Ritournelles
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Christophe LuccheseUne fois qu’elles sont en tête, ces chansons ne veulent plus en sortir. Elles tournent, trottent, rampent, collent, entêtent, énervent… dans toutes les langues européennes.
« I just can’t get you out of my mind », chantait déjà Kylie Minogue. Et même si la chanteuse et actrice australienne ne parlait pas directement de son tube pop à l’air facile à retenir, cela n’a pourtant pas empêché qu’il n’entre dans la tête de millions de personnes à travers le monde pour n’en sortir qu’à grand peine. Qu’avaient donc toutes ces personnes en commun ? D’être infectées par le même virus : la « rengainalgie » ou « ritournellite ». Les sujets touchés par cette maladie présentent des difficultés à se concentrer, ressentent des frustrations et manifestent des tendances à chantonner et à fredonner sans même s’en apercevoir. Le dernier symptôme, en particulier, s’avère être extrêmement contagieux et contribue à la propagation de la maladie susnommée.
Autrefois, les Allemands qualifiaient de « perce-oreille » (« Ohrwurm ») une personne flatteuse. De nos jours, l’expression, signifiant littéralement « vers d’oreille », désigne de façon figurée une musique qui rampe dans le conduit auditif pour y faire son nid. L’expression allemande a été littéralement transposée de l’autre côté de la Manche pour donner en anglais « earworm ». Les Espagnols voient plutôt la rengaine comme une « chanson collante » (« canción pegadiza »). Quant aux Portugais, c’est sur son endurance qu’ils ont mis l’accent avec « chewing-gum d’oreille » (« chiclete na orelha »). Il reste collé dans l’oreille des heures entières, voir des jours.
Avec les Italiens, nous ne sommes pas en reste pour qualifier ce type d’intrusion musicale : rien de plus que de la musique assourdissante qui ne veut plus sortir de la tête (« musique entêtante ») chez les Français, et une chanson « énervante » (« canzone tormentone ») pour les Italiens. Cela explique pourquoi les Nations-unies ont reconnu la musique qui passe en boucle comme un outil de torture… Mais alors, comment vais-je enfin pouvoir me débarrasser de cette mélodie qui me trotte dans la tête (« chodzi mi po glovie »), se demandent à juste titre les Polonais ?
Translated from Ohrkaugummi