau film de Vincent Paronnaud et de Marjane Satrapi et prépare la sortie de son premier long métrage – « Danse avec Dieu ». Roumaine d’origine allemande, récemment naturalisée française, Rona Hartner est une artiste complexe, passionnée par la culture rom. Après un scandale politico-médiatique dont elle a été victime en Roumanie, Rona s’est installée à Paris en 1997. Le succès incroyable du film de Tony GatlifGadjo Dilo (film français avec Romain Duris sorti en 1997, ndlr) – lui a conféré une image « sulfureuse » de tsigane.

cafebabel.com : Vous êtes à la fois actrice, chanteuse, peintre, vous parlez cinq langues étrangères. Pourquoi avez-vous embrassé la culture tsigane, alors que vous n’êtes pas du tout d’origine rom ?

Rona Hartner : J’ai une vision assez vaste de l’art, j’ai étudié plusieurs formes d’expression artistique, comme la danse sénégalaise, la zumba et les danses latino. J’ai même donné des concerts de hip-hop au Théâtre Mogador dans les années 2000. Mais la seule culture que j’ai réussie à assimiler réellement est la culture rom.

cafebabel.com : Comment avez-vous découvert, justement, cette culture ?

R.H. : Ceci remonte aux années 1980, quand Ceausescu a décidé de démolir notre maison « bourgeoise ». Par la suite, nous avons déménagé dans un quartier populaire, à la périphérie de Bucarest. C’est là que j’ai vu pour la première fois des Tsiganes. Nos voisins étaient des Roms fleuristes, ils nous invitaient à diner chez eux : nous étions les Allemands et eux, les Tsiganes. Tout allait très bien. J’ai ainsi développé une fascination pour leur culture, je rêvais d’interpréter le rôle de la reine des Tsiganes. Mais c’est avec le film de Tony Gatlif que j’ai réellement appris la culture Rom. J’ai passé plusieurs mois dans une satra (communauté tsigane, ndlr) avant de commencer le tournage. Ils se sont montrés méfiants envers moi au départ, mais j’ai su gagner leur respect et ils sentaient que j’avais une âme d’artiste.

cafebabel.com : Vous êtes devenue française en 2010. En même temps, vous êtes ambassadrice de la culture tsigane. En pensant à votre chanson « Nationalité vagabonde », quelle est votre vraie nationalité ?

R.H. : J’ai demandé la nationalité française parce que je rêve en français. Mais, je me rends compte que je suis Roumaine, parce que cela me fait mal de voir ce qui se passe en Roumanie. Après la Révolution (roumaine, ndlr), je me suis sentie exilée, mais j’ai bien fait de m’éloigner du pays.

cafebabel.com : Quelle est votre relation avec la communauté rom, vivant en France et en Roumanie ?

R.H. : Les Roms sont mal vus partout. Si je parle de la culture rom, je rends service aux Roumains, puisque la presse étrangère aime traiter les Roumains de racistes. Les Roms me font pitié – les gens qui ne peuvent pas travailler n’ont pas de dignité. Pour moi, la presse commet un crime prémédité en se focalisant sur les aspects négatifs concernant les Roms et les Roumains, puisque par la suite ils n’arrivent plus à se faire embaucher. Mais en Roumanie, à mon avis, ce pas a été franchi : si un Tsigane cherche du travail là bas, il a une chance d’en trouver.

cafebabel.com : Vous êtes quelqu’un de croyant et de religieux. Comment avez-vous découvert cette voie ?

R.H. : Pour moi, la religion est une issue de secours. Je suis née dans une famille athée et j’ai connu cette voie assez tard. Mais la religion est très importante quand tu es étranger, elle t’aide à mieux t’adapter.

cafebabel.com :. Quel est votre regard envers le monde artistique français ?

R.H. : Je suis arrivée dans ce monde artistique avec l’image sulfureuse d’une Tsigane, image que je garde aujourd’hui encore. Je me suis rendue compte que le monde cinématographique français est assez hermétique, c’est devenu comme une forme d’aristocratie. Mais les artistes sont très importants dans la société d‘aujourd’hui, presque aussi importants que les religieux. Dans sa lettre adressée aux artistes, le Pape Jean Paul II l’avait dit « La Beauté sauvera le monde » !

Photo : Une © Carole Bellaïche; Texte © courtoisie du site officiel de Rona Hartner (shooting pour Christian Lacroix) ; Vidéos : Gadjo Dilo (cc)szatmar666/YouTube , "Nationalité vagabonde" (cc)goodmusicisgodmusic/YouTube

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