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Révolution des transports

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Une première ligne de métro, un tramway dans le centre, une zone sans voiture et des pistes cyclables : Séville se met aux transports écologiques et déclare la guerre aux embouteillages.

Premier dimanche de mai à Séville : la foule se presse le long de l’avenue de la Constitución, aux rails flambants neufs. Personne pour essayer le nouveau tramway : il fait reconnaître que la ligne est encore en phase de test, son ouverture prévue à l'automne. Les passants préfèrent visiblement commenter une série d'une centaine de toiles, disséminées le long du tracé du futur tram. Ce concours artistique a été organisé par la municipalité pour familiariser les Sévillans avec le ‘Metrocentro’ et la zone piétonne du centre-ville.

Outre la fermeture du centre historique aux voitures, la capitale andalouse connaît actuellement une petite révolution de ses transports urbains, pilotée par la mairie et le gouvernement régional. « Cette seconde modernisation », selon les mots du maire Alfredo Sánchez Monteseirín, intervient 12 ans après l'Expo universelle de 1992 qui avait doté Séville d'un aéroport moderne, d'autoroutes et de trois ponts futuristes sur le fleuve Guadalquivir.

Plus d’une décennie plus tard, les priorités ont changé : les nouveaux transports en commun et les pistes cyclables doivent dorénavant permettre de lutter contre la pollution et le réchauffement climatique. Des objectifs peu évidents dans une ville où prédomine la culture de la voiture et où l'écologie est loin de représenter une préoccupation quotidienne.

Un retour controversé

A 500 mètres de l'exposition, devant le grand hôtel Alfonso XIII, un wagon du nouveau tramway est ouvert à la visite. A l'intérieur, sont placardées des photos d'époque. « En 1887, il y avait déjà un tram à Séville, » s'étonnent les plus jeunes. Pilar, une sexagénaire qui tient un kiosque de journaux sur la place Puerta de Jerez, se souvient : « le tram a été fermé en 1960 et c’est bien dommage car je le trouvais beaucoup plus joli que le nouveau. »

La nouvelle mouture qui doit parcourir 1 kilomètre et demi s’attire déjà les quolibets de nombreux habitants. Trop court, trop coûteux. Sans compter la laideur des pylônes censés soutenir l'alimentation électrique.

Pour couper court à ces commentaires peu flatteurs, la municipalité a d’ores et déjà mis en place un centre d'information qui fait son possible pour rassurer les locaux. D’ici un an, les pylônes devraient être retirés et les tramways rouler de façon autonome, grâce à une batterie électrique. Les rails aussi seront prolongés. Le Parti Andalucista, une coalition nationaliste et conservatrice, menaçait elle de démonter le tram s'il avait été élu lors des récentes élections municipales.

L'esprit de Séville

« Les Sévillans aiment critiquer ce qui est nouveau mais une fois que c'est là, ils sont très contents. Regardez la foule qui se presse sur la nouvelle avenue piétonne » », tempèrent Carlos et Daniel. Les deux Sévillans sont à l’origine de ‘Sevilla21’, un forum de discussions citoyen, consacré aux transformations urbaines de la ville.

Eux font partie des enthousiastes de la première heure alors qu’ils ont suivi toutes les péripéties de la révolution des transports sévillane : la découverte d'une muraille arabe lors du creusement d’une station de métro rue San Fernando, les changements dans le tracé du tramway sans compter la manifestation des chauffeurs d'attelage contre la zone piétonne.

L'arrêt des voitures à cheval sur la place Virgen de los Reyes a notamment été supprimé suscitant la grogne des conducteurs d'attelages. «C'était le meilleur endroit pour attraper les touristes, » confesse Miguel.

Mais il n’y a pas que le tram qui provoque la controverse. « Le métro, » s’exclame ainsi Pilar, « je serai morte avant ! ». Malgré les premiers travaux en cours sur la place Puerta de Jerez et à San Bernardo, elle n’y croit plus. Il faut dire que le premier projet de métropolitain à Séville, lancé en 1974, n'a jamais vu le jour. « Il y avait une opposition encore plus forte qu’aujourd’hui, » analyse Daniel de ‘Sevilla21’.

A l’époque, un quotidien local avait publié une photo truquée insinuant que le percement du tunnel faisait pencher l'emblème architectural de la ville, la Giralda. De fait, le projet avait été interrompu par manque d'argent.

Aujourd'hui, les choses sont un peu différentes : le consortium du métro a obtenu un prêt de 260 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) et recueille les suffrages de la majorité des sévillans. Les accros de la voiture espèrent une diminution des embouteillages, les autres pensent gagner du temps en empruntant le métro.

Attente à Dos Hermanas

A Los Quintos, dans la municipalité de Dos Hermanos, principale cité dortoir de la province, le chantier du métro court sur 200 mètres, engoncé entre les immeubles et le complexe Cinéapolis.

Ici, à 10 kilomètres du centre historique, personne n'imagine que le métro puisse ne pas voir le jour. Surtout pas Alberto. L'adolescent, qui passe en moyenne une heure dans le bus par jour, a calculé qu'il mettra trois fois moins de temps.

Prévue fin 2008 au lieu de l'été 2006 initial, la date de lancement du métro a déjà subi de multiples ‘aléas’ explique-t-on du côté du maître d’oeuvre. Et notamment l'opposition des riverains de Dos Hermanos au passage du métro à l’air libre. Devant l'ampleur de la contestation, le consortium du métro a finalement accepté d'enfouir cette trame de la ligne, une volte-face qui a coûté 6 mois de retard au chantier.

Au centre-ville, devant la boutique de vente de vélos et de réparation ‘QueQue bici’, les amateurs de bicyclettes se pressent. Depuis décembre 2006, les cyclistes profitent des nouvelles pistes cyclables et des nouveaux parkings réservés aux 2 roues. Alberto Fernandez prend notamment son vélo tous les jours pour aller au travail. Séville est «idéale pour les cyclistes,» souligne-t-il. «La ville est plate et il pleut rarement. Mais avant, c'était trop dangereux avec les voitures».

Seule ombre au tableau : les piétons qui marchent sur la piste et parfois refusent même de laisser passer les cyclistes. Sonnette et patience sont alors indispensables.

De son côté, Juan, un chauffeur de bus sur la ligne 133 qui vient d'être ouverte en attendant le métro entre le centre et Dos Hermanas, fait part de son inquiétude. «Ma ligne est presque toujours vide alors qu’elle avait été demandée par les habitants. Et si le métro restait vide après sa mise en service ? », se demande t-il, à juste titre. « Les Sévillans », ajoute t-il, « ont l'habitude d'utiliser leur voiture pour faire 200 mètres et ne se soucient pas de l'environnement ». Plus que l'argument écologique, c'est le coût du transport et le gain de temps qui devraient faire la différence.