Rien de nouveau sur le front académique
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L’université de la Sorbonne, mon humble demeure le jour, est presque vide. Nul bruit d’étudiants insouciants, nulle conversation animée dans la Cour d’Honneur, l’espace détente, et aucun étudiant dévalant à toute allure les couloirs. On dirait que la vie s’est arrêtée, ou du moins s’est apaisée. Que se passe-t-il ?
Il y a une explication à cette atmosphère endeuillée à la Sorbonne : les examens. C’est la période des partielles, un sommet de labeur et de misère. C’est le moment où votre courage et votre rage de vaincre sont mis à l’épreuve. Le moment où vous ne pouvez plus vous voiler la face mais devez affronter le retard accumulé. C’est une bataille contre le temps, contre vos besoins vitaux et, enfin, contre le monde entier (c’est ce que l’on ressent quand, après deux heures de sommeil, on s’assoie pour réviser un autre examen).
Les examens, ce ne sont pas seulement les montagnes russes émotionnelles et physiques ; c’est aussi l’occasion d’entrer dans une contemplation philosophique. C’est l’instant en suspend avant de se poser LA question : Etudier ou ne pas étudier ? Est-ce vraiment ce que l’on veut ? Est-ce que l’on ne préfèrerait pas se laisser aller à la dérive d’un café crème ou d’un croissant croustillant dans le café le plus proche ? La plupart du temps, quand on arrive à ce stade de profonde hypnose, on laisse tout tomber pour courir vers la liberté. Bien sûr, on le regrette toujours le lendemain.
Cette année, j’ai décidé de donner un nouveau tournant à ma vie. J’ai décidé d’arrêté d’être sans arrêt en retard, j’ai décidé de rester éveillée et consciente pendant les cours et de ne pas trop stresser. Et bien, j’ai échoué sur tous les points sauf le dernier. J’étais très décontractée et à l’aise les trois premiers mois. Je vous laisse imaginer le résultat au quatrième mois …
En période si rude, chaque étudiant développe son propre instinct de survie. Les psychologues appellent ça les mécanismes de défense. Le premier d’entre eux et le plus utilisé c’est le déni : Nooonnn, je n’ai pas un examen important demain, je peux encore rester dans ce bar confortable pour un dernier verre. Vient ensuite l’intellectualisation : on tente de rationaliser en se disant que les examens ne sont pas si importants, qu’ils ne sont pas révélateurs de votre personnalité la plus profonde, ni de votre expérience de la vie ni, et c’est le plus important, de votre intelligence sociale.
La plus difficile, mais la plus efficace de toutes, c’est la projection illusoire : on projette toutes ses angoisses intérieures sur d’autres étudiants et on commence à les considérer comme ses ennemis. Ils sont à l’origine de toutes vos misères, ils vous ont persuadé de sortir la semaine dernière, etc. etc. Si l’on arrive à faire cela, on cesse de se sentir coupable, probablement au risque de finir sans amis. Donc, oui, la vie d’un étudiant n’est pas une partie de plaisir. D’ailleurs, si vous connaissez un autre tour de passe-passe intellectuel qui fasse l’affaire, s’il vous plait, dites-le moi, j’en ai désespérément besoin !
Soili Semkina
Traduction : Sophie Helbert